RDC: le sénat autorise des poursuites judiciaires contre Joseph Kabila

Joseph Kabila/Ph. Droit tiers

Le Sénat de la République Démocratique du Congo a pris, ce jeudi 22 mai, une décision historique en votant pour la levée des immunités de l’ancien président Joseph Kabila, également sénateur à vie.

Au terme du vote après l’approbation, par la plénière, des conclusions du rapport de la commission spéciale chargée d’examiner le réquisitoire de l’auditeur général des FARDC, 88 sénateurs ont voté "Pour" ; 5 sénateurs ont voté "Contre" ; 3 bulletins nuls et zéro abstention sur les 96 votants. 

Après des jours de délibérations intenses, marquées par la constitution d’une commission spéciale et des débats à huis clos, la chambre haute a donné son feu vert pour autoriser des poursuites judiciaires contre Joseph Kabila. Cette décision intervient dans un contexte de tensions politiques croissantes, alors que le pays est confronté à une recrudescence des violences dans l’est, notamment avec la rébellion du  M23.

Le rapport final de la commission spéciale, distribué aux sénateurs avant le vote, a été déterminant dans cette décision. Il met en lumière des accusations graves portées par l’auditeur général près la Haute Cour Militaire, notamment des charges de « trahison, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et participation à un mouvement insurrectionnel » en lien avec le soutien présumé de Joseph Kabila à la rébellion M23. 

Ces allégations, portées par le gouvernement du président Félix Tshisekedi, ont été vivement contestées par les proches de l’ancien président, qui dénoncent une « persécution politique » orchestrée pour écarter un rival influent. La séance plénière, qui s’est tenue au Palais du Peuple à Kinshasa, a été tenue sans Kabila lui-même.

Bien que la majorité présidentielle domine le Sénat, des voix divergentes se sont exprimées, certaines invoquant  un vote au Congrès, tandis que d’autres ont mis en garde contre les conséquences d’une telle décision sur la stabilité politique du pays. « Les mauvaises décisions ont toujours des conséquences négatives illimitées », avait averti un sénateur opposé aux poursuites lors des débats, soulignant les risques d’une polarisation accrue.

Cette levée d’immunités ouvre désormais la voie à une procédure judiciaire devant la Haute Cour Militaire, où Joseph Kabila pourrait être jugé pour les chefs d’accusation retenus contre lui. Cependant, l’ancien président, qui se trouve actuellement en exil après avoir quitté le pays en 2023, n’a pas encore réagi officiellement à cette décision. Ses partisans, au sein du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), ont qualifié cette action de « chasse aux sorcières » et appellent à une mobilisation pour défendre leur leader, tandis que des observateurs internationaux s’inquiètent des répercussions possibles sur la paix fragile dans la région.

Stanis Bujakera