La ministre congolaise de la Justice et Garde des Sceaux s’est exprimée le 02 Juin à propos des critiques des Etats africains à l’égard de la Cour Pénale Internationale. Rose Mutombo a soutenu l’hypothèse d’une Cour Africaine indépendante, forte et dotée de ressources suffisantes plutôt que le retrait de confiance envers la CPI.
« Oui, nous désapprouvons les procédures devant la Cour pénale internationale (CPI), oui nous désapprouvons les poursuites injustifiées et partiales engagées à La Haye contre des Africains uniquement », a-t-elle dit.
Cependant, ajoute la ministre, « il ne suffit pas de critiquer la CPI ou de s’en retirer. Nous devons proposer une alternative à la CPI. A mon avis, cette alternative prend la forme d’une Cour africaine indépendante, forte et dotée de ressources suffisantes. Nous ne pouvons jouer sur les deux tableaux, nous retirer de la CPI et ne pas disposer de solution alternative.»
En effet, à la clôture du sommet de l’UA, le 31 janvier 2016 à Addis Abeba, le président kényan Uhuru Kenyata avait plaidé en faveur du retrait des pays africains du statut de Rome (1998) qui fonde la Cour pénale internationale (CPI). Selon un article des Nations Unies paru en 2017, le Burundi et l’Afrique du Sud adressaient un courrier officiel au Secrétaire général de l’ONU déjà en octobre 2016, pour notifier leur décision de départ. Au même moment, la Gambie, indiqua également qu’elle se retirerait.
C'est « un outil au service de la politique du pouvoir mondial et non au service de la justice », disait le Président Kenyan poursuivi par la CPI. Yoweri Museveni, le Président ougandais, désignait la CPI comme une « Bande d’inutiles ». Le président rwandais, Paul Kagame a affirmé que la cour n’a jamais été au service de la « justice, mais de la politique déguisée en justice internationale ». Pour ces dirigeants africains, la CPI aurait pris pour cible les pays africains et ferait preuve d’ingérence. A l'époque, neuf des dix affaires en cours à la CPI impliquaient des pays africains.
Fatou Bensouda, en ce temps-là procureure de la CPI en charge de l’instruction des crimes relevant de la CPI, avait toujours rejeté ces critiques qu’elle considérait comme infondées puisque la plupart des cas ont été initiés par les pays eux-mêmes. Le 27 octobre 2017, le Burundi annonça officiellement son départ de la CPI, une année après sa notification.
Quatre questions difficiles pour des réponses efficaces
Concernant les réformes à appliquer au sein de l’Union Africaine, Rose Mutombo propose de s’interroger sur l'essence même de ces institutions.
« Avons-nous besoin de plusieurs institutions supranationales traitant des droits de l’homme ou devons-nous les fusionner ? Les juges doivent-ils travailler à temps plein ou à temps partiel ? Avons-nous encore besoin de la Déclaration au titre de l’article 34(6) pour reconnaître la compétence de la Cour ? Certaines parties prenantes ont demandé la création d’une chambre d’appel pour donner aux parties la possibilité de faire appel des décisions de la Cour. Cela vaut-il la peine d’être envisagé ?»
Une Cour Africaine indépendante dotée de ressources suffisantes
Parmi les défis qui restent à relever au sein de la Cour Africaine, elle a épinglé le fait que plus de deux décennies après l’adoption du Protocole, seuls 55 États membres de l’UA l’ont ratifié, la RDC étant devenu partie suite au dépôt le 8 décembre 2020 de l’instrument relatif, conformément à la volonté de mon gouvernement de promouvoir la démocratie, l’État de droit et le respect des droits de l’homme.
Et d’ajouter, « le succès et l’échec de tout système des droits de l’Homme ou de justice dépend du soutien et de la coopération qu’il reçoit des différentes parties prenantes qui l’utilisent. Le respect des décisions de la Cour est essentiel au succès de tout système judiciaire et à la bonne administration de la justice. Par contre, la non-exécution de ses décisions détruit non seulement la raison d’être d’un tribunal mais sape la confiance du public dans le système judiciaire ».
Pour rappel, ces déclarations de Rose Mutombo ont été faites par visioconférence au cours de la première retraite des juges de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, au nom du Président en exercice de l’Union africaine, Félix Tshisekedi.
Prisca Lokale