Uvira calme ce matin malgré l’avancée de l’AFC/M23, Bujumbura dénonce trois bombes, Kigali met en cause la coalition FARDC–Burundi

La ville d'Uvira
La ville d'Uvira

Uvira est calme ce mercredi matin. Quelques habitants vaquent à leurs activités et aucun combattant du M23 n'est visible dans la ville, selon plusieurs témoignages. La situation reste toutefois confuse autour de cette agglomération stratégique du Sud-Kivu, que la rébellion de l’AFC/M23, soutenue par le Rwanda, selon Kinshasa et plusieurs partenaires internationaux, tente d’atteindre après plusieurs jours de combats sur les axes au nord et à l’ouest.

Face à la progression des rebelles, des sources humanitaires signalent qu’au moins 20 000 personnes ont trouvé refuge mardi 9 décembre à Bujumbura, chez le voisin burundais, dans un contexte de déplacements massifs de civils qui s’ajoutent aux mouvements déjà observés au Sud-Kivu depuis la prise de Luvungi et l’avancée des rebelles vers Sange puis Uvira.

Kigali accuse Kinshasa et Bujumbura

Dans un communiqué daté du 10 décembre 2025, le gouvernement rwandais accuse la RDC et le Burundi de violer le cessez-le-feu prévu par les Accords de Washington.

Kigali affirme que les FARDC, les troupes burundaises (FDNB), les FDLR, les milices Wazalendo et des « mercenaires étrangers » ont mené des bombardements « systématiques » près de la frontière rwandaise, utilisant « avions de chasse et drones d’attaque ». Selon le texte, ces actions auraient « forcé » l’AFC/M23 à réagir.

Le Rwanda dénonce également, dit-il, les bombardements visant Kamanyola la semaine précédente, attribués au Burundi, qui auraient poussé plus de 1 000 Congolais à fuir vers Bugarama, dans le sud du Rwanda, où ils sont hébergés au camp de transit de Nyarushishi. Kigali affirme encore que le Burundi a déployé près de 20 000 soldats au Sud-Kivu, au service de Kinshasa, et assiégé des villages banyamulenge à Minembwe.

Kigali accuse par ailleurs Kinshasa d’avoir « ouvertement déclaré qu’elle n’observerait aucun cessez-le-feu » et de poursuivre une « solution militaire » malgré les engagements pris, notamment lors de la cérémonie du 4 décembre marquant l’entérinement des Accords de Washington.

Une vive réaction du Burundi

À Gitega, le gouvernement burundais a accusé lundi le Rwanda de mener des attaques sur son territoire et contre ses troupes déployées en RDC dans le cadre d’un accord bilatéral avec Kinshasa.

« Ils ont ciblé notre territoire et largué trois bombes. Ces attaques ont fait deux blessés civils, un enfant et une femme », a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Edouard Bizimana, devant des diplomates. Il affirme que « dès le 2 décembre », des positions burundaises en RDC ont été attaquées par le Rwanda, y compris avec des drones. Le Burundi prévient qu’il « ne tolérera pas » des actions compromettant sa sécurité, évoquant même « le droit de poursuite » si les attaques se répètent.

Vives inquiétudes du Groupe de contact international

Dans un communiqué du 9 décembre, les gouvernements des États-Unis, de la Belgique, du Danemark, de l’Union européenne, de la France, de l’Allemagne, des Pays-Bas, de la Suède, de la Suisse et du Royaume-Uni — réunis au sein du Groupe de coordination des opérations (GCO), sous la présidence allemande — expriment leur « profonde préoccupation » face à la nouvelle offensive du M23 autour d’Uvira.

Le GCO souligne une « escalade significative » marquée par l’usage accru de drones d’attaque et drones suicides et exhorte le M23 et les Forces de défense rwandaises (RDF) à « cesser immédiatement leurs opérations offensives ».

Il appelle les RDF à se retirer de l’est de la RDC conformément à la résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU, et le M23 à respecter la Déclaration de principes signée à Doha le 19 juillet 2025.

Le GCI demande aussi à toutes les parties de « désamorcer immédiatement la situation », de protéger les civils et de garantir un accès humanitaire « complet et sans entrave ».

Le processus de Doha relancé

À Goma, Bertrand Bisimwa, coordonnateur adjoint de l’AFC/M23, a annoncé mardi l’ouverture « dans les prochains jours » d’un nouveau round de discussions à Doha sous médiation qatarie, estimant qu’il fallait « mettre Kinshasa devant ses responsabilités ».

« Il faut qu’on discute de ces derniers développements. Il faut qu’on mette Kinshasa devant ses responsabilités pour qu’il respecte les engagements qu’il prend à Doha », a-t-il déclaré, affirmant que les combats actuels imposent une clarification des engagements.

Un climat régional explosif

La guerre au Sud-Kivu met désormais face à face, indirectement, mais de plus en plus ouvertement, le Rwanda et le Burundi, deux pays aux relations déjà détériorées. Kigali est accusé de soutenir militairement l’AFC/M23 par Kinshasa, par Bujumbura et par plusieurs partenaires internationaux, tandis que le Burundi combat aux côtés des FARDC sur invitation du gouvernement congolais. Plusieurs observateurs redoutent que ces tensions débouchent sur un affrontement direct entre les deux voisins.

Un calme précaire à Uvira

Malgré le calme observé ce mercredi matin dans Uvira, les autorités locales de Kinshasa disent « tout faire » pour empêcher la ville de tomber entre les mains de l’AFC/M23, qui contrôle déjà Bukavu et plusieurs axes environnants.

Les mouvements de troupes, les bombardements signalés ces derniers jours et les déplacements massifs de population laissent toutefois craindre une nouvelle détérioration rapide de la situation dans cette partie du Sud-Kivu.