L'actualité de la semaine vue par Nicole Kavira

Photo/ Droits tiers
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De la reprise des tensions entre FARDC et M23, à la mégestion de la ville de la province de Kinshasa en passant par le maintien en détention du journaliste Stanis Bujakera à la prison centrale de Makala, la semaine qui s'achève a été riche au niveau de l'actualité. Nicole Kavira revient sur chacun de ces faits marquants.

Bonjour Madame Nicole Kavira et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités ?

Nicole Kavira : Je suis coordonnatrice nationale du Mouvement des Indignés de la situation sécuritaire en RDC. (MISS-RDC en RDC).

Le chef de l'État Félix Tshisekedi sur le projet de 145 territoires annonce qu'il va commencer une première itinérance la semaine prochaine pour voir évaluer l'évolution et essayer de booster. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Nicole Kavira : Il n'est un secret pour personne, au cours de son mandat, le Président de la République a plus voyagé à l'extérieur du pays qu'à l'intérieur. Et pendant qu'il arrive à la fin de son mandat, je me demande dans combien de territoires il se rendra. Il aurait été souhaitable que le Président de la République fasse le tour du pays pour toucher du doigt la situation sur tous les plans. Annoncer faire une itinérance pour effectuer le suivi et procéder à l'évaluation du Programme de développement des 145 territoires est une chose, mais réaliser ce périple en est une autre. Je crains que cette annonce ne s'ajoute à une longue liste des promesses non tenues du Président. Toutefois, s'il visite quelques territoires, nous pensons que ça sera sur fond de campagne anticipée comme beaucoup d'acteurs politiques le font actuellement.

Comment avez-vous jugé l'intervention du Ministre des affaires étrangères Christophe Lutundula au conseil de sécurité de l'Onu ? Il a accusé le Rwanda de renforcer ses troupes dans l'Est de la RDC ?

Nicole Kavira : Cela ne m'a pas étonné que le Ministre des Affaires étrangères Christophe Lutundula ait encore érigé un énième mur de lamentations traduisant une diplomatie hasardeuse. Le Gouvernement congolais nous a habitués à faire des dénonciations. Fatigué des promesses et dénonciations, le peuple congolais est fatigué et profondément déçu de voir la léthargie du gouvernement à agir et mener des actions concrètes. Ça fait plus d'une année que le Congo est amputé des pans entiers de son territoire dans la passivité totale. Le même ministre Lutundula avait annoncé que les troupes de l'EAC viendraient pour mener des actions offensives contre les RDF/M23. Mais au lieu de cela, il est révoltant de voir combien ces troupes de l'EAC font le lit de l'ennemi. Cela relève d'une diplomatie tentaculaire dans le chef du Gouvernement congolais que le Mouvement des Indignés a toujours dénoncée. Le Ministre Lutundula ferait mieux de se taire au lieu d'exceller encore une fois dans des jérémiades indigestes.

Quels mécanismes doivent être mis en place par le gouvernement pour mettre fin aux atrocités dans l'Est ?

Nicole Kavira : Il y a peu, le Gouvernement congolais a donné un ultimatum aux RDF/M23, mais depuis l'expiration de cet ultimatum, qu'est-ce que le Gouvernement a déjà fait si ce n'est de continuer avec les dénonciations ? Le Mouvement des Indignés ne le dira jamais assez : pour en finir avec les agressions et les guerres par procuration que les pays voisins de l'Est imposent au Congo, il faut une restructuration profonde de l'armée, l'équiper, améliorer les conditions des militaires et surtout purger cette armée aux allures de patchwork. Une armée infiltrée dont des milliers d'éléments et des centaines d'officiers sont à la solde de l'ennemi ne peut pas gagner cette guerre. Il faut traiter cette dernière question sans tabou. Enfin, il est temps qu'il y ait des mécanismes de sécurisation populaires comme cela se fait au Burkina Faso. Il en va de la survie des peuples vivant dans les zones en proie aux violences et aux conflits.

Le candidat déclaré à la présidentielle Martin Fayulu a critiqué le processus électoral en cours, affirmant que les autorités actuelles parient fondamentalement sur la tricherie pour obtenir des résultats favorables. Quel est votre point de vue ?

Nicole Kavira : Le processus électoral en cours suscite quand même d'énormes inquiétudes sur plusieurs aspects d'irrégularités : la mauvaise qualité des cartes d'électeurs délivrées. Beaucoup risqueraient de ne pas voter faute de cartes d'électeurs. Un audit sérieux du fichier électoral garantirait la confiance de tous les acteurs. Mais ça n'a pas été le cas. Faute du caractère inclusif, ce processus électoral plus ou moins mal engagé pourrait créer plus de problèmes qu'il n'en résoudrait.

Le président de l'Assemblée provinciale révèle que la ville de Kinshasa est endettée aujourd'hui à plus de 150 millions de dollars. Selon vous, qu'est-ce qui est à la base de cette mégestion ?

Nicole Kavira : Siège des Institutions, Kinshasa est le miroir même du reste de la République. Si Kinshasa est mal géré sous la barbe des Institutions Nationales, on pourrait se dire que finalement le Gouvernement congolais laisse faire. La ville tombe en faillite et rien n'est fait. Il n'y a personne pour demander des comptes à l'exécutif provincial. Si la ville-province de Kinshasa est dirigée par des laissés pour compte, c'est l'image du reste du pays qui est ternie.

S'agissant des élections, les médias sont interdits de diffuser la campagne électorale précoce. Saluez-vous cette mesure ?

Nicole Kavira Ce processus électoral est unique en son genre. À l'heure actuelle, nous sommes déjà à plus de 910 partis politiques. C'est un record mondial. Dans ces conditions, les acteurs politiques difficilement contrôlables font tout et rien. Raisons pour laquelle la campagne précoce que beaucoup d'entre les acteurs politiques qualifient de pré-campagne viole la loi électorale. C'est à la justice et aux organes de régulation de jouer leur rôle pour nous éviter une anarchie.

Dans l'affaire Rossy Mukendi, la justice militaire a renvoyé l'affaire sine die. La famille de la victime et les autres parties civiles restent à ce jour en attente d'une nouvelle notification pour la prochaine audience. Qu'en pensez-vous ?

Nicole Kavira : Tout en rendant hommage à notre cher camarade Rossy Mukendi, nous les activistes et les membres de sa famille sommes impatients de voir un bel aboutissement à ce procès. Nous espérons que justice sera rendue pour Rossy. Son sang versé de la manière la plus ignoble crie Justice. Les autorités et la justice devraient s'investir pour punir les bourreaux de Rossy Mukendi selon la loi.

Avec le maintien en détention de Stanis Bujakera, pensez-vous que la liberté de la presse a encore sa place en RDC ? 

Nicole Kavira : Le journalisme n'est pas un crime. À l'approche des élections, le maintien du journaliste Stanis Bujakera en prison relève du musèlement de la presse. C'est une démarche pour faire taire les dossiers qui fâchent et font peur aux chevaliers de la plume et du micro. Nous exigeons la libération sans condition de Stany Bujakera.

Le gouvernement de transition au Burkina Faso a affirmé mercredi avoir déjoué "une tentative de coup d'État", près d'un an après l'arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré par un putsch. Soutenez-vous cette manière d'accéder au pouvoir par coup d'État ?

Nicole Kavira : Laissez les Burkinabè s'occuper de leurs oignons et nous Congolais occupons-nous des nôtres. Notre Constitution a déjà défini le mode d'accès au pouvoir. L'essentiel est que nos dirigeants soient vraiment tributaires de la volonté du peuple, le souverain primaire.

Votre dernier mot

Nicole Kavira : Le Mouvement des Indignés de la situation sécuritaire en RDC ne baisse pas la garde. Pendant que notre pays est sous occupation par des forces étrangères, nous ne saurions mieux faire, au vu de la gravité de la situation, que d'en appeler à plus de patriotisme du sommet à la base. On ne libère pas un peuple, un peuple se libère !

Propos recueilli par Grâce Guka