Adieu veau, vache, cochon, couvée ! Pas d’investisseurs américains en RDC pour cause de corruption (Tribune de Barnabe Kikaya Bin Karubi)

Tshisekedi et Mike Nzita
Ph. droits tiers

L’ambassadeur des Etats Unis en RDC, notre « Nzita national », se moquait il du Président Tshisekedi en lui présentant General Electric, American Fresh Food et Industry Five ?

Tenez. A l’occasion du sommet organisé les 8 et 9 décembre 2021 par visioconférence à l’initiative du président américain Joe Biden, l’ambassadeur des États-Unis en RDC, Mike Hammer, a fait cette déclaration déroutante, pince sans rire: « Lorsque les gens me demandent pourquoi les investisseurs américains ne viennent pas en RDC, la réponse est simple : la corruption. Nos lois – notamment le Foreign Corrupt Practices Act – interdisent aux entreprises américaines de faire des affaires lorsqu’il y a de la corruption »…

DEPUIS, AUCUN SIGNE DE VIE

Cette déclaration suscite quelques observations. Dont celle de savoir pourquoi alors – puisque c’est de cela qu’il s’agit – a-t-il amené auprès du président Tshisekedi  et introduit auprès de ses collaborateurs des investisseurs américains parmi lesquels General Electric, American Fresh Foods et Industry Five, et cela après avoir introduit le Chef de l’État auprès des mêmes investisseurs en avril 2019. 

On récapitule. Année 2020. Une délégation de General Electric est présentée au président de la République le 12 février 2021. A cette occasion, un mémorandum est signé au Palais de la Nation devant un Mike Hammer flanqué de Peter Pham. « Il s’agit de l’investissement américain le plus important en RDC », affirme ce dernier. 

Année 2021. La scène a lieu à Matadi. « Aujourd’hui, j’ai discuté avec le gouverneur du Kongo Central, Atou Matubuana, du potentiel économique du Kongo Central et des opportunités pour les investisseurs américains », twitte Mike Hammer, fier d’ajouter : « J’ai participé à l’inauguration des locaux de l’entreprise American Fresh Foods SARL, une initiative que soutient les femmes entrepreneures Congolaises. Heureux de voir progresser les relations économiques entre les deux pays ».

C’est le média en ligne politico.cd qui attire l’attention de l’opinion en considérant que " les ardeurs de Mike Hammer sont à tempérer. A commencer par l’identité de la société. American Fresh Food SARL n’est américaine que de nom. La société a été enregistrée au registre congolais de commerce en date du 6 novembre 2020 par GHADBAN HUSSEIN, un sujet palestinien, et Hassan Sadek, sujet libano-américain connu autrement : Mike Sadek’. La société a également d’autres ‘partenaires’ qui sont congolais, que POLITICO.CD n’a pas pu identifier.  Mais selon nos sources exclusives, c’est grâce à ses contacts au sein de l’Ambassade des États-Unis à Kinshasa que Hassan Sadek s’est retrouvé dans cette affaire. ‘; Il est le propriétaire de la société Elicom, qui œuvre dans l’électricité. Il a des bons contacts à l’Ambassade américaine puisque sa femme aussi travaille là-bas ". 

L’affaire va se révéler une arnaque.

Encore l’année 2020. Dénommée ” Industry Five “, une autre société américaine arrive à Kinshasa. « Des représentants de la compagnie américaine Industry Five, spécialisée dans les NTIC, sont à Kinshasa pour finaliser un investissement pour la  production  en RDC des tablettes de haute qualité pour l’apprentissage éducatif et créer 1.000 emplois », annonce toujours Mike Hammer qui avance même la production de 1. 400.000 smartphones et tablettes par an.

Depuis, aucun signe de vie. 

CORROMPUS ET CORRUPTEURS

A la lumière de ce qui précède, il est déductible qu’aucun investisseur américain n’est disposé à venir au Congo. Preuve que depuis trois ans, que ce soit aux États-Unis ou en RDC, le diplomate yankee ne cesse d’enfariner les Congolais et leur chef de l’Etat avec des investisseurs qui viennent plutôt pour la consommation diplomatique et médiatique que pour des affaires.

Au sujet de la corruption, le principe établi est que sa matérialité s’établit sur l’unique preuve de la présence, d’un côté, de la partie corruptrice et, de l’autre, de la partie corrompue.

Du moment que les investisseurs américains ne viennent pas à cause  de la corruption ambiante qui règne au pays et ne viendront jamais aussi longtemps que la gangrène persistera, le devoir de solidarité du peuple américain à l’égard du peuple congolais auquel Mike Hammer fait constamment allusion ne peut se traduire que par l’identification des corrompus et des corrupteurs. 

Si déjà l’administration américaine identifie facilement des officiels congolais auteurs des violations des droits de l’homme pour répression des manifestations publiques, elle doit le faire pour les corrompus et les corrupteurs de tous poils. 

Or, Mike Hammer redoute l’effet boomerang, la peur de voir un corrompu congolais citer le corrupteur qui pourrait provenir d’un pays donneur de leçons en la matière. 

Contrairement au discours du diplomate américain à propos de Foreign Corrupt Practices Act, nombreuses sont les entreprises venues d’outre atlantique qui se livrent abondamment à la corruption parce qu’elles ont trouvé des formules de contournement : des amendes négociées

En réalité, Washington n’a pas de quoi financer en solo des investissements économiques de nature à relever en temps record la RDC avec un deadline prévu en 2023. 

Illusions perdues. Comme pour la laitière et le pot au lait de Jean de la Fontaine, adieu veau, vache, cochon, couvée.

Vivement 2022. Mike Hammer sera fin mandat. 

Barnabé KIKAYA Bin Karubi

Ancien Ministre, Ancien Ambassadeur, Ancien Député, Professeur à l’Université de KINSHASA, Faculté des Lettres, Département des Sciences de l’Information et de la Communication, Kinshasa, R.D. Congo.