RDC : Ngora, une école atypique à quatre niveaux (1er, 2ème, 3ème et 4ème) pour un seul enseignant en pleine gratuité de Félix Tshisekedi

Une salle de classe atypique de l'école Ngora dans le territoire de Lubero
Une salle de classe atypique de l'école Ngora dans le territoire de Lubero

A la sortie de Magelegele, un village perdu dans la forêt, à près de 35 km de Manguredjipa (territoire de Lubero) au Nord-Kivu, sur une route embourbée parsemée des sillons localement appelés «rails» tout passant est marqué par la présence, à quelques mètres du sentier, des enfants en bleu blanc, assis à l’ombre des bambous, en train de répéter «a, e, i, o, u».

Si vous croyez qu’il s’agit d’une séance de rattrapage d’alphabétisation pour les enfants du village, détrompez-vous. L’ombre des bambous abrite plutôt une salle de classe qui accueille des gamins et gamines. Ces écoliers s'asseyent sur des troncs d’arbre rangés les uns devant les autres, à l’image des bancs dans une salle de classe.

Une salle de classe à quatre niveaux  pour un seul enseignant

La salle de classe est exceptionnelle. Elle accueille simultanément dans l’avant-midi, les écoliers des 1ère et 2ème années, et dans l’après-midi, ceux des 3ème et 4ème années. Pour bien occuper ces écoliers, l’enseignant Kambale Désiré se sert de deux tableaux pour noter la leçon. Ceux de la première année assimilent pendant que ceux de la deuxième année attendent patiemment leur tour, et vice-versa. 

«Nous arrivons au même moment et nous sortons au même moment. Monsieur note la leçon de la première année sur un tableau, et celle de la deuxième année sur l’autre. Nous répétons la leçon les uns après les autres. C’est toujours comme ça jusqu’à la fin des cours», témoigne Prisca, 7 ans, l’une des écoliers. 

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A notre passage à Magelegele, les écoliers étaient seuls. Car, l’enseignant, invité la veille à une réunion du secteur de l’éducation à Manguredjipa, n’était pas encore de retour dans le village. Personne d’autre pour les occuper.

«C’est toujours comme ça. Quand l’enseignant est empêché nous n’avons personne pour la relève. Et même quand il est malade nous allons d’abord lui rendre visite chez lui, avant de rejoindre nos parents aux champs», ajoute un condisciple de Prisca. 

Quand il pleut pendant les cours, l’ombre de bambous ne protège personne.

«Quand il pleut, l’enseignant suspend le cours. Personne ne reste sous les bambous car les gouttelettes d’eau qui tombent des bambous chatouillent mal, ça entraîne parfois des démangeaisons sur le corps. Chacun se débrouille pour trouver l’abri dans des bicoques du village, en attendant la suite», nous confie Kisuba Neema, la condisciple de Prisca.

Opérationnelle depuis bientôt deux ans, cette salle de classe atypique est une extension de l’école primaire Ngora basée à Robinet, une ancienne mine qui a fait parler d’elle à l’époque belge. Cette extension a été autorisée à fonctionner à Magelele à la demande du chef de village, en vue de sauver l’éducation des enfants qui viennent des villages de Magelegele, Kilonge, Makusa et quelques campements des agriculteurs situés dans les environs.  

«Il y a deux ans, il n’y avait pas d’école ici. Je craignais pour l’avenir de nos enfants. Sans éducation, leur avenir était hypothéqué. J’ai approché les responsables de l’école primaire Ngora de Robinet qui ont accepté de nous confier un enseignant. Nous n’avons pas de salle ici, nos enfants se mettent sous l’ombre de bambous, "pourvu qu’ils apprennent quelque chose"», indique Kisuba Nzighu, chef de village de Magelegele.

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Cette année scolaire, l’école n’accueille que 23 écoliers en première et deuxième années, l’enseignant ayant décidé de suspendre les promotions de 3ème et 4ème années suite aux difficultés de fonctionnement. 

Weldolongo Sasabaku, 8 ans, devrait entrer en 3ème année, mais il doit pouvoir chômer cette année.

«Quand l’enseignant a annoncé qu’il ne saura pas suivre quatre classes en une année, mes parents m’ont dépêché à Manguredjipa (35 Km de Magelegele) pour tenter de poursuivre mes études, mais c’était trop tard car aucune école ne m’a accueilli, il n’y avait plus de place. Je suis retourné ici aider mes parents, en attendant l’année scolaire prochaine», nous confie  le jeune Weldolongo Sasabaku.

Des villageois soutiennent leur école 

Au début, chaque écolier payait 15 dollars le trimestre. Mais avec la gratuité de l’enseignement de base instaurée par Félix Tshisekedi, chaque écolier ne fait qu’une contribution trimestrielle de 5 000 FC pour permettre à l’école de fonctionner. 

Certes, cette baisse des frais de scolarité soulage les parents démunis, mais elle est loin de garantir le bon fonctionnement de l’école, pour une meilleure éducation des enfants. Véronique, parent d’un écolier, révèle que les parents sont obligés d’aider l’école en contribuant  également 1 000 FC pour l’achat de craie, à chaque fois qu’il y a rupture de stock. 

«Ce sont nos enfants, si on ne les aide pas ainsi, c’est l’avenir de tout un village qu’on sacrifie», se résigne-t-elle. 

«Nous faisons parfois aussi la collecte des vivres pour garantir la survie de l’enseignant de nos enfants qui n’a pas de champs ici. Banane, cossette de manioc, haricot, on les lui offre de fois selon la disponibilité pour l’aider à tenir», ajoute Kahindo Sitali, mère d’une écolière. 

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Défis : salles de classe et enseignants

A l’initiative des chefs des villages, les parents d’élèves multiplient des travaux communautaires pour construire une école pour leurs enfants. Ils vont dans leurs forêts pour ramener bois et roseaux en vue de fixer les salles. A notre passage, deux salles de classe viennent d’être érigées et pourront accueillir les enfants durant l’année scolaire prochaine. 

«Les enfants ont droit à l’éducation partout où ils sont. Nous avons la responsabilité de leur garantir cela. Nous venons d’ériger deux salles seulement grâce à nos ressources forestières. Mais ça ne suffit pas. On doit relancer les classes montantes. On a besoin d’autres salles et des enseignants. Parce que de nombreux paysans n’ont pas les moyens d’envoyer leurs enfants aller poursuivre leurs études ailleurs. On a besoin de l’assistance de notre gouvernement, des personnes de bonne volonté», plaide le chef de village Kisuba Nzighu. 

Claude Sengenya