De la visite du couple royal belge aux nouvelles tensions entre la RDC et le Rwanda, en passant par le report du voyage du pape en Afrique, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l'actualité. Tracy Ntumba revient sur les temps forts de la semaine qui s'achève.
Bonjour Madame Tracy Ntumba et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Tracy Ntumba : Je suis juriste de formation, mes domaines de prédilection portent sur les droits de l’homme et la justice pénale internationale. Je suis également détentrice d’un diplôme d’analyste en stratégie internationale parcours géopolitique et prospective, de l’Institut des relations internationales et stratégiques de Paris, IRIS SUP, et d’un diplôme en droit international public de l’académie de droit international de la Haye.
Je suis experte en gouvernance avec un attachement pour les politiques éducatives. J’appuie les réformes institutionnelles, j’accompagne les décideurs en leur offrant une assistance technique de proximité pour l'amélioration de la gouvernance dans les secteurs concernés.
Je suis passée par l’organisation internationale de la Francophonie où j’ai été en charge d’appuyer l’organisation de la 10è conférence des OING de la francophonie prévue en marge du sommet des chefs d’Etats à Madagascar, j’étais en charge de coordonner et d’alimenter la réflexion sur le cadre de collaboration entre l’OIF et les OING, renforcer les modalités de communication interne et externe autour des actions et résultats des projets de renforcement des capacités et de collaboration avec la société civile de l’espace francophone.
Consultante pour plusieurs projets et institutions, depuis 2017, j’ai rejoint le programme ACCÉLÉRER (sous le financement conjoint de UKAID et USAID, projet d’appui à l’amélioration de la gouvernance du secteur éducatif), j’ai d’abord été chef de bureau au Lualaba en charge d’implémenter le programme et de mettre en œuvre les activités, ensuite j’ai coordonné l’axe de travail sur les bureaux gestionnaires. Aujourd’hui je suis chargée de l’éducation des filles dans le cadre du projet pilote du programme.
Sur le plan associatif, Je suis co-fondatrice du collectif des jeunes ambassadeurs d’Afrique, et volontaire de l’union africaine auprès de la division jeunesse.
La semaine s'est achevée avec l'annonce du report de la visite du Pape François en RDC et au Soudan du Sud pour raison médicale. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
Tracy Ntumba : en tant que jeune catholique, il faut reconnaître que l’annonce du report nous a fortement déçu bien que je le comprenne parfaitement. Le pape est âgé et il ne faudrait pas prendre à la légère son état de santé. Qu'il se conforme aux recommandations de ses médecins, nous continuerons à prier pour le saint père, pour son rétablissement afin de concrétiser cette visite.
En sécurité, les combats ont repris lundi entre les FARDC et le M23 dans le territoire de Rutshuru au Nord-Kivu. Que représente pour vous ce rebondissement ?
Tracy Ntumba : pour moi, cela démontre clairement la mauvaise foi du Rwanda et nous ne cesserons de le dénoncer, on a réuni suffisamment des preuves attestant que le Rwanda finance le mouvement du M23. "Qui veut la paix prépare la guerre" dit-on. La RDC doit s’assumer, ce n’est pas à la communauté internationale de protéger nos concitoyens.
Les tensions ont également repris entre la RDC et le Rwanda. Kinshasa accuse Kigali d'avoir déployé 500 de ses soldats en soutien au M23 et d'avoir bombardé une école à Rutshuru. "Accusations sans fondement" réplique le Rwanda. Que pensez-vous de cette escalade ?
Tracy Ntumba : les accusations contre le Rwanda ne sont pas sans fondement, dans sa déclaration d’hier, le 11 juin, le ministère des Affaires étrangères a confirmé le soutien de l’armée rwandaise au groupe terroriste du M23, les images des drones attestent l’occupation jusqu’à ce jour de Tchanzu et de Runyoni par les forces de défense du Rwanda.
Cela prouve suffisamment que le Rwanda ne souhaite pas avoir des relations cordiales avec la RDC, je ne vois pas pourquoi l’on devrait le supplier à négocier. Le conseil de sécurité en lieu et place de demander à la RDC de négocier, devrait plutôt sanctionner l’agresseur, qui est identifié et connu au regard des preuves disponibles.
Entre-temps, les mouvements citoyens projettent une nouvelle manifestation pour réitérer la nécessité d'une rupture diplomatique avec le Rwanda qui inclut l’expulsion de l'ambassadeur rwandais en RDC Vincent Karega. Que dites-vous à propos de ceci ?
Tracy Ntumba : je comprends et je pense que le pressing de l’ensemble des organisations de la société civile, les mouvements citoyens y compris, contribuent fortement à attirer l’attention du monde sur la RDC. Il est plus que temps pour le monde entier de comprendre que Kagame soutient le M23. Il faut continuer à mettre la pression aux autorités pour rompre les relations diplomatiques avec le Rwanda, c’est une nécessité. Nous avons perdu deux élèves à l’institut saint Gilbert de Rutshuru, on a identifié l’agresseur, c'est le Rwanda. Je ne comprends pas pourquoi on continue à garder l’ambassadeur Karega. Son départ est plus que imminent.
Par ailleurs en Ituri, des nouvelles attaques impliquent la Coopérative pour le Développement du Congo (CODECO) malgré la signature des actes de paix avec l'Armée. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
Tracy Ntumba : c’est tout de même étrange ce retournement de situation alors que des accords ont été trouvés et signés d’ailleurs. Je pense qu’il y a bel et bien une raison qui justifie le retournement de situation. C’est un dossier sensible et je comprends que le contenu de ces accords n’ait pas été divulgué. Du reste, l’Etat devrait être vigilant lorsqu’il signe des accords avec des groupes rebelles, ce n’est pas la première fois que cela se produit, il faut tirer des leçons du passé pour que la population ne soit toujours pas victime de la colère des belligérants.
Le roi et la reine de Belgique séjournent en RDC dans le cadre d'une visite officielle, marquée par la restitution d'une œuvre d'art prise à la RDC durant la colonisation. Que représente cette restitution pour vous ?
Tracy Ntumba : pour moi c’est un premier pas dans le chemin de la reconnaissance de ce passé colonial qu’il faut considérer, bien que cela ne suffit pas. Il faut également savoir qu’il n’existe pas de justice sans réparation, la RDC devrait saisir cette opportunité pour rassembler ses experts et exiger des dommages et intérêts pour tout le préjudice subi par elle à l’époque coloniale. La Belgique ne doit pas seulement restituer une « œuvre d’art », il faut restituer toutes les œuvres d’art de RDC arrachées à nos ancêtres et disponibles encore à ces jours en Belgique
Les discours, de la part des officiels congolais et belges évoquent un nouveau départ pour la coopération entre les deux pays. Tandis que, certains politiques congolais soulèvent la nécessité des excuses et réparations avant de porter un regard vers L'avenir. Quel est votre point de vue sur cette question ?
Tracy Ntumba : je suis d’avis, et comme je viens de le dire, il faut qu’il y ait justice pour des milliers des Congolais ayant été victimes de cette colonisation, nous en sommes tous victimes d’une manière ou d’une autre, puisqu’il n’y a pas de justice sans réparation. Il faut avoir un regard sincère avec la Belgique pour porter l’affaire devant la Cour internationale de justice, juridiction compétente pour traiter des différends opposant des États. Les excuses, oui, mais surtout la justice.
Vous avez également pris part à la table ronde du couple royal autour des femmes leaders. Pouvez-vous revenir sur les éléments abordés au cours de cette réunion ?
Tracy Ntumba : les thématiques abordées pour cette table ronde ont porté sur l’autonomisation des femmes : De l'éducation des filles à l’entreprenariat des femmes, la participation politique des femmes, les violences sexuelles et celles basées sur le genre, y compris les violences domestiques. La santé sexuelle et reproductive des femmes et des adolescentes .
J’ai eu pour mission de faciliter les discussions et de présenter au président Félix Tshisekedi Tshilombo, à sa majesté la reine Mathilde, à la ministre de la coopération au développement et de la politique des grandes villes, Madame Meryame Kitir et au secrétaire d’état à la relance et à la politique scientifique , Monsieur Thomas Dermine ,les initiatives locales des femmes congolaises et la manière dont elles accompagnent les acteurs institutionnels par leur analyse de l’écosystème et par leurs activités sur terrain. C’était une grande opportunité pour moi de mener le plaidoyer pour l’amélioration des conditions d’apprentissage des jeunes filles.
En sports, le ministre a notifié Hector Cuper, la volonté du gouvernement de résilier le contrat qui lie les deux parties depuis mai 2021. Position qui intervient après deux défaites consécutives. Que pensez-vous de cette décision ?
Tracy Ntumba : je pense que Hector Cuper ne devrait même pas être recruté à la base. Je ne vois pas l’opportunité d’avoir un entraîneur qui ne comprend pas la langue, Hector Cupper ne parle ni le français ni le lingala, c’est normal qu’il n’arrive pas à construire un esprit d’équipe entre les joueurs. On ne peut espérer gagner des championnats alors qu’on recrute des joueurs sans club, n’ayant pas joué depuis des mois.
Au niveau international, l’épidémie de variole de singe (Monkeypox) frappe le monde en pleine crise de la Covid-19. En Afrique particulièrement, des cas ont été signalés au Cameroun, en République Centrafricaine, en RDC, au Libéria, au Nigéria, en République du Congo et en Sierra Leone. Quelles mesures prendre pour une riposte efficace ?
Tracy Ntumba : il faudrait que le ministère de la santé puisse informer la population. Beaucoup parmi nous ne sont pas informés sur cette épidémie, quels sont les symptômes par exemple ? comment prévenir ? Comment réagir en cas de contact ? C’est maintenant qu’il faut agir pour éviter d’être surpris comme avec la Covid-19 en 2020.
Propos recueillis par Prisca Lokale