Echauffourées à l’Université de Kinshasa, décès d’un homme dans un cachot de la Police pour n’avoir pas porté de masque à Oicha, dur consensus des confessions religieuses autour de la désignation du président de la CENI, la semaine qui s’achève a été riche en évènements. Ce 01 aout, Faida Mwangilwa, consultante en genre, impliquée dans la promotion et la défense des droits des femmes revient sur chacun de ces faits marquants.
Bonjour Madame Faida Mwangilwa et merci de nous accorder de votre temps. La semaine s'est ouverte avec des manifestations des étudiants de l'Université de Kinshasa après le décès par balle d’un de leurs le week-end dernier. La police a annoncé que l’officier auteur du meurtre s’est enfui. Entretemps, un procès a été ouvert sur ce dossier. Quelles sont vos attentes à l’égard de la justice ?
Faida Mwangilwa : effectivement, nous avons appris les manifestations qui se sont déroulées au niveau de l'Université de Kinshasa suite au décès d'un étudiant. Cette situation est à déplorer. La police a pour mission la protection de l'ensemble de la population mais, il y a encore des bavures. Nous espérons que des mesures seront prises par les autorités tant policières que judiciaires de façon à ce que ces événements ne puissent se répéter .
Dans la commune de Bandalungwa, un policier a tiré « par inadvertance » sur son supérieur pendant un contrôle des masques. Dans la nuit de lundi à dimanche, un homme a trouvé la mort dans un cachot de la Police dans la cité d’Oicha, dans le territoire de Beni (Nord-Kivu) pour n’avoir pas porté de masque. Sachant également que les témoignages autour de la mort de l’étudiant évoquent le port du masque, quelles mesures les autorités policières devraient-elles adopter pour limiter les bévues en lien avec le respect des gestes barrières ?
Faida Mwangilwa : ce sont des faits à déplorer. Il faudrait également un travail psychologique pour le policier ou le militaire qui porte une arme. La population a aussi sa part de responsabilité. Depuis un moment, la mésentente ou l'incompréhension s'installe entre la police et la population par rapport au respect des gestes barrières... la pandémie est réelle et fait des victimes et nous devrions nous protéger et protéger ceux qui nous entourent. Il arrive aussi que les hommes en uniforme rencontrent une certaine indiscipline au sein de la population. Il faut pour cela une éducation du côté de la population pour que la réglementation soit respectée, un renforcement des capacités au sein de la police nationale, il faut également songer à doter la PNC des moyens logistiques.
Dans le processus pour la désignation du président de la CENI, les confessions religieuses sont passées par des discussions intenses au cours de la semaine. Finalement, un compromis a été trouvé. La candidature de Denis Kadima a été maintenue en dépit de l’opposition des catholiques et des protestants et Roger Bimwala, le candidat porté par l’Armée du salut, est présenté par les six pour occuper une place de membre à la plénière de la CENI. Quelle lecture faites-vous de ce processus des confessions religieuses ?
Faida Mwangilwa : le parlement a confié cette charge aux confessions religieuses. Cependant depuis toutes ces années, il se pose la même difficulté au niveau des confessions religieuses pour parvenir à un consensus autour de la désignation du président de la Commission Électorale Nationale Indépendante. À mon avis, la communauté congolaise dans son ensemble fait face à cette difficulté à chaque fois. Les manigances et les ingérences politiques sont décriées autour de ces processus (…). Par rapport au profil proposé, monsieur Denis Kadima requiert l'expertise mais ce qui s'avère important, c'est aussi de l'éthique. Nous allons observer ses actions à ce poste.
Il s'élève également des questions autour d'une présidence de la CENI à confier à une femme. Quel est votre avis à ce sujet ? Si cela est possible, comment faire pour y arriver ?
Faida Mwangilwa : je ne trouve pas d'inconvénients par rapport à cette opinion. Qu'il s'agisse d'une femme ou d'un homme à la tête de cette institution, nous avons besoin des personnes compétentes respectant l'éthique aux postes qu'il faut.
Toujours concernant la composition du bureau de la CENI, le Front Commun pour le Congo s’est résolu de ne pas envoyer ses délégués. Que pensez-vous de cette position ?
Faida Mwangilwa : c'est la position du FCC et nous respectons cette décision. Je pense qu'il devrait aussi être libre d'exprimer ses raisons.
Jeudi dernier, un nouvel éboulement a fait quatre morts et cinq blessés dans une carrière d’or à Misisi (Fizi) dans le Sud-Kivu. A Kolwezi, chef-lieu de la province du Lualaba, deux creuseurs artisanaux ont trouvé la mort dans un éboulement survenu mardi 27 juillet. Quels mécanismes, le gouvernement devrait-il mettre en place pour prévenir ces catastrophes ?
Faida Mwangilwa : cela devrait pousser à des réflexions profondes. Nous sommes une nation extrêmement riche en termes des minerais mais la population vit dans la pauvreté. La population travailleuse dans les carrés miniers devrait jouir des richesses qui s'y trouvent et ne pas y laisser sa vie. Il faut des mécanismes pour prévenir les éboulements, les éviter éventuellement et secourir au plus vite ceux qui en sont victimes.
Après plus de deux semaines de grèves, le personnel de santé et administratif des hôpitaux publics de Kinshasa ont décidé de reprendre leurs activités. Cette décision intervient après que le gouvernement ait annoncé par ailleurs que 5 092 agents sont déjà alignés et toucheront leur prime de risque réajustée à partir de ce mois. A plusieurs reprises, le gouvernement n’a pas su honorer ses engagements. Quelle est votre réaction à ce sujet ?
Faida Mwangilwa : il faut examiner profondément cette question. Lorsqu'il y a grève dans les hôpitaux publics, les premières victimes sont nos populations. La vie humaine reste sacrée et pourtant ces grèves à répétition peuvent occasionner une augmentation du nombre de morts dans les hôpitaux. Il faut des solutions durables. Ce fût le cas il y a quelques années avec les accords de Mbudi, une manière de résoudre ces questions sociales qui se posent au sein de notre administration publique. Avec la pandémie Covid-19, l'accès aux soins de santé devrait être facile pour éviter à la population de recourir à l'automédication qui n'est pas du tout à encourager.
La RDC n’a plus aucun représentant aux jeux olympiques de Tokyo 2020. Les sept (7) athlètes retenus dans différentes disciplines ont été éliminés devant leurs adversaires. Quelle lecture faites-vous de cette participation ? Que faudrait-il améliorer pour les prochaines éditions ?
Faida Mwangilwa : obtenir le succès dans n'importe quel domaine nécessite un investissement sérieux. Dans le domaine des sports, les jeunes doivent travailler durement mais les institutions devraient les appuyer, mettre en place des moyens nécessaires pour les aider à se préparer et faire des exploits dans ces grandes compétitions. Courage à nos délégués qui s'y étaient rendus.
Le monde a célébré hier 31 juillet, la journée internationale de la femme africaine. L'image et la représentation de cette femme a-t-elle évoluée dans le temps selon vous ? Quels sont les défis en matière de genre en Afrique selon vous ?
Faida Mwangilwa : il y a eu des avancées. Les femmes africaines sont aujourd'hui au-devant de la scène, elles travaillent pour leur participation politique mais aussi pour la prévention et la gestion des conflits. Je pense qu'il faut continuer. La journée internationale de la femme africaine n'est pas très célébrée dans nos milieux ruraux. Nous devons faire voir aux femmes qu'elles sont utiles pour nos communautés, qu'elles doivent continuer à revendiquer leurs droits. Nous avons obtenu de nombreux instruments juridiques mais il se pose encore des problèmes au niveau de l'application. Les organisations féminines et de défense des droits des femmes sont à saluer pour leurs efforts. Il y a de nombreux défis en matière de genre en Afrique, sur le plan économique, sécuritaire (on ne peut pas concevoir de vastes programmes lorsque notre sécurité est encore fragile), sanitaire et autres.
Un dernier mot ?
Faida Mwangilwa : nous devons continuer à nous mobiliser pour des questions d'intérêt commun telles que la gouvernance, l'État de droit, l'amélioration des conditions de vie des populations, l'éducation des enfants pour un avenir meilleur d'ici à 50 ans.
Propos recueillis par Prisca Lokale