Directrice et fondatrice d’un média en ligne et d’une chaîne de télévision, Rachel Kitsita Ndongo est connue pour son dynamisme dans le secteur médiatique. Elle a travaillé pour plusieurs médias avant de lancer Actu30. Dans cet entretien avec le Desk Femme, elle revient sur son parcours, ses défis quotidiens ainsi que ses projets.
Bonjour Madame Kitsita Rachel. Vous êtes responsable du média Actu 30. Pourriez-vous nous parler brièvement de votre parcours ?
Rachel Kitsita : Je suis congolaise, née en avril 1983 et mère d’un garçon de 17 ans. J’ai un diplôme de graduat de l’Institut facultaire des sciences de l’information et de la communication (IFASIC). Je suis journaliste reporter. J’ai un parcours professionnel de 16 ans. J’ai commencé ma carrière comme stagiaire professionnelle à la chaîne de télévision Numérica. Retenue par la rédaction, j’y ai travaillé pendant 13 ans. En 2016, j’ai fait la rencontre de Patient Ligodi qui venait de lancer Actualité.cd. Je combinais alors mon travail chez Numérica avec des articles que j’envoyais à Actualité.cd. J’étais également dans un projet de radio chez Internews (Vox Congo). En 2018, après ma démission chez Numérica (j’occupais alors le poste de rédactrice en Chef adjointe), j’ai créé Actu 30. A l'origine c'était un magazine avec un journal produit et diffusé sur quelques chaînes de télévision. Nous avons ensuite créé une chaîne YouTube. Une année plus tard, nous avons créé un site internet (Actu 30.cd) parce qu’il fallait s’adapter aux nouveaux outils disponibles. Cela va faire trois mois que nous avons lancé une chaîne de télévision en essai sur la TNT.
Qu'est-ce qui vous a motivé à vous lancer dans ce secteur ?
Rachel Kitsita : Actu 30 existe depuis environ 5 ans. Je dirais que c'est une vocation. De mon parcours à Numérica, et de mon expérience au sein du média Actualité.cd, j’ai compris que je pouvais aussi transmettre mes connaissances dans la diffusion d’une information crédible, vérifiée et cela de manière instantanée. Je me sentais dans la peau d’une journaliste responsable d’un média et formatrice des jeunes femmes qui veulent bâtir une carrière dans ce secteur. C’est ce qui m’a poussé à créer Actu 30.
Quels défis rencontrez-vous au quotidien en tant que DG ? Comment parvenez-vous à les surmonter ?
Rachel Kitsita : l’accès aux sources d’information reste le plus grand défi. Je suis une journaliste qui n’a pas de coloration politique, je précise que je ne suis membre d’aucun parti politique. Je voudrais laisser la place à l’information. Mais il y a un phénomène qui naît dans l’espace audiovisuel congolais et qui met les journalistes en difficulté.Les portes de l’information commencent à être fermées parce que le journaliste, dit-on, ne soutient pas le parti, diffuse des informations contre le parti. Chacun veut donner l’information au journaliste de son choix, quand cela lui convient. Je me retrouve assez souvent dans ces difficultés. L’autre difficulté concerne les moyens financiers. Nos médias ne sont pas très viables économiquement, la communication aide quand même à combler ce vide. Mais comme les médias ne sont pas subventionnés par l’Etat congolais, il y a beaucoup de taxes à payer à plusieurs niveaux. L’autre difficulté concerne la considération en tant que femme au niveau de la société. Il est vrai que cela a un peu changé, mais il faut que tu imposes le respect, que tu prouves à la société que tu ne dors pas, que tu travailles durement. Cependant, au niveau de la rédaction, je ne rencontre pas cette difficulté. Le Congo est pluriel avec une diversité d’opinions et ce n’est pas facile de mettre tout le monde d’accord.
Comment imaginez-vous votre entreprise dans les dix prochaines années ?
Rachel Kitsita : j'imagine une grande société de l’information, l’empire de l’information comme j’aime le dire. Je suis une fervente chrétienne, je prie que Dieu me donne la force de continuer et une équipe de journalistes qui m’accompagne et prenne à cœur le sens de notre travail. En tenant compte des aspects professionnels, des règles qui régissent le métier, des lois du pays en tant que citoyen, si nous décidons de passer outre les fake news, livrer de la bonne information, rester professionnel, nous allons résister et évoluer. Cela va aussi attirer des partenaires. Mon plus grand rêve est que A30 devienne une source d’information crédible en RDC.
Le 03 mais, la liberté de la presse a été célébrée en RDC et dans le monde. Quelles sont vos attentes, auprès du gouvernement congolais et des professionnels des médias ?
Rachel Kitsita : nous voulons que cette parole qui s’est libéralisée depuis plusieurs années maintenant continue à l’être. Nous attendons des lois qui doivent être adoptées au parlement pour faciliter le travail du journaliste, notamment la loi d’accès à l’information, la dépénalisation des délits de presse. Nous attendons les subventions de l’Etat, la mise en pratique des recommandations issues des assises du centre Nganda sur les états généraux de la communication et des médias en RDC. J’en appelle également à tous les confrères, qui font un travail exceptionnel en RDC, de continuer à être plus professionnels. Et à quelques-uns parmi nous, de pouvoir se ranger derrière le code d’éthique et de déontologie du journalisme, de ne pas tomber dans le libertinage pour que nous ne soyons pas en situation de contradiction et de rivalité avec les pouvoirs en place. Nous avons le devoir de critiquer, d’éclairer l’opinion sur certains faits, mais nous ne pouvons pas nous substituer à l’Etat ou au pouvoir judiciaire.
Propos recueillis par Prisca Lokale