Depuis quelque temps, les habitants de Binga, localité située dans le territoire de Lisala, chef-lieu de Mongala, font face à une recrudescence de cas d'insécurité et de criminalité urbaine. Le manque de bras dans la police, d'infrastructures adéquates et d'équipements de maintien de l’ordre occasionnent des affrontements récurrents des gangs ruraux et des évasions régulières des détenus.
Face à un système de sécurité fragile, la criminalité fleurit dans la localité de Binga. « Maintenant il suffit juste d’un simple match de foot entre jeunes pour voir les différents gangs rivaux s’affronter avec des armes blanches », explique le secrétaire du commissariat territorial de Binga. Il nous reçoit dans un vieux bâtiment délabré, à moitié détruit par les intempéries et dont l’unique pièce ayant encore un toit dessus lui sert de bureau. A l’intérieur, une table couverte de drapeau national avec une pile de documents poussiéreux dessus. Quelques vieilles armes à feu de type AK-47 rangées dans un coin. Dans l’autre coin, on peut apercevoir une vingtaine de boucliers, chacun marqué « police » sur le devant.
« Ce sont-là des équipements qui nous servent à maintenir l’ordre dans la localité. Nous ne sommes pas bien outillés. Il y a certaines émeutes qui ne demandent que des grenades lacrymogènes pour être étouffées mais comme nous n’en avons pas, nous sommes obligés de recourir aux tirs à balles réelles avec beaucoup de risque de bavure », dit-il. Des déclarations qui rappellent l’épisode fâcheux de mai 2020 causé par la mort d’un jeune manifestant. Il était tué par balle lors d’une tentative de maintien de l’ordre en marge des revendications autour de la production artisanale de l’huile de palme que la police essayait de réguler. Dans ce genre de situation tendue, la police de Binga semble débordée. Non seulement à cause d’un manque d’équipements nécessaires mais aussi d’une pénurie en termes des ressources humaines, confie le secrétaire du commissariat territorial de Binga.
« Figurez-vous que dans cette localité de plus de 67.000 habitants, il n’y a que 26 policiers pour assurer l’ordre. Donc c’est pratiquement difficile », ajoute-t-il.
Entre inculpation et évasion
En plus d’un manque d’équipements et de personnel, la police de Binga fait face également à un système de détention défaillant. Mobako qui est l’unique cachot de cette localité se trouve à quelques kilomètres du commissariat territorial. « C’est là-bas que nous détenons les personnes inculpées parce qu’ici au commissariat, le bâtiment est délabré, il n’y a pas de cachot. Elles ne sont censées y être enfermées que pendant 48 heures. Mais comme on n’a pas de moyens de les acheminer à la prison centrale de Lisala à 132 kilomètres d’ici, elles restent longtemps au cachot et certaines parviennent à s’échapper », raconte le secrétaire du commissariat de Binga.
Sur place, devant la concession broussailleuse qui abrite ce bâtiment vétuste que les habitants de Binga appellent couramment "Boloko", un agent de l'ordre, à peine reconnaissable grâce à ses boots et un pantalon-cargo bleu-foncé de la police qu'il enfile avec un maillot de foot, dégage le passage en ouvrant la barrière montée avec des bambous sec.
"C'est ça la vie que nous menons ici, une vie difficile, nous nous sentons parfois abandonnés, nous vous demandons de plaider pour nous", murmure-t-il déjà après avoir vu une caméra et un micro qui lui indiquent qu’il s’agit de la presse.
Ce cri de détresse spontané traduit le ras-le-bol de la plupart d'agents de l'ordre qui opèrent dans cette partie de la RDC. Tous, ils déplorent généralement les conditions dans lesquelles ils travaillent.
"Comme vous pouvez le voir, il y a cinq cellules mais deux seules nous servent à enfermer les détenus. Les trois autres sont inutilisables parce qu'elles n'ont plus de portes. Le bâtiment se délabre du jour au lendemain", explique cet agent de l'ordre. Il est tout le temps obligé de s’interrompre pour rappeler à l’ordre quelques détenus bavards encore enfermés dans les deux cellules occupées. Ce jour-là il n'y a que quatre inculpés placés sous les verrous. Leurs identités sont écrites avec un stylo, sur une feuille puis affichées devant le mur de cette "prison" dont la surveillance est confiée à un autre garde en tenue civile et armé... d'un lance-gaz.
« Le cachot est en très mauvais état. Difficile de détenir les suspects de façon sûre. Soit ils défoncent la porte puis partent en courant, soit ils s’éclipsent derrière à travers les claustras et disparaissent dans la brousse », explique Nduki Nzela Flory, commandant de la police de Binga.
Le cas le plus récent d'évasion remonte à la fin du mois de mai, lorsqu'une douzaine de membres de gangs locaux arrêtés ont réussi à disparaître la nuit de leur arrestation. Ces membres de gangs utilisent des machettes comme armes pour s'entretuer ou pour agresser des personnes innocentes la nuit. Pour éviter d'être soupçonnés de leurs activités illégales, ces membres de gangs se fondent dans la masse des travailleurs de l'huile de palme, qui utilisent également des machettes comme outils de travail.
Will Cleas Nlemvo