KABILA, MUZITO, MATATA, BADIBANGA, TSHIBALA et ILUNKAMBA injugeables devant les juridictions congolaises de Droit Commun pour des faits Infractionnels commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ?

Photo Présidence de la République

Par Carlos NGWAPITSHI NGWAMASHI

La compétence des juridictions congolaises pour juger un Président de la République et un Premier Ministre, est prévue par les dispositions des articles 164 de la Constitution du 18 février 2006, 72 et 108 de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle.

En effet, la constitution en son article 164 susvisé, proclame que : « la Cour Constitutionnelle est le juge pénal du Président de la République et du Premier Ministre pour des infractions politiques de haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité ainsi que pour les délits d’initié et pour les autres infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Elle est également compétente pour juger leurs co-auteurs et complices ».

Cependant, l’article 108 de la loi organique ci-haut référencé dispose par contre que « pour des infractions commises en dehors de l’exercice de leurs fonctions, les poursuites contre le Président de la République et le Premier Ministre sont suspendues jusqu’à l’expiration de leur mandat.

La prescription de l’action publique est suspendue.

La juridiction compétente est celle de droit commun ».

Par ailleurs, la Cour de Cassation a arrêté que : « bénéficie du privilège de juridiction et est justiciable de la Cour d’Appel, le prévenu ancien magistrat auteur des infractions commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de cette fonction » (CSJ. RPA 67. 28/CR, 2 mars 1987, MP/Ngo, s’he, Gba, Rjz, n° 1.2.3 1988, pp.15-19, in bulletin des arrêts CSJ, 1980-1984).    

Il ressort de la lecture intelligible de ces deux dispositions, la logique suivante :

Primo : pour des actes posés dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, le Président de la République et le Premier Ministre sont justiciables de la Cour Constitutionnelle (article 164 constitution) pour autant qu’ils soient en fonction.

Secundo : Pour des actes posés en dehors de l’exercice de leurs fonctions (par exemple, il peut arriver au chef de l’Etat de commettre un viol sur mineur dans sa résidence privée), les poursuites seront suspendues jusqu’à l’expiration de leur mandat.

La prescription est dans ce cas, suspendue et les poursuites ne seront entamées qu’après cessation de leur mandat et cette fois-là, devant les juridictions de droit commun.

Il va s’en dire que pour toutes les infractions commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions par Messieurs Joseph KABILA, MUZITO, MATATA, BADIBANGA, TSHIBALA et ILUNKAMBA, et qui n’ont pas fait l’objet des poursuites pendant qu’ils étaient en fonction, sont à ce jour, éteintes des poursuites pénales et prescrites.

Au demeurant, cette extinction est expresse pour un ancien Président de la République en vertu de l’article 7 de la loi n° 18/021 du 26/07/2018 portant statut des anciens Présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs des corps constitués qui dispose : « Tout ancien Président de la République élu jouit de l’immunité des poursuites pénales pour les actes posés dans l’exercice de ses fonctions ».

Mais, néanmoins, s’il existe des faits infractionnels perpétrés en dehors de l’exercice de leur fonction, la juridiction compétente sera le Tribunal matériellement compétent et ce, tenant compte du taux de la peine.

Il en est des cas d’abus de confiance ou d’escroquerie qui peuvent être retenus à charge de ces autorités et elles peuvent être jugées devant le Tribunal de Paix.

Nous sommes tentés de conclure humblement qu’à ce jour, aucune juridiction congolaise de Droit Commun n’est compétente pour juger Messieurs Joseph KABILA, MUZITO, MATATA, BADIBANGA, TSHIBALA et ILUNKAMBA pour des faits infractionnels commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions de Président de la République et Premier Ministre.

Il est donc impérieux que les honorables Députés et Sénateurs constatent ce vide juridique et y pourvoient en lieu et place de s’attarder sur des subjectivités.  

Toutes fois, le débat reste ouvert et nous sommes prêts pour en découdre avec qui veut, car du choc des idées jaillit la lumière, dit-on.  

 

 

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Carlos NGWAPITSHI NGWAMASHI