Kamilombe, au cœur de l’artisanat minier congolais : à la recherche du cuivre et du cobalt au prix de difficultés inouïes

Carrière minière de Kamilombe
Carrière minière de Kamilombe

Au milieu des tuyaux rouillés et des carrosseries abandonnées, un sentier sinueux vous mène vers un lac artificiel sur le site minier artisanal de  Kamilombe, situé dans la province du Lualaba, le centre économique de la République démocratique du Congo (RDC). Dans l'eau, des jeunes femmes nettoient   le minerai de cuivre et cobalt bruts fraichement sorti de terre . Pitshou, âgé de 18 ans, a abandonné l'école il y a sept ans. « Ma vie est ici. Si je ne viens pas ici, ma famille mourra de faim. Je ne sais pas cultiver. Cet endroit est mon champ », déclare-t-il. Comme Pitshou, des milliers de jeunes se rassemblent ici dans l'espoir de tirer profit des riches gisements de cuivre et de cobalt de leur région.

Pour encadrer ces creuseurs artisanaux, des coopératives se multiplient. C'est le cas de CMDS, qui gère environ 15 000 creuseurs répartis sur environ 1800 puits. Ces mineurs artisanaux sont cependant soumis à des conditions de travail très dangereuses.  En effet, Sans équipement de protection individuelle adéquat, ces conditions entraînent trop souvent des blessures, voire des décès, qui auraient pu être évités par une meilleure gestion du site et une amélioration des infrastructures. Même les femmes travaillant dans les stations de lavage et de triage sont confrontées à de graves risques sanitaires en raison de leur forte exposition aux métaux lourds. 

A Kamilombe, le CMDC est soutenue par la Fair Cobalt Alliance (FCA)/ Alliance pour un Cobalt Equitable dont la mission est de gérer de manière professionnelle les activités minières artisanales propres, en respectant les normes nationales et internationales (de sécurité) et offrant des conditions de travail équitables aux artisanaux. La FCA constitue une plateforme multipartite regroupant des acteurs présents dans la chaîne d'approvisionnement du cobalt, parmi lesquels figure Glencore en tant que membre fondateur.

« Au départ, nous avions environ 21 000 creuseurs. En raison de la baisse des prix du cobalt, nous en avons maintenant environ 15 000. Ils apportent ces minerais au dépôt. Du dépôt, ils passent au niveau des usines de traitement », explique Christophe Kebano, PCA de la Coopérative minière pour le développement social (CMDS). Les enfants et les femmes enceintes ne sont pas autorisés à pénétrer sur le site, conformément aux normes.

Chaque mois, plus de 120 camions de 40 tonnes sont produits. À côté du lac, un puits artisanal est creusé en forme d'escalier, comme une mine à ciel ouvert. Du fond de ce puits, le cobalt est extrait. Des sacs de 10 à 15 kg sont remontés, puis les minerais sont acheminés au lac artificiel pour être nettoyés avant d'être transportés au dépôt d'achat. Les produits sont essentiellement vendus aux Chinois.

1

Jean de la Paix Mbangu, journaliste basé à Kolwezi, souligne que « l'artisanat minier aide plusieurs familles à survivre. Il y a plus de 300000 personnes qui travaillent dans les mines. En structurant l'artisanat minier, on peut offrir des emplois à ces jeunes. Cependant, les gens dépensent leur énergie sans recevoir un salaire correspondant à leurs efforts. Le problème réside dans l'absence de l'État. Ceux qui viennent acheter s'enrichissent au détriment de ces jeunes », explique Christophe Kebano.

Le centre de négoce de Musompo, inauguré en octobre 2023, pourrait peut-être offrir une solution, estime Jean de la Paix Mbangu. « Le centre a été mis en place avec son laboratoire et ses systèmes de pesage, ce qui peut permettre aux exploitants de s'en sortir financièrement. Cependant, l'accès aux zones d'exploitation artisanale reste un défi ».

Willy Kalengayi, spécialiste des questions minières, est plus catégorique. Il estime que « l'artisanat est dangereux pour les exploitants, inutile pour l'économie du pays et totalement inadapté au monde actuel. Les creuseurs sont livrés à eux-mêmes, exposés aux forces de la nature, et manipulent des produits toxiques sans protection ». Christophe Kebano nuance : « Nous voulons que les autorités nous aident. Nous voulons avoir notre propre terrain. Nous sommes un peu comme des locataires ici, et nous pourrions être délogés à tout moment ».

Aujourd'hui, Willy Kalengayi estime que l'artisanat minier est mal géré et propose une solution radicale. Il affirme que « le prix pratiqué pour l'artisanat est dérisoire. L'alternative à l'exploitation minière artisanale est l'industrialisation. Les pays développés n'ont pas atteint ce statut grâce à l'artisanat. L'artisanat est une solution politique qui sert à apaiser les tensions sociales ». Malgré la création de l'EGC, une société d'État censée encadrer le secteur artisanal, cette dernière peine à décoller. Environ 20% du cobalt congolais proviendrait du circuit artisanal, selon plusieurs sources, mais aujourd’hui ce chiffre est remis en question, notamment par l’ITIE et le ministère congolais des mines.