Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a présenté, lundi 16 juin, le rapport préliminaire de la Mission d’établissement des faits dans l'Est de la RDC. C’était devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève (Suisse). En attendant le rapport final prévu au mois de septembre, Volker Türk a, lors de l’ouverture de la 59ème session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, décrit des violations et atteintes aux droits humains "d’une ampleur et étendue effroyables".
"L'ampleur et la diversité des violations et abus documentés par la mission d'établissement des faits sont effroyables. Il est profondément inquiétant que les affrontements se poursuivent sans relâche au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. J’appelle toutes les parties au conflit à s’engager immédiatement à un cessez-le-feu et à reprendre les négociations ainsi qu’à respecter le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme. Je réitère mon appel au Rwanda pour qu’il retire ses troupes du territoire de la RDC et mette fin à son soutien au M23 ", a-t-il déclaré.
Et d'ajouter:
"J’exhorte tous les pays qui ont une influence sur les parties au conflit à encourager le respect du droit international. Je les appelle à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour répondre à la grave crise humanitaire et des droits de l’homme dans cette région, et à soutenir les efforts de médiation, en vue de trouver une solution durable, notamment en s’attaquant aux causes profondes de l’instabilité ".
À en croire le chef des droits de l’homme de l’ONU, la mission d’établissement des faits a recueilli et analysé une multitude de preuves pour appuyer les processus de responsabilisation, provenant de victimes et de témoins en RDC, au Rwanda et au Burundi, d’autres États, de partenaires des Nations Unies et de membres de la société civile.
"Des centaines de milliers de personnes déplacées subissent les conséquences les plus graves des combats au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. Les violences ont contraint environ un million de personnes à quitter leur foyer ou à se déplacer temporairement. De nombreuses personnes déplacées ont signalé que les combattants du M23 les avaient forcées à démonter leurs abris et à déménager. À Goma, début février, elles n'ont eu que trois jours pour regagner leurs villages, où beaucoup ont découvert que leurs maisons avaient été détruites ou occupées ", a fait remarquer Volker Türk.
En mars 2025, a-t-il rappelé, son équipe a constaté que de nombreuses personnes déplacées, y compris celles qui avaient été contraintes de retourner dans leurs villages au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, peinaient à se nourrir et à accéder aux soins de santé de base. Les écoles, les hôpitaux et les réseaux d'approvisionnement en eau de Masisi et de Rutshuru, par exemple, ont subi d'importants dégâts pendant les combats.
"La violence au Nord-Kivu et au Sud-Kivu a réduit l’espace dont disposent les défenseurs des droits humains, la société civile et les médias. Mon bureau enquête sur des informations faisant état de menaces de mort, de détentions et d'autres représailles contre des défenseurs des droits humains, des journalistes et des membres de la société civile perçus comme critiques du M23. Ces informations incluent le meurtre présumé d'au moins deux militants et des menaces contre des défenseurs des droits humains œuvrant pour le soutien aux victimes de violences sexuelles et sexistes ", a expliqué le chef des droits de l'homme de l'ONU.
Dans sa présentation, il a révélé que les autorités de la RDC ont suspendu les accréditations de presse et menacé de poursuites judiciaires les journalistes et autres personnes dont les reportages sont considérés comme favorables au M23 et aux forces rwandaises. Les travailleurs de la santé et de l'aide humanitaire sont également confrontés à des menaces, des intimidations et des violences. Cette situation, conjuguée à d'importantes réductions du financement humanitaire international, risque de propager des maladies évitables, notamment la polio et la rougeole, bien au-delà des frontières de la RDC.
"Dans un exemple poignant, dans la nuit du 28 février, des combattants du M23 ont attaqué l'hôpital Ndosho et l'hôpital Heal Africa à Goma, tirant à l'intérieur des bâtiments et enlevant 121 patients, les accusant d'être des soldats congolais ou des milices Wazalendo. Le lieu où se trouvent bon nombre de personnes enlevées reste inconnu ", a déclaré Volker Türk.
Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté, vendredi 7 février 2025, par consensus, une résolution ordonnant la création d’une mission d’établissement des faits et d’une commission d’enquête indépendante sur les graves violations des droits de l’homme commises dans l’est de la RDC.
Cette décision, prise à l'issue de la 37ᵉ session extraordinaire du Conseil, fait suite à l’escalade des violences dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. La résolution exige que le Mouvement du 23 mars (M23) mette fin immédiatement à toutes ses actions hostiles et se retire des zones qu’il occupe actuellement. Elle appelle également la Force de défense rwandaise à cesser tout soutien au M23 et à se retirer « instamment » du territoire congolais.
Le Conseil a demandé au Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme de mettre en place sans délai une mission d’établissement des faits, qui devra produire un rapport sur les événements survenus entre janvier 2022 et la date de présentation de son rapport complet. En complément, une commission d’enquête indépendante, composée de trois experts en droit international des droits de l’homme et en droit humanitaire, sera constituée pour poursuivre les travaux de cette mission.
Clément MUAMBA