Barnabé Kikaya Bin Karubi, ancien conseiller diplomatique de Joseph Kabila et figure de l’opposition politique non armée, a dénoncé dans une interview accordée à ACTUALITE.CD les négociations en cours aux États-Unis sur un contrat minier entre le gouvernement congolais et les autorités américaines, qu’il juge contraires aux intérêts de la République démocratique du Congo.
Selon Kikaya, le gouvernement de Félix Tshisekedi négocierait simultanément deux accords : un accord politique et un accord économique. Ce dernier, affirme-t-il, prévoit de « donner aux Américains tout ce que le pays possède comme terres rares et minéraux stratégiques », en échange de la sécurisation du pouvoir en place.
« Ce régime vient aux États-Unis donner les minéraux de nos enfants. Ces minéraux qui sont dans le sous-sol congolais n'appartiennent pas qu'à nous. Ils appartiennent aux générations futures », a déclaré Kikaya.
Il a accusé les délégués congolais d’avoir entamé ces discussions sans aucune consultation populaire :
« Les délégués du gouvernement qui sont venus ici n'ont fait aucune consultation populaire. Ils sont venus avec un cahier de charges contraire qui met à mal le Congo. »
L’ancien ambassadeur estime que le pays est « au bord de l'implosion », citant la « malgouvernance de M. Tshisekedi », « la corruption rampante », « la destruction de la cohésion nationale » et « des violations répétées de la Constitution » comme principales causes.
« Tous les généraux et les officiers supérieurs, soit ils sont en prison, soit ils sont tués », a-t-il poursuivi.
S’il affirme ne pas être opposé aux investissements américains, Kikaya insiste :
« Nous ne voulons pas des capitaux américains qui viennent au Congo et trouvent un Congo au bord de l’implosion. »
Rappelant la visite de Joseph Kabila aux États-Unis durant la présidence de George W. Bush, il a évoqué la venue de la compagnie américaine Phelps Dodge à Tenke Fungurume, en insistant sur une coopération fondée sur la stabilité :
« Le président Kabila s’est déplacé lui-même pour dire aux Américains ‘venez travailler avec nous’ – mais dans un Congo stable. »
Interpellé sur la légitimité de sa position, alors qu’il ne détient aucun mandat électif, Kikaya a répondu que l’opposition non armée dont il se réclame agit pour préserver l’héritage de Joseph Kabila.
« Notre chef, le président honoraire Joseph Kabila, est attristé de voir son œuvre détruite. Cela lui donne un mandat personnel, mais aussi national, de faire en sorte que ce qu’il a construit ne soit pas détruit. »
Il a rappelé que Kabila avait dirigé la transition ayant permis l’adoption d’une nouvelle Constitution, le retrait des troupes étrangères et la signature de l’accord global et inclusif issu des négociations de Sun City.
Concernant sa présence à Goma, ville sous contrôle du M23, Kikaya a affirmé :
« Goma, que je sache, n’est pas une ville étrangère. C’est une ville congolaise. »
Interrogé sur le soutien présumé du Rwanda au M23, il a déclaré :
« Bon, ça, je ne sais pas si elle [la rébellion] est soutenue par le Rwanda. Il faudra le prouver. »
Et d’ajouter :
« Toujours est-il que le M23, qui vers 2012 se battait pour leur nationalité congolaise, a été vaincu. Aujourd’hui, il y a autre chose que vous et moi ne savons pas. »
Kikaya affirme ne pas savoir ce qui s’est dit entre le M23 et le président Tshisekedi lors du séjour de représentants de ce groupe à Kinshasa, où ils auraient résidé durant 14 mois au frais de l’État.
« Ils étaient au Kempiski Hotel… Qu’est-ce qu’ils se sont dit avec M. Tshisekedi ? Nous ne savons pas. »
Ces déclarations interviennent dans un contexte tendu, à quelques jours de la signature officielle d’un accord de paix entre la RDC et le Rwanda, prévue le 27 juin à Washington, sous la médiation des États-Unis et du Qatar.