Tensions communautaires à Kwamouth : « même si le conflit est sanglant, lorsque l’autorité s’implique, les conflits s’arrêtent », Pétronille Vaweka

Photo/droits tiers
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Depuis  le mois de juillet, plus de 25 personnes ont été tuées, plusieurs autres blessées, des maisons incendiées et de nombreux habitants poussés au déplacement dans le Kwamouth, un territoire de la province du Mai-Ndombe. Il est question des violences qui opposent les peuples Téké et Yaka. Comment procéder pour rétablir la paix ? Pétronille Vaweka, experte en résolution des conflits basée en Ituri a répondu au Desk Femme. 


« La violence constitue pour les protagonistes, le dernier recours. Cela peut s'expliquer par le fait qu’au niveau des communautés Teke et Yaka, il y a eu des étapes du conflit qui n’ont pas alerté les autorités locales. Les protagonistes se sont rendu compte qu’il n’y avait pas d’autres alternatives à la violence (...) il y a plusieurs types de conflits qui opposent les communautés ; des conflits fonciers, les conflits liés au pouvoir coutumier. Il faut pouvoir déterminer le type auquel appartient celui-ci et trouver des solutions adaptées », explique Mme Vaweka. 


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Le week-end dernier, le gouvernement s’est résolu de dépêcher une mission qui se chargera notamment de faire l’état des lieux et déterminer les mesures idoines. La même décision a été prise au niveau de l’Assemblée Nationale dont l’un des députés, élu de Mai-Ndombe, n’a cessé d’appeler à l’intervention du gouvernement central. 


Forte de son expérience en tant que présidente de l’Assemblée spéciale intérimaire de l’Ituri et première Commissaire de District après la guerre, Pétronille Vaweka estime que l’intervention des autorités est capitale pour désamorcer le conflit. 


« Même si le conflit est sanglant, lorsque l’autorité s’implique, les conflits s’arrêtent. D’abord une implication de l’autorité locale. Si elle est dépassée, elle peut recourir à la province jusqu’à atteindre le gouvernement au niveau national. Mais lorsqu’il y a crise de confiance entre les communautés et les autorités locales ou provinciales, la situation est encore plus complexe parce que dans ce cadre (pour les peuples Yaka et Teke ndlr) les experts que l’on pourra dépêcher de Kinshasa ne maîtrisent pas le contexte », a-t-elle souligné.  


Ce n’est pas une première à Mai-Ndombe. Fin décembre 2018, des conflits communautaires ont éclaté dans le territoire de Yumbi, opposant des membres des ethnies Ntende et Nunu. Au moins 500 personnes ont été tuées, selon les Nations Unies. De 1998 à 2008, lors de son mandat en Ituri, Pétronille Vaweka fait le tour des camps de réfugiés de sa province. C’est de cette manière qu’elle a pu découvrir des populations perdues dans les montagnes et dont elle ignorait l’existence. Lorsqu’il y avait crépitement des balles, elle se rendait sur terrain, dialoguait avec les groupes jusqu’à obtenir le dépôt des armes. 


Elle déplore le fait que souvent, les autorités au niveau des entités et localités congolaises veulent diriger leurs territoires comme une administration classique.


« Les autorités doivent connaître les différents types de conflits qui règnent dans ces localités. En établissant un contact direct et permanent avec la population que l’on dirige, on sait déterminer les types des conflits latents et pouvoir y remédier au plus vite » 


Ecouter, faciliter le dialogue, proposer un accompagnement à long terme


Pour y rétablir la paix, Pétronille Vaweka donne trois pistes essentielles. 


« Il faudra les écouter (toutes les couches de ces communautés) et travailler sur base de leurs propositions. Cela passera à travers les consultations. Même si des cas de décès ont été observés entre ces communautés, même si le conflit est ouvert, il faut consulter chaque couche impliquée. Généralement, seuls les protagonistes ont connaissance de la solution à leur désaccord. Il faudra donc les aider à dialoguer. Enfin, si un accord est trouvé, il faut un accompagnement à long terme. Les communautés doivent être initiées à la prévention des conflits. Il va falloir impliquer la société civile, les confessions religieuses, et bien d’autres couches. Etant donné qu’il y a eu morts d’hommes, la justice doit également entrer en jeu pour que les réparations soient faites », a-t-elle conclu. 


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Par ailleurs, un calme précaire a été observé après l’arrivée dimanche soir de plus de 200 militaires en provenance de Kinshasa dans le territoire de Kwamouth. Ils sont déployés dans cette partie pour rétablir la paix et la sécurité.

Prisca Lokale