À l’occasion de la Journée mondiale de la contraception, célébrée chaque 26 septembre, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) a organisé une séance de sensibilisation dans le quartier Ndosho et ses environs, situé dans la commune de Karisimbi à Goma, au Nord-Kivu. L’objectif : informer la population sur l’importance de la planification familiale et les dangers des avortements clandestins, encore trop fréquents dans cette partie de la RDC.
Dans une région marquée par des conflits prolongés, des violences sexuelles récurrentes et un accès limité aux soins de santé, les questions de santé sexuelle et reproductive prennent une dimension vitale. À travers cette campagne, l’UNFPA entend promouvoir l’usage des méthodes contraceptives comme levier essentiel pour protéger la santé des femmes et renforcer leur autonomie.
« Aujourd’hui, nous, les mamans, constatons que nous sommes très exposées. Nous mourons beaucoup. Mais si vous allez dans certains hôpitaux, comme l’hôpital Général, la CBCA Virunga ou Heal Africa, vous pouvez rencontrer un gynécologue qui va vous expliquer les choses et vous proposer une méthode de planification familiale. On peut même se reposer pendant trois ans. Une fois ces trois années passées, on peut encore concevoir, parce que l’enfant aura déjà grandi, et nous serons mieux préparées, en meilleure santé. Actuellement, à Goma, bien se nourrir est devenu un véritable défi. Si une femme accouche aujourd’hui et retombe enceinte un mois plus tard, son bébé n’aura que dix mois lorsqu’elle devra encore accoucher. Est-ce que tout le sang qu’elle a perdu, pourra le récupérer ? Tomber enceinte deux fois en une seule année, c’est très risqué. Dans certaines zones de santé, on part juste pour accoucher … mais parfois, on meurt en chemin. On est enterré, et la vie continue. C’est pour cela que nous avons décidé de venir ici, pour apprendre comment faire la planification familiale, afin de mieux nous protéger », a-t-elle fait savoir.
Elle a ajouté :
« Toutes les couches de la population, en particulier les jeunes et les femmes, doivent s’approprier cette question de santé publique. La contraception permet non seulement de prévenir les grossesses non désirées, mais aussi de réduire les cas d’avortements à risque », a souligné Lysa Muhigirwa, relais communautaire dans la zone de santé de Karisimbi.
Les données récentes montrent l’urgence d’agir. En 2024, grâce aux interventions soutenues par l’UNFPA, plus de 1,8 million de grossesses non désirées ont été évitées, ainsi que plus de 509 000 avortements à risque et 6 396 décès maternels. Cependant, le chemin reste long.
Le taux de fécondité en RDC reste l’un des plus élevés d’Afrique, avec une moyenne de 5,5 enfants par femme. Le taux de prévalence contraceptive moderne (TPCM) est encore faible, estimé à seulement 10,9 % chez les femmes en union (EDS 2023-2024). Pire, 32 % des femmes mariées qui souhaitent espacer ou limiter les naissances n’ont pas accès à des méthodes de planification familiale appropriées.
Les jeunes filles sont particulièrement exposées. En RDC, 27 % des adolescentes âgées de 15 à 19 ans ont déjà commencé leur vie reproductive. Parmi elles, 21 % sont déjà mères et 6 % sont enceintes de leur premier enfant. Ces grossesses précoces compromettent leur éducation, leur santé et leur avenir.
Le faible accès à la contraception est lié à plusieurs facteurs : manque d’informations fiables, ruptures de stock de contraceptifs, normes socioculturelles rigides, infrastructures sanitaires limitées, et inégalités criantes entre zones urbaines et rurales.
Dans l’Est de la RDC, les défis sont encore plus criants. Le contexte de conflit, les déplacements massifs, les violences sexuelles et les restrictions à l’éducation renforcent la vulnérabilité des femmes et des filles. Ici, la justice sexuelle n’est pas un luxe, mais une nécessité. Elle représente une voie vers la résilience, la dignité et l’avenir.
Placée cette année sous le thème « un choix pour tous autonomie, intention, accès », la Journée mondiale de la contraception 2025 rappelle que l’accès à l’éducation sexuelle et reproductive est un droit fondamental. Il s’agit de donner aux individus, notamment aux jeunes, les moyens de faire des choix éclairés pour leur santé et leur avenir.
L’UNFPA, en collaboration avec les autorités sanitaires et les relais communautaires, appelle donc à une mobilisation nationale pour renforcer l’accès aux services de planification familiale, particulièrement dans les zones fragilisées comme le Nord-Kivu.
Josué Mutanava, à Goma