Comme son nom l’indique, la marionnette géante est d’une grande taille. Avec plus de deux mètres, elle se fabrique par des connaisseurs et se joue en public. Art de la scène, la marionnette géante est manipulée par une personne visible ou dissimulée sous le costume de la marionnette, ou même derrière celle-ci. Les différentes parties du corps de la marionnette sont habituellement actionnées par des tiges.
Cette discipline artistique a fait le beau jour de la ville de Kinshasa pendant les neuvièmes jeux de la francophonie. D’abord pour le spectacle qu’elle a impliqué à la place de l’échangeur et une parade dans les quartiers environnants, ensuite pour avoir permis à la RDC de remporter une médaille d’or devant le Togo et le Niger. C’est la compagnie Les marionnettes du Congo, venue de Lubumbashi, qui a représenté le pays.
Dans une interview accordée à ACTUALITÉ.CD, Didier Mfumu dit Koko, président fondateur de cette association culturelle qui existe depuis 2009 est revenu sur différents points en rapport avec la marionnette géante et ses aspirations dans cet art pour la RDC. Entretien.
ACTUALITÉ.CD : Pendant les jeux de la francophonie, certains découvraient la marionnette géante, d’autres ne savaient que ça constitue tout un art internationalement reconnu, que pouvez-vous dire de la marionnette géante ?
Didier Mfumu : L’art de la marionnette, c’est le carrefour de tous les arts, ça marche avec les personnages que nous fabriquons. Être marionnettiste est un génie créateur, celui qui n’a pas une tête qui fonctionne ne peut jamais réaliser une marionnette. C’est une richesse impossible. Moi, j’ai commencé cela à l’âge de 10 ans. C’est important et nous voulons impliquer plus de jeunes. Pour gagner la vie aujourd’hui, il ne faut pas seulement aller à l’Université. Sans décourager, je pense que la marionnette est une richesse et j’orientai mes enfants à cela après leurs diplômes d’Etat.
La marionnette fait appel à plusieurs disciplines artistiques. Moi, je sais aujourd’hui comment fabriquer des portails grâce à la marionnette. Je sais souder, ajuster, peindre, coudre grâce à la marionnette. Même l’esthétique.
Comment avez-vous choisi les comédiens pour en arriver à cette victoire finale aux jeux de la francophonie ?
Les marionnettes du Congo est une structure bien soudée, une équipe. Du point de vue du travail, ce n’est pas la première fois. On a représenté le pays dans plusieurs activités ailleurs. Je peux prendre l’exemple de la Zambie, en 2018, à la foire internationale de Ndola, on a fini deuxième. Et en 2019, on a fini premier, notre Président de la République était même là. C’est une équipe qui travaille depuis longtemps, même les fêtes ou d’autres événements, les marionnettes ne passent pas inaperçues.
Donc, vous devez cette médaille d’or à la solidité de l’équipe plutôt qu’à un travail d’une personne ?
Lorsque nous sommes arrivés à Kinshasa, nous avons travaillé durement et ce n’était pas facile. Les marionnettes, pour ajouter une autre couche, la première doit sécher. Le temps était trop court mais on était concentré pour le travail. Et lorsque nos concurrents sont arrivés, on avait encore accéléré. Notre souci était de défendre le pays. On avait des adversaires pas faciles. L’art de la marionnette est très évolué en Afrique de l’Ouest depuis leurs ancêtres. On a essayé de les contrecarrer et cela a marché.
En RDC aussi, c’est depuis les ancêtres, seulement qu’il y a eu une coupure avec notre histoire. Comment l’expliquez-vous ?
Dans la marionnette, il y a l’initiation mais pas dans le sens fétichiste comme on nous qualifie d’ailleurs. La façon dont la culture évolue dans les pays d’Afrique de l’Ouest est totalement différente par rapport à nous. À un moment, à l’époque du Président Mobutu, la culture avait eu une puissance et on avait une identité. Mais aujourd’hui, on a un problème sérieux. Chez nous ici au Congo, on a boycotté tout ce que faisaient nos ancêtres. Nous qui fabriquons des marionnettes, on nous qualifie de tous les noms. Mais nous mangeons grâce à ça, nous voyageons grâce à ça.
Que pensez-vous qu’il peut être fait pour que la marionnette retrouve une certaine place qui du reste n’est pas de la sorcellerie ?
La marionnette a une puissance, elle est polyvalente, elle sensibilise, elle éduque ; il y a de la pédagogie dans la marionnette. Ce que nous pouvons demander aux autorités est de nous aider avec les moyens pour construire un grand centre, pas seulement à Kinshasa. Nous avons le projet de construire un village de géants du Congo, à Lubumbashi. L’art de la marionnette ne se fait pas dans les endroits publics, ce sont des surprises. Ça se fait à l’écart.
Nous demandons aux autorités de nous soutenir. Lorsque les jeunes s’intéressent à la culture, ça diminue la délinquance, ça donne la vie, ça crée aussi des emplois.
Comment on peut se définir une passion pour la marionnette, quel est l’élément déclencheur du fait qu’on se dise que je suis appelé à faire l’art de la marionnette ?
Tout le monde ne peut pas être appelé à faire la marionnette. Mais même si quelqu’un n’a pas vraiment la passion que moi, j’ai, on peut le former.
Où peut-on être formé ?
Ce que je fais, moi, je suis passé à l’INA. Mais tout ne me vient pas de là. L’INA intervient du côté théâtre et mise en scène mais la fabrication c’est autre chose. Des fois quand je commence, je ne sais pas comment ça va finir et quand je finis, je suis moi-même étonné.
À quel moment on parle de marionnette géante, est-ce par la taille seulement ou il y a autre chose ?
Il y a plusieurs sortes de marionnettes. Il existe des marionnettes à gaine, des marionnettes à table, des marionnettes à tringle, des mascottes aussi. La marionnette géante, c’est à partir d’une taille bien plus qu’une personne réelle, ça dépasse les deux mètres.
Est-ce que la mascotte “Masano” des neuvièmes jeux de la francophonie est aussi considérée comme une marionnette ?
La différence avec la mascotte est que celle-ci est beaucoup plus plongée dans les publicités, le marketing mais pas dans les spectacles comme tels. Nous fabriquons aussi des mascottes pour des publicités des sociétés qui font des commandes.
Propos recueillis par Emmanuel Kuzamba