Le processus de Washington, piloté par les États-Unis et à la base des accords signés entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, ainsi que le processus de Doha, mené par l’État du Qatar pour résoudre la crise opposant Kinshasa à la rébellion de l’AFC/M23, constituent deux volets complémentaires d’une initiative diplomatique majeure sur la scène internationale visant à mettre fin aux conflits persistants dans l’Est de la République démocratique du Congo.
Malgré les avancées enregistrées sur le plan théorique, ces deux initiatives peinent à produire des effets positifs sur le terrain, où de violents combats opposent les forces gouvernementales à la rébellion de l’AFC/M23, soutenue par le Rwanda, sur plusieurs fronts dans l’est du pays. Selon le Groupe d’experts des Nations unies, cette situation s’explique par le fait que chaque partie au conflit interprète les textes à sa manière, compromettant leur mise en œuvre effective sur le terrain.
"Entre août et novembre 2025, plusieurs cycles de négociations ont suivi la signature de l’Accord de Washington et des Principes de Doha, visant à traiter les questions litigieuses restantes. Toutefois, la méfiance persistante, la rhétorique belliqueuse continue et les accusations réciproques de violations du cessez-le-feu ont continué de mettre à l’épreuve les deux initiatives de paix. Le Rwanda et la RDC ont continué d’interpréter différemment les dispositions clés de l’Accord de Washington, ce qui a entraîné des désaccords et des retards dans la mise en œuvre des mesures convenues", dit le rapport du groupe d'experts de l'ONU consulté par ACTUALITE.CD lundi 8 décembre.
Selon le même document, un point central de désaccord a porté sur la séquence des mesure définies dans le CONOPS, notamment la synchronisation des échéanciers, la responsabilité de la neutralisation des FDLR et le retrait des Forces de défense rwandaises (RDF) du territoire congolais. Pour les délégués de l'ONU, l’ordre d’opérations (OPORD) et le concept d’opérations (CONOPS) correspondant ont confié l'entière responsabilité de la neutralisation des FDLR aux autorités congolaises.
"Le gouvernement de la RDC s'est engagé à atteindre cet objectif, a déclaré publiquement qu'il ne soutenait pas les FDLR et a appelé les combattants des FDLR à désarmer et à se rendre. Cependant, l'essentiel des forces des FDLR opérait dans des zones contrôlées par l'AFC/M23 RDF, hors de portée opérationnelle des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), ce qui affectait la capacité de ces dernières à neutraliser les éléments des FDLR refusant de se rendre", renseigne le rapport.
Des divergences quant à l’interprétation des textes signés à Doha.
"Des divergences ont également persisté quant à l’interprétation de la Déclaration de Doha. Le gouvernement congolais s'attendait à ce que l'AFC/M23 se retire et accepte d'être cantonnée, tandis que les dirigeants de l'AFC/M23 insistaient sur le maintien du contrôle de leurs positions actuelles et recherchaient l'intégration aux structures étatiques. Parallèlement, l'AFC/M23 prônait l'autonomie vis-à-vis de la RDC", ont fait remarquer les experts de l'ONU
Malgré les négociations en cours, rappelle le rapport, de violents affrontements armés se sont poursuivis et étendus au Nord et au Sud-Kivu, opposant les FARDC et les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP)/Wazalendo aux forces de l'AFC/M23 et des RDF. L'AFC/M23 et les RDF ont intensifié leurs efforts de mobilisation, les transferts de troupes et de matériel, les opérations offensives et la répression interne de la résistance.
"Le Rwanda a continué de déployer des troupes et de mener des opérations militaires en contradiction avec les dispositions de l'Accord de Washington et la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations Unies et n'a pas exercé de pression sur l'AFC/M23 pour qu'elle cède du territoire, mette fin à ses efforts de consolidation ou cesse ses opérations militaires. Les FARDC ont mené des frappes aériennes contre les positions de l'AFC/M23 et des RDF afin de stopper leur progression et de perturber leurs renforts en violation du cessez-le-feu. Les négociations n'ont pas encore permis d'établir de mécanismes d'application pour garantir la mise en œuvre cohérente des mesures convenues", précise le rapport.
L’apparition de ce rapport intervient dans un contexte où les États-Unis poursuivent leurs efforts pour résoudre la crise entre Kinshasa et Kigali. Présidée par Donald J. Trump, la signature des Accords de Washington a été qualifiée d’« historique » par le Département d’État américain. Ce cadre réaffirme les engagements visant à mettre fin à des décennies de conflit, à renforcer la coopération économique et à jeter les bases d’une paix durable entre la République démocratique du Congo et le Rwanda.
La médiation qatarie constitue l’autre pilier diplomatique du moment. Un accord-cadre a été conclu entre Kinshasa et l’AFC/M23, mais son contenu reste encore à définir dans les négociations. Sur le terrain, la situation demeure inchangée : lignes de front actives, absence de mesures de confiance, positions figées. La coexistence des processus de Washington et de Doha illustre la complexité du dossier : d’un côté, une médiation interétatique centrée sur les relations entre la RDC et le Rwanda ; de l’autre, une négociation politico-militaire directe avec la rébellion.
Clément MUAMBA