À la suite de l'aggravation de la situation sécuritaire dans l'Est, le gouvernement de la République Démocratique du Congo et les Nations-Unies ont lancé à Kinshasa le Plan de réponse humanitaire 2025, d’un montant de 2,54 milliards de dollars pour venir en aide à 11 millions de personnes. Selon l'ONU, parmi les 11 millions de personnes à assister figurent 7,8 millions de déplacés internes, l’un des niveaux les plus élevés au monde. Plus de 21 millions de Congolais sont affectés par des crises multiples, notamment des conflits armés, des catastrophes naturelles et différentes épidémies.
Le lancement du Plan de réponse intervient dans un contexte particulier de polycrise multidimensionnelle d’une « ampleur inédite » qui combine trois éléments déstabilisateurs majeurs, à savoir la spirale de violence qui s’étend de l’Ituri au Tanganyika et la présence du M23 en autorité de facto dans des zones clés du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, où les besoins humanitaires sont très importants.
Bruno Lemarquis, numéro 2 de la MONUSCO et Coordonnateur résident et Coordonnateur des opérations humanitaires rappelle qu’il s’agit aussi d’une « crise majeure du financement » de la réponse humanitaire. Allusion faite à la crise de financement internationale liée au gel des aides américaines via l'USAID, l'Agence d'aide au développement international des États-Unis.
"Aujourd’hui, la suspension des financements américains met en péril l’aide humanitaire pour des millions de personnes. Des partenaires ont déjà dû suspendre leurs opérations, et, si cette tendance se poursuit, la situation humanitaire risque de se détériorer rapidement. Nous appelons tous les autres partenaires à faire tout leur possible pour atténuer l’impact de cette diminution substantielle des financements. La conjonction dramatique de ces crises, cette « polycrise », dépasse les frontières des Kivu. Elle impacte l’ensemble du pays et accroît la pression sur des provinces déjà fragilisées par des violences intercommunautaires, des épidémies récurrentes et un niveau d’insécurité alimentaire qui reste très élevé", a fait remarquer Bruno Lemarquis le jeudi 27 février 2025.
Les États-Unis ont été le principal contributeur à l’aide humanitaire en RDC. En 2024, ils ont couvert à eux seuls 70% des fonds mobilisés.
"En 2024, un montant inégalé de 1.3 milliards de dollars a été mobilisé pour la réponse humanitaire, ce qui a permis de fournir une assistance vitale à plus de 7,1 millions de personnes. Mais, et c’est là le troisième élément déstabilisateur, nous faisons maintenant face à une crise majeure du financement de la réponse humanitaire. Depuis des années, les États-Unis ont été le principal contributeur à l’aide humanitaire en RDC. En 2024, ils ont couvert à eux seuls 70% des fonds mobilisés. La RDC était en 2024 leur plus grand programme humanitaire au monde", a indiqué le Coordonnateur humanitaire.
Par ailleurs, Lemarquis souligne que cette crise met à rude épreuve les capacités de réponse humanitaire, déjà limitées par des contraintes d’accès, des attaques contre les humanitaires et un climat de désinformation inquiétant. Et elle redessine les dynamiques régionales avec des conséquences potentiellement catastrophiques pour toute la sous-région.
"Nous devons collectivement prendre toute la mesure de l’ampleur du tournant actuel. Car derrière les discours et les chiffres, il y a des réalités humaines indéniables, et des souffrances insupportables. Il y a toutes ces familles qui vivent dans des sites de déplacés, ou dans des familles d’accueil, depuis des années, et qui voient chaque jour arriver de nouvelles familles, elles aussi chassées par l’insécurité et la guerre. Il y a tous ces millions d’enfants nés dans la guerre, qui n’ont jamais eu d’autre horizon que les tentes et bâches précaires qui les abritent. Il y a ces femmes et ces filles brisées par la violence sexuelle, victimes d’atrocités innommables dans les zones de conflit, où seule la loi du plus fort règne, et où les services pouvant les aider à se reconstruire risquent de faire défaut, faute d’accès humanitaire et de financement adéquat. Ces souffrances sont intolérables, et les rhétoriques guerrières de part et d’autre ne font que les nourrir davantage", a souligné Bruno Lemarquis..
L’offensive du M23/AFC soutenu par le Rwanda et les violents affrontements dans des zones densément peuplées ont plongé le pays dans une crise d’une ampleur inédite. Les répercussions humaines sont dramatiques, entraînant le déplacement forcé de nombreuses familles et de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire. L’onde de choc de ces événements dépasse largement les provinces directement affectées, et les risques de conflagration régionale sont élevés, posant des nouveaux défis énormes à l’ensemble de la réponse humanitaire.
Clément MUAMBA