RDC : l'actualité de la semaine vue par Christelle Mpongo

photo/droits tiers
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De l’annonce d’une table ronde sur l'État de siège, à la rencontre entre Martin Fayulu et Matata Ponyo, en passant par les attaques des miliciens Codeco dans un camp de déplacés, l’ouverture d’un procès opposant un cinéaste belge à deux cinéastes congolais, ainsi que le décès de la journaliste Shireen Abu Akleh, la semaine qui s’achève a été riche en évènements. Ce 14 mai, Christelle Mpongo Lula passe au crible chacun de ces faits. 

Bonjour Madame Christelle Mpongo et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ? 

Christelle Mpongo : Je suis journaliste et éditrice du magazine Femme d'Afrique. J’ai un diplôme de licence en journalisme, politique extérieur option Presse Écrite. J’ai commencé mon cycle maternel à Mbuji-Mayi (dans la province du Kasaï-Oriental) au lycée Tua kumpala avant d’aller à l’école du poste Miba. J’ai pratiquement fait mes études primaires et secondaires entre l’Ecole Belge de Mbandaka en Equateur, le CS Sungura à Bukavu, le lycée Matondo, à Bandundu ainsi que le lycée de Kimwenza à Kinshasa. Avant de créer femme d'Afrique Magazine, j’ai travaillé dans plusieurs rédactions notamment la référence plus, Forum des As, le journal Uhuru et le Magazine Awa. Femme d'Afrique Magazine est un média congolais qui fait la promotion de la femme africaine en général et Congolaise en particulier. En 2013 j’ai lancé femme d’Afrique en version papier et en 2019 la version Web. Cela fait 9 ans que femme d’Afrique existe. Aujourd'hui nous avons une représentation au Cameroun, en Centrafrique, au Togo,au Mali, au Sénégal et en Côte d'Ivoire.

La semaine a démarré avec l'annonce de la tenue d'une table ronde par le président de la République, afin de décider de l'avenir de l'état de siège, une année après sa mise en œuvre. Quelles sont vos recommandations à ce sujet ?

Christelle Mpongo : il faudra que ces assises soient inclusives, que toutes les couches sociales impactées par cette mesure exceptionnelle soient prises en compte. Qu’à l’issue de cette table ronde, des mesures soient également prises pour que les hommes en uniforme œuvrant dans cette région soient dotés en logistique pour une meilleure sécurisation des populations. La protection de la population est bien plus importante.

Dans son tout dernier rapport, Amnesty International révèle que les autorités militaires placées à l'endroit des civils ont utilisé leurs pouvoirs exceptionnels pour porter atteinte aux droits des personnes en toute impunité. Elle recommande ainsi au Chef de l'État de révoquer immédiatement tous les pouvoirs accordés aux tribunaux militaires pour juger les civils. Que pensez-vous de ce rapport ?

Christelle Mpongo : à mon avis, la justice militaire ne peut pas juger des civils. Ils sont là pour la protection des biens et des personnes. Aussi, la constitution et les traités internationaux garantissent le droit à la liberté d’expression  à tout le monde quel que soit le crime. Les revendications sont fondées et les notables de ces régions ont pleinement le droit de hausser la voix face aux injustices. J'aimerais juste qu’on trouve un terrain d’entente. Mettre fin à l’état de siège n’est pas évident mais renforcer des juges civils pour la partie civile et garder les juges militaires pour l’armée est possible. Il y aura de l’équilibre dans ce cas. 

Entre-temps au cours de la plénière de jeudi, le Président de l'Assemblée nationale Christophe Mboso a demandé à ses collègues de poser un geste humanitaire en faveur des enfants abandonnés et meurtris des provinces de l'Ituri et du Nord-Kivu avec des contributions mensuelles de 100 USD chacun. Que pensez-vous de cette proposition ?

Christelle Mpongo : ce geste est louable mais, ils peuvent faire en plus. En tant qu’élus du peuple, il est toujours nécessaire d’avoir un regard charitable envers ses électeurs. Que cela ne s'arrête pas au bout d’un moment. Cette initiative mérite d’être continuelle.

Il y a également eu des attaques cette semaine dans un camp de déplacés mené par des présumés miliciens de la CODECO (14 morts) ainsi que dans le village de Kundala Kundala en Ituri (03 morts et 9 véhicules). N'est ce pas une raison de plus pour mettre fin à l'état de siège ? 

Christelle Mpongo : je pense vraiment qu’il faut donner de la chance à cette mesure exceptionnelle. L'état de siège doit se poursuivre malgré les attaques. La zone est encore en insécurité, il faut donner de la force à nos forces de sécurité. 

En politique, Matata Ponyo a lancé son nouveau parti dans les milieux de l’opposition. Il a eu des échanges cette semaine avec Martin Fayulu pour présenter son parti, ses idées, mais surtout son positionnement par rapport à l’actuel pouvoir. Que pensez-vous de cette rencontre ? 

Christelle Mpongo : j'ai toujours eu de l'admiration pour le professeur Matata Ponyo vu ses réalisations dans la province du Kindu. Créer un parti dans le milieu de l’opposition dépend aussi de ses idéologies en tant qu’acteur politique. Ce que le peuple veut en 2023, c’est d’élire un président réaliste qui pensera premièrement au bien être et à l’épanouissement de sa population. Si l'opposition créée par Matata Ponyo et Martin Fayulu apporte un changement en faveur du peuple, nous les encourageons à aller de l'avant.

En justice, le cinéaste belge Thierry Michel et sa productrice, sont accusés par les cinéastes congolais Balufu Bakupa-Kanyinda et Gilbert Balufu de plagiat et vol dans l’imaginaire congolais. Le procès ouvert mardi au tripaix de Kinshasa-Gombe, a été renvoyé dans trois mois pour permettre aux accusés de comparaître. Quelles sont vos attentes à ce sujet ? 

Christelle Mpongo : il est toujours important de sécuriser son œuvre pour éviter ces formes de conflits. Que la vérité soit établie. Si ces accusations s’avèrent, que le cinéaste et la productrice belges reconnaissent simplement et payent les droits d’auteur. Au cas contraire, il va falloir annuler la production, une chose difficile d’autant plus que réaliser un film implique beaucoup de dépenses.

Dans le procès Chebeya, la haute cour militaire a acquitté Paul Mwilambwe, et condamné Jacques Mugabo à 12 ans de servitude pénale principale avec radiation de la police nationale congolaise, Christian Ngoy Kenga Kenga a été condamné à mort. Que pensez-vous de ce verdict ?

Christelle Mpongo : je pense que justice a été rendue. L’affaire Chebeya a pris énormément d’années pour enfin trouver les coupables selon les résultats des enquêtes menées. Nous ne pouvons que faire confiance à la justice.

 Dans le dossier de l'affaire des 100 jours, cette semaine, Samih Jammal a bénéficié d'une liberté provisoire après Vital Kamerhe et Jeannot Muhima, tous condamnés au premier degré. Quel est votre avis à ce sujet ? 

Christelle Mpongo : nous prenons acte de cette décision de justice.

Dans le Haut-Katanga, l'archevêque métropolitain de Lubumbashi Fulgence Muteba Mugalu a annoncé la tenue du forum sur la réconciliation des leaders du Katanga. Du 17 au 19 mai, ces assises vont rassembler des acteurs politiques, opérateurs économiques, chefs coutumiers, jeunes et mouvements des femmes. Quelles sont vos attentes à ce propos ? 

Christelle Mpongo : ne parlons pas seulement des katangais. La réunification du pays est primordiale. La sécurité des biens et des personnes est très importante. Que toutes les rencontres tenues en ce sens soient mises en œuvre.

Dans l'actualité internationale, la journaliste d' Al-Jazeera, Shireen Abu Akleh a succombé après avoir été atteinte par balle mercredi alors qu'elle couvrait des affrontements dans une ville palestinienne. Que pensez-vous de cette nouvelle qui intervient quelques jours après la célébration de la liberté de la presse ? 

Christelle Mpongo : j'ai suivi la vidéo. Je plaide pour la sécurisation des journalistes sur terrain quelque soit les circonstances.


Un dernier mot ?

Christelle Mpongo : je remercie Actualité.CD, et vous félicite pour le travail abattu pour nous mettre au parfum des nouvelles d'Afrique et monde.

Propos recueillis par Prisca Lokale