RDC : « Corruption électorale sans frontière », le rapport d’Ebuteli sur les élections de 2023 jamais connues au pays

Les électeurs consultent les résultats devant un bureau de vote à Bandundu
Les électeurs consultent les résultats devant un bureau de vote à Bandundu

Dans un rapport intitulé « corruption électorale sans frontière », publié, ce mardi 22 avril 2025, l’Institut de recherche en politique, gouvernance et violence, Ebuteli, révèle que les scrutins électoraux organisés en 2023 ont été les plus entachées de cas de corruption jamais enregistrée dans l’histoire de la République démocratique du Congo depuis 2006.

« La République démocratique du Congo (RDC) a connu une longue transition de 16 ans avant la tenue des élections de 2006, considérées comme les mieux organisées. À cette époque, la corruption était aussi déplorée, mais elle n’avait pas sérieusement affecté les résultats du scrutin, contrairement à ce qu’on a observé en 2011, en 2018 et 2023 », souligne Ebuteli.

En 2023, le cas de corruption s’est malheureusement généralisé atteignant tous les niveaux électoraux, Ebuteli parle de « corruption électorale sans frontière ». Dans son rapport, il s’est attelé à examiner ses pratiques au niveau central, provincial et des entités territoriales décentralisées, accentuant « la crise de légitimité et le déficit de redevabilité politique au niveau non seulement du pouvoir central, mais aussi à celui des provinces ».  

Des cas de malversations et détournements ont été enregistrés, mais aussi l’interférence des autorités politiques sur les différentes décisions du bureau de la Ceni. 

« Pour les partis influents de l’Union sacrée, les nominations ou affectations des secrétaires exécutifs provinciaux et des chefs d’antenne de Ceni ont été au centre d’un grand enjeu : « les leaders des grands regroupements politiques se sont battus pour avoir des responsables provinciaux de la Ceni à leur solde », révèle-t-il.

La corruption s’est aussi accentuée dans le processus de recrutement des agents de la Ceni. « Un ancien agent temporaire du bureau de la Ceni à Bukavu a témoigné de la manière dont ils ont été recommandés par un candidat député vivant à Kinshasa, qui a demandé à son fils de lister les jeunes, qui seront pris pour agents au bureau de vote. Leur mission, faire voter les électeurs pour lui, et surtout que beaucoup d’électeurs dans des milieux reculés avaient de sérieux soucis de l’utilisation de machine à voter ».  

Certaines pratiques graves, telles que la privatisation de machine à voter pour la fabrication, ont été au rendez-vous. « Certains candidats ont détourné des DEV à leur portée pour maximiser leurs voix par un vote frauduleux. Certains ont eu une grande marge de manœuvre en offrant leurs véhicules ou motos pour le transport de ces dispositifs ».

« Un partisan d’un parti politique témoigne que son parti a payé 20 000 USD pour obtenir la machine à voter. D’autres candidats se procuraient les kits électoraux à leur domicile. Bien que la Ceni ait sanctionné par invalidation certains élus, Ebuteli révèle que cette mesure a été tout de même sélective ».

Il s’est avéré aussi le cas de la non-utilisation de l’encre indélébile. « Pour donner la possibilité aux électeurs des candidats qui leur avaient remis l’argent, certains agents de la Ceni ne faisaient pas usage de l’encre indélébile nécessaire pour empêcher une personne de voter plus d’une fois ».  Ebuteli révèle par ailleurs des cas d’intimidations et des violences orchestrés par les jeunes délinquants (kuluna) manipulés, pour favoriser un climat de peur et opérer la tricherie ou la corruption électorale dans certains bureaux de vote.

Face à ces cas de corruption généralisée, Ebuteli propose ainsi d’une part, des poursuites judiciaires contre les acteurs porteurs de culpabilité de corruption, la révision de la loi électorale, en y intégrant les dispositions renforçant la lutte contre la corruption ; d’autre part, le renforcement de l’indépendance des instances judiciaires chargées du contentieux électoral et de la proclamation des résultats définitifs, le recrutement du personnel de la Ceni, y compris les temporaires, par concours organisés par un cabinet indépendant pour éviter des recommandation, et le remplacement de l’encre indélébile par le prélèvement d’empreintes digitales pour éviter les cas des votes multiples par un même individu.

Jean-Baptiste Leni