En RDC, comment comprendre l’écart entre les potentiels en ressources naturelles et la pauvreté indescriptible de la population?

Photo d'illustration
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La population congolaise vit dans une misère indescriptible en dépit des richesses naturelles que regorge la République démocratique du Congo. Pourtant la production minière du pays connaît une augmentation ces dernières années. Si les autorités de tutelle se félicitent de cette hausse de production, certains experts et analystes en question minière, veulent par contre ressentir cette augmentation sur le social de la population, pour ainsi parler d’une bonne redistribution des richesses. Une situation qui démontre véritablement le contraste entre richesse du pays et pauvreté de la population.

Les statistiques révèlent que l’augmentation de cette production concerne le cuivre, le cobalt et le zinc qui proviennent exclusivement des provinces du Haut-Katanga et du Lualaba, au sud-est du pays. Cette augmentation est prouvée par les exportations et les ventes locales auprès d’autres entités. Mais la cherté de la vie et autres maux qui rongent le social de la population restent inchangés, car, la situation sur le terrain est toujours au rabais et ce contraste entre l’ampleur des richesses minérales de la RDC et la pauvreté de ses citoyens est saisissant. Ce qui corrobore avec les dernières estimations de la Banque mondiale qui situent le taux d’extrême pauvreté en RDC à 72%.

Jean-Pierre Okenda, expert en ressources naturelles, s’interroge sur ce que font les autorités congolaises pour relever les défis car pour lui, le débat aujourd’hui ne devrait pas se baser sur l’augmentation de la production, mais plutôt sur le partage équitable des richesses pour arriver à changer la donne.

« Nous avons les minerais et nous avons associé les acteurs que l’on appelle des investisseurs qui sont venus chez nous, qui ont investi des millions et qui extraient les minerais. Ici, l’État devrait nous dire que le Congo a capté autant d’argent, ce qui intéresse les congolais dans un premier temps. Dans un deuxième temps, de ce que l’on fait avec l’argent. Aujourd’hui, le débat est dans le partage équitable des richesses. Le débat n’est pas dans la concurrence au niveau du statut de production des minerais. Il faut nous dire, la valeur de ce que nous avons exporté, ce qui est extrait et ce que le Congo a capté. Et quand vous prenez le Congo aujourd’hui, qu’est-ce que ça représente ? Il faut regarder le niveau de pauvreté au Congo, non seulement c’est un paradoxe, mais on est même dans la thèse de la malédiction des ressources naturelles », a indiqué à ACTUALITE.CD, Jean-Pierre Okenda de Resource Matters.

Celui-ci ajoute qu’en dehors de cette augmentation, il faut démontrer ce que gagne la RDC réellement pour subvenir aux besoins sociaux de sa population. Car, il est inadmissible de comptabiliser les filières produites en termes de tonnes pendant que la situation sociale est morose.

« Quel est le plan du gouvernement congolais ou c’est quoi sa politique aujourd’hui en matière d’exploitation minière. C’est pour arriver à quoi ? Quitter où, pour arriver où ? De quel point A vers quel point B. En fait, ce sont des questions que l’on se pose pour également savoir, qu’est-ce que nous voulons faire des mines en réalité aujourd’hui au Congo. C’est comptabiliser la quantité de production ? Que fait actuellement le gouvernement pour relever les défis, parce que cela,  la vraie problématique. Et c’est une situation extrêmement déplorable », regrette-t-il.

C’est un véritable contraste saisissant entre cette pauvreté́ et la richesse immense dont dispose le pays en ressources naturelles et autres matières premières précieuses. Cette richesse, a dit le Professeur Bilolo, est également l’une des causes des conflits interminables au pays. D’où, transformer cette malédiction des ressources naturelles en bénédiction constitue l’un des principaux défis que la RDC doit relever.

Pour ce directeur scientifique de l’Institut Africain d’Études Prospectives, la situation sociale de la population congolaise est largement triste. Le pays est potentiellement riche, mais ses richesses ne sont pas mises dans les caisses sociales.

« Nous voulons la transparence, nous voulons qu’on nous dise l’argent du coltan on en a fait ceci. L’argent du cuivre, du cobalt et ainsi de suite, on en a réalisé tel projet. Donc, la destination de l’argent doit être connue par la population. Aujourd’hui, nous apprenons qu’il y a une augmentation de production sur le plan minier. Mais ces revenus sont utilisés comment? Et si réellement il y avait augmentation de production minière, mais pourquoi on ne sent pas l’impact sur la vie de la population. Nous ne demandons pas à l’État de distribuer des pains à tout le monde. Mais de conjuguer des efforts pour que la redistribution des richesses soit juste. Si les choses demeurent ainsi, alors la question sur l’amélioration des conditions sociales de la population est loin d’être résolue », déplore le Professeur Bilolo Mubabinge.

Et d’ajouter :

« Ce que nous vivons chez-nous au Congo, c’est de l’esclavage. Comment voulez-vous que le peuple soit rançonné même par son propre pays. Il y a des minerais, mais ne profitent qu’aux étrangers. Et tout ça, c’est la faute à l’État qui n’a pas su imposer sa politique de gouvernance. Il est donc temps de s’occuper de la population car nous devons lutter contre la paupérisation. »

Ainsi, suite à cette situation, le Réseau Sud-Congo, avec ses partenaires, s’était mobilisé  il y a peu, pour interpeller les autorités congolaises à défendre avec fermeté les droits des communautés locales, surtout celles impactées directement par l’exploitation minière. Une campagne qui nécessite l’implication de tout le monde pour que de bons résultats soient récoltés.

Certes, la demande mondiale en métaux stratégiques comme le cobalt a fortement augmenté, les retombées positives pour les populations locales sont à ce stade limitées, tandis que sur le terrain, les nuisances environnementales et sanitaires sont considérables. Les recettes découlant des redevances minières augmentent et sont réparties entre le gouvernement central, les provinces et les entités territoriales décentralisées. Mais il faut s’assurer que ces recettes soient dépensées de manière transparente afin d’améliorer le niveau de vie des populations.

Ben AKILI