RDC- Tolérance zéro immédiate : « sans budget et application des lois, l’impunité ne cessera de s’amplifier », Justine Masika

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Photo officielle du lancement de la campagne Tolérance zéro immédiate, 19 juin 2021 (Photo/droits tier)

Lancée le 19 juin 2021 par le Chef de l’Etat, la lutte intense contre l’impunité des crimes de violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG) devait s’achever en 2023. Contactée par Actualité.cd, Justine Masika, membre fondatrice de la Synergie pour les femmes victimes de violences sexuelles (SFVS), s'est exprimée sur le déroulement de la campagne.  

« Lorsque nous avons appris que la campagne Tolérance zéro immédiate contre les violences sexuelles et basées sur le genre allait être lancée par le Chef de l’Etat, cela a suscité en nous des attentes. On s’imaginait que la bataille allait être intense aussi bien au niveau des médias que sur le terrain », rappelle-t-elle. 

En effet, la campagne faisait partie de la Déclaration des Chefs d'Etat et de Gouvernement des États Membres de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) faite à l’issue de leur quatrième Sommet ordinaire et Session Spéciale sur les Violences Sexuelles et Basées sur le Genre (VSBG) en 2011. Au niveau du point 7 (premier point de la rubrique Mettre fin à l’impunité), les participants s’engageaient à « Déclarer la ‘’Tolérance Zéro Immédiate’’ envers les crimes de VSBG et l’impunité et lancer des campagnes nationales sur la tolérance zéro envers les VSBG, en impliquant particulièrement les hommes simultanément dans tous les États membres de la CIRGL ». En tout, 11 objectifs devaient être mis en œuvre, selon le Président Félix Tshisekedi. 

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A en croire Mme Masika, une petite évaluation a été faite il y a deux jours au niveau de leur organisation. Il en ressort que « l’Etat Congolais a  moins  investi dans la vulgarisation des textes de lois et autres instruments de lutte contre les violences sexuelles et l’impunité et  dans la communication autour de l’exécution de cette vaste campagne ».  

Et de poursuivre, « une trentaine de femmes interrogées au niveau de Goma (Chef-lieu du Nord-Kivu), ont dit ne rien savoir au sujet de la campagne Tolérance zéro. Ce qui dénote une insuffisance, car nous sommes dans un milieu où les victimes sont nombreuses. Lorsque les femmes elles-mêmes ne connaissent pas les lois ou ces initiatives, comment vont-elles accéder à la justice ? Nous avons également constaté que ceux qui doivent appliquer la loi ignorent la rigueur de la loi. Les juges et les magistrats devraient être évalués par rapport à leur travail en matière de violences sexuelles car certains auteurs des viols ont été relâchés par les instances judiciaires contrairement aux prescrits de la loi. Et donc, sur terrain, les résultats, deux ans après, n’ont pas rencontré nos attentes ». 

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Parmi les avancées juridiques enregistrées au cours des deux dernières années où s'exécutent la campagne, il y a eu la loi sur les réparations, promulguée en décembre par le Chef de l’Etat. A ce sujet, Mme Masika encourage « la mise en œuvre des textes de loi, car la RDC est de plus en plus active en ce qui concerne les textes plus que leur application ».  

Par ailleurs, Justine Masika a fait savoir qu’entre le mois de janvier  et le mois de juin 2023, au moins  300 cas de violences sexuelles commises dans la communauté ont été pris en charge par leur structure. Dans les camps de déplacés, il y a un minimum de 5 cas par jour au niveau des maisons d’écoute. La maison des femmes de la Synergie est dans le camp de Bulengo. 

Elle recommande ainsi à l’Etat Congolais de ne pas seulement attendre les actions des partenaires pour l’exécution des projets de développement. Car, « sans un budget alloué aux différentes campagnes contre les violences sexuelles, sans exécution des lois, l’impunité généralisée fait que les violences s’amplifient ». 

Il faut noter que Mme Masika préside actuellement le conseil d’administration de cette ONG. Elle milite pour la promotion et le respect des droits de la femme en général et les victimes de violence sexuelle en particulier. En 2008, elle a été lauréate du prix Tulip pour les défenseurs des droits humains (prix attribué par le gouvernement néerlandais aux activistes des droits humains dans le monde). En 2009, lauréate du prix de Pax Christi International, nominée par Women Deliver parmi les 100 personnes qui ont milité pour la promotion des droits de la femme. En 2012, elle a reçu une reconnaissance par Idaho Human Rights Education Center.

Prisca Lokale