Lors de l’actualisation de la liste d’arbitres internationaux de la RDC par la Fédération internationale de football association (FIFA) en janvier dernier, Nzigire Zihindula Rachel (originaire de Goma) a fait son entrée dans cet univers essentiellement occupé par les hommes. Dans cet entretien accordé au desk femme d'Actualité.cd, elle partage ses ambitions à moyen et long terme.
Bonjour Madame Zihindula. Pouvez-vous nous parler de votre parcours dans le domaine du football ?
Rachel Zihindula : Aussi loin que je puisse remonter dans mon histoire, je peux affirmer que j'ai toujours eu une passion pour le football. A l’école primaire, ma sœur jouait au foot. J’appréciais son talent sur terrain. Plus tard, j’ai intégré les équipes de football au niveau de l’école, puis dans les clubs et ce pendant deux saisons. En 2015, j’ai décidé de prendre une formation arbitrale. J’ai été formée par des instructeurs de Goma. En 2016, j’ai intégré l’équipe des stagiaires, j’apprenais les règles du jeu. Deux ans plus tard, il m’a été confié d’officier un match (un championnat local de première division). C’est à ce moment-là que toute ma carrière a débuté. J’ai joué à la Coupe du Congo en 2022 jusqu’en finale. J’ai été désignée comme arbitre protocolaire (AP). La Linafoot a commencé et j’ai participé comme quatrième arbitre, j’ai officié des grands matchs. En moyenne, j'ai arbitré cinq matchs pour la Linafoot et tout s’est bien passé.
Qu’est-ce qui vous a motivé à intégrer ce secteur à prédominance masculine ?
Rachel Zihindula : j’ai rencontré dans mon parcours des femmes qui évoluaient dans le domaine du football. A la télévision également, je voyais des femmes qui arbitraient des matchs de façon extraordinaire. Tout cela m’a encouragé à me lancer. Je me disais que si elles ont réussi dans ce secteur, il n'y avait aucune pour que je ne puisse pas me lancer. En plus, il n’y avait pas de règles du jeu différentes en RDC. Nous appliquons les mêmes règles qu'au niveau mondial. C’est également ce qui m’a fortifié et encouragé à intégrer ce secteur.
Vous avez arbitré des grandes compétitions, notamment la Linafoot ou la Coupe du Congo de football féminin 13e édition en 2022. Quels sont les éléments qui vous caractérisent sur le terrain ?
Rachel Zihindula : je ne suis pas plus spéciale que les autres. Je pense que le respect des règles du jeu est notre meilleure arme. L’assurance, la confiance en soi est l’un des éléments qui me caractérisent également. Aussi, un bon arbitre doit être physiquement fort, c’est-à-dire qu’il faut être près des actions, être apte à prendre les bonnes décisions. Dans mon caractère, on peut aussi retrouver ces éléments.
Au mois janvier, vous avez été classée parmi les arbitres internationales congolaises, reconnues par la FIFA. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
Rachel Zihindula : c’est une nouvelle qui m’a beaucoup surprise. Je ne m’y attendais pas du tout. J’ai été très contente, j’ai reçu la nouvelle avec une grande joie. Je me dis que j’ai évolué dans le domaine du football et qu’à ce niveau, je ne pouvais plus rien prendre à la légère. C’est une reconnaissance et une responsabilité que je dois défendre.
Comment vous voyez-vous dans les 10 prochaines années ?
Rachel Zihindula : je me vois en train d’officier des championnats de haut niveau comme la champions Leagues, la CAN, la CHAN et même la Coupe du Monde. J’y travaille et j’y arriverai.
Avez-vous des personnes qui vous inspirent dans le monde de l’arbitrage ?
Rachel Zihindula : Stéphanie Frappart (39 ans, arbitre internationale du football française) et Salima Radhia Mukansanga (34 ans, arbitre rwandaise, première femme à arbitrer en Coupe d’Afrique des nations, la première femme arbitre africaine désignée pour officier un Mondial en 2022), Jean-Jacques Ndala et Olivier Safari (arbitres congolais). Leurs prestations m’inspirent énormément.
Vous est-il déjà arrivé d’être confrontée aux stéréotypes, préjugés qui entourent les femmes évoluant dans le domaine des sports ?
Rachel Zihindula : nous sommes sur un continent où bon nombre de femmes qui évoluent dans le domaine des sports ne sont pas prises en considération. Ceci induit le fait que la plupart des femmes ne sauront pas s’épanouir, ni viser plus haut. Durant toutes ces années, je me suis forgée un caractère basé sur : la discipline, la concentration sur mon travail et mes objectifs, l'humilité et le respect des règles. Sur terrain, le respect et l’application des règles me font respecter. Je vois de plus en plus de femmes intégrer le secteur sportif, et j’en suis heureuse. La passion pour mon travail d’arbitre est aussi une grande motivation. Ma famille, mon Dieu me soutiennent dans ce métier.
Le corps des arbitres congolais a perdu le 03 janvier, Marie-Angès Makengi, première dame arbitre en RDC. Au-delà de mettre en lumière les femmes qui évoluent dans ce secteur, que devrait faire le ministère des sports ?
Rachel Zihindula : c’est une dame qui a ouvert la voie à d’autres femmes dans le milieu des arbitres. Elle était forte et a donné toute son énergie pour son métier. Malheureusement, force est de constater que la RDC n’honore pas les femmes qui évoluent dans le domaine des sports. Madame Marie-Angès Makengi a fait la fierté de ce pays et le ministère des sports devait honorer sa mémoire. Il y a des arbitres qui travaillent durement, s'entraînent au moins cinq jours par semaine, mais lors des séminaires, ils ne seront pas invités ou ne pourront pas y prendre part faute de moyens (transports et autres). Je proposerais au ministère des sports de récompenser le métier de cette première arbitre congolaise en octroyant un soutien à sa famille (financier ou matériel). La RDC a des talents et il faut que le ministère les repère et les soutienne. C’est également un plaidoyer que je lance au ministère.
Un dernier mot ?
Rachel Zihindula : je remercie la FIFA, la FECOFA, mes instructeurs, mes formateurs nationaux et internationaux, mes managers. Même au niveau de la province, nous ne bénéficions pas du soutien du ministère provincial des sports.
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Prisca Lokale