Du dialogue de Nairobi pour l'instauration de la paix dans l'Est du pays en passant par l'un an du gouvernement Sama Lukonde et l'examen de la loi électorale ainsi que les tueries dans les provinces de l'Ituri et Nord Kivu sous état de siège, la semaine qui s'achève a été riche au niveau de l'actualité. Mugisa Dena revient sur chacun de ces faits marquants.
Bonjour Mme Mugis, pouvez - vous nous parler brièvement de votre parcours ?
Mugisa Dena : Je m'appelle Mugisa Dena Jolie Joana, je suis avocate de profession, conseillère au ministère de la culture. Je suis brevetée du collège des hautes études de stratégie et de défense de la session spéciale 2019.
Le dialogue entre les autorités congolaises et les groupes armés s’est clôturé à Nairobi. Que retenez-vous de ces assises?
Mugisa Dena: Je retiens que le gouvernement fait tout son possible pour que le retour de la paix dans la partie Est de mon pays soit effective. J'ai vu qu'il y a eu beaucoup de groupes armés qui ont fait le déplacement à Nairobi et je note une réelle volonté de toutes les parties prenantes pour mettre fin à cette guerre qui n'a que trop duré.
Quel bilan dressez-vous du mandat de Sama Lukonde qui vient de totaliser une année au poste de premier ministre?
Mugisa Dena : Par déontologie professionnelle je ne peux pas me permettre de juger d'autre ministre mais tout ce que je peux vous dire c'est que là où je suis au ministère de la culture, nous avons obtenu l'inscription de la Rumba Congolaise comme Patrimoine Immatériel de l'humanité. Nous avons déjà deux ou trois projets de loi, une sur les principes généraux régissant la culture et les arts et une autre du Sénateur Didier Mumengi que nous accompagnons sur le patrimoine. Il y a aussi un projet sur le droit d'auteur et le droit voisin. Ce que nous utilisons aujourd'hui est obsolète vu les nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Il faut adapter les lois, c'est pourquoi, à notre niveau nous avons essayé d'élaborer ce projet et je pense qu'il fera l'objet de discussions au niveau de l'assemblée nationale. Dernièrement, nous avons acquis d'une façon effective l'ancienne villa de Papa Wemba pour en faire le musée de la Rumba congolaise. Cela s'inscrit dans la même lignée que l'inscription de la rumba. Seule l'inscription ne suffit pas si les actes ne suivent pas, l'Unesco peut retirer cette inscription. Nous avons une sorte d'ouverture, le ministère qui jadis ne s'occupait que des musiciens, les autres artistes étaient tenu à l'écart, maintenant avec l'actuelle ministre de la culture tous les secteurs culturels sont pris en compte que ça soit les écrivains, les cinéastes, les dramaturges, les musiciens, les peintres, tous les arts ont trouvé une oreille attentive auprès de la ministre.
À une année des élections, les élus nationaux proposent une réforme de la loi électorale. Que pensez-vous de cette proposition?
Mugisa Dena : il est vrai qu'à une année du prochain scrutin, c'est un peu compliqué de discuter des matières de fond, le délai est court. Cependant, je tiens à souligner qu'il y a des propositions que j'apprécie, comme par exemple celle d'interdire les dons (sel, savon, etc...) dans les villages pour se faire élire. C'est de la corruption. Une autre innovation c'est celle d'interdire à ce que les gens puissent placer des membres de leurs familles pour être suppléants. C'est une très bonne chose que je salue. Je trouve que ce sont des grandes innovations et si cette loi passe, cela va permettre à ce que tous ces désordres que nous voyons au niveau de l'Assemblée nationale ou provinciale puissent prendre fin.
En tant que femme, quelles sont vos propositions au niveau des réformes de la loi électorale ?
Mugisa Dena : En tant que femme je sais que pour les postes nominatifs on a vraiment lutté. Le chef de l'État est en train de réaliser toutes ses promesses parce que nous voyons qu'aujourd'hui, de nombreux postes qui étaient occupés par les hommes sont occupés par des femmes qui se débrouillent bien, c'est à féliciter. J'aimerais vraiment qu'on rende l'élection de la femme obligatoire surtout sur les listes. Que s'il y a deux sièges, le parti puisse absolument présenter une femme et un homme. Que l'on puisse aussi donner aux femmes les mêmes moyens que l'on donne aux hommes pour battre campagne. La plupart du temps, les hommes qui sont déjà au pouvoir utilisent leur moyen pour battre campagne alors que les femmes qui n'occupent aucun poste ne peuvent pas. Cela crée un déséquilibre. Je sollicite vraiment l'émergence de la femme dans les instances décisionnelles et que ces femmes, une fois élues, puissent ouvrir les portes pour d'autres femmes.
Toujours à l'Assemblée nationale, le Professeur Mbata a été élu 1er vice-président pour le compte de l'UDPS. Pensez - vous qu'il sera à la hauteur des attentes des élus nationaux ?
Mugisa Dena : Ceux qui l'ont élu savent pourquoi il l'ont fait, ils ont jugé qu'il est capable d'assumer ses responsabilités à ce poste. C'est un constitutionnaliste et professeur.
Face à l'état de siège dans les provinces de l'Ituri et du Nord - Kivu, des élus dénoncent plusieurs cas de massacres, ils appellent à la levée de cette mesure. Que pensez-vous de cette revendication?
Mugisa Dena : Je suis originaire de l'une de ces deux provinces et je ne peux pas dire que l'état de siège est un échec. A l'opposé, je ne peux pas dire que c'est une réussite. C'est un peu mitigé parce que la situation ne s'améliore pas. J'aimerais recommandé un changement des stratégies.
Au niveau international, Vladimir Poutine a émis des menaces contre tout pays qui oserait s'ingérer dans conflit qui l'oppose à l'Ukraine. Que pensez-vous de ces récentes déclarations du président russe?
Mugisa Dena : L'Etat c'est aussi une puissance. Actuellement, le comportement des uns et des autres dans la crise ukrainienne est comparable à une "compétition" pour savoir qui est le plus viril! C'est un non sens de se lancer dans un combat aussi sauvage en plein 21ème siècle alors que le gens sont en train de penser au développement dans tous les secteurs. C'est quelque chose que je ne cautionne pas et encore moins les déclarations des uns et des autres dans ce conflit. Je sais que si on ne gère pas bien cette situation, cela risque vraiment de nous mener vers une 3ème guerre mondiale et une situation de chaos total. Je suis sûre que la crise de Covid ne sera qu'une répétition par rapport à ce qui nous attend. Il est temps que les africains se réveillent et se disent qu'au lieu de prendre position pour X ou Y, nous allons nous assumer en tant qu'États souverains bâtir notre propre continent.
Pour conclure, Jessica Watkins est la première femme afro americaine à rejoindre la station spatiale internationale. Elle sera peut être, dans le future, la première femme à marcher sur la lune. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle?
Mugisa Dena: Je n'ai jamais douté de la capacité des femmes. Donner la vie c'est une grande capacité, si l'on donné exclusivement à la femme ce n'est pas pour rien. Certains ont voulu nous faire croire que nous étions inférieures et de génération en génération les gens ont perpétué cette idée. Aujourd'hui on se rend compte que la femme est capable de beaucoup plus de choses que les hommes. Au lieu de rester à la traîne nous devons agir maintenant pour que le monde voit que la femme est capable. Cela a pris du temps mais ça a fini par arriver et je suis sûre que ça arrivera un jour dans mon pays aussi.
Propos recueillis par Grâce Guka