L’armée congolaise confirme que ce sont les combattants ADF qui sont à la base de l'attaque de la nuit du mardi à ce mercredi 10 août contre la prison centrale de Butembo (Nord-Kivu).
Selon le capitaine Anthony Mualushayi, porte-parole des opérations Sokola 1, les assaillants sont des combattants ADF venus de la vallée de Mwalika dans le Graben pour libérer les leur, notamment des femmes ADF qui étaient détenus à Kakwangura en attendant d’être évacuées vers d’autres province. Il révèle que l’opération a été menée par un commando de 80 éléments et n’ont eu que 15 minutes pour commettre leur forfait.
« Les enquêtes ont tellement évolué depuis 2h30 de ce mercredi, la prison centrale de Butembo a été attaquée effectivement par les terroristes ADF/MTM qui sont venus de la vallée de Mwalika jusqu’ici à Butembo. Ils étaient aidés par leurs supplétifs pour mener leurs opérations qui consistent à recruter par force. (Il y a peu), l’ennemi voulait s’attaquer dernièrement à la prison de Kangbayi à Beni, nous avons mis des dispositifs pour déjouer cela. Malheureusement l’ennemi a changé l’option, parce que tous les ADF arrêtés à Beni ont été transférés dans d’autres provinces, il n’y a aucun ADF à Beni. Malheureusement, l’ennemi a eu cette information, a changé l’option, a jugé bon de venir s'attaquer à la prison de Butembo pour récupérer un certain Kizito qui était déjà ADF connu et arrêté ici. Mais, aussi 12 femmes des ADF qui étaient ici dans un processus d'être évacuées ailleurs. Malheureusement dans cette opération de 15 minutes, nous sommes intervenus avec retard. L'ennemi était lourdement armé et avec un effectif de plus de 80 éléments qui ont opéré. Ils ont réussi à casser la porte de la prison et à faire évacuer les prisonniers », a précisé le capitaine Anthony Mualushayi, dans un entretien avec la presse de Butembo.
Il avance un bilan de huit morts dont cinq assaillants, deux policiers parmi les forces de sécurité qui montaient la garde et un civil évadé tué par les assaillants pendant qu’il résistait de transporter le butin.
« Il y a eu deux policiers qui sont morts qui étaient de garde. Il y a (seulement) l’effectif de l'ennemi qui ne permettait pas aux services de permanence de faire face le plus longtemps possible. Le renfort est venu avec retard, après 15 minutes, et l’ennemi qui savait bien que l’armée et la police allait envoyer les renforts dans 15 minutes n’a pas trainé », regrette le capitaine Anthony Mualushayi qui ajoute que l’armée a toutefois capturé deux assaillants et récupéré trois armes du type AK47 et plusieurs des munitions.
Plus de 800 évadés
A en croire Jean-Baptiste Musayi, président de la société civile de la commune de Vulamba dans laquelle se trouve la prison de Kakwangura, sur les 874 détenus enregistrés la veille, 822 se sont évadés.
Seuls 52 prisonniers ont répondu à l’appel après l’évasion dont 27 détenus militaires et 25 civils, à en croire cet activiste, également coordonnateur d’une ONG de défense des droits de l’homme, habituée à faire le monitoring à Kakwangura. Jusqu’à la mi-journée, l’armée congolaise a annoncé avoir arrêté au moins 115 évadés.
Dans les quartiers périphériques, les habitants sont vigilants. Trois jeunes gens qui faisaient partie de ceux qui ont attaqué la prison centrale de Butembo ont été lynchés par la population à Mumole, dans le quartier Kalemire, ramenant à onze le nombre de morts à la suite de cette attaque spectaculaire.
Ces indices de la thèse ADF
Avant la confirmation de l’armée congolaise, les observateurs redoutaient déjà que l’attaque soit menée par des éléments des Forces démocratiques alliées (ADF). Ils avançaient entre autres indices : les témoignages des rescapés et détenus capturés, la trajectoire empruntée par les assaillants après le forfait, leur composition et mode opératoire.
S’agissant des témoignages des évadés, à l’entrée de commando dans l’enceinte de la prison, ils ont pris langue avec un des détenus qui se réclamaient auprès de ses codétenus comme étant un élément ADF. « Il a été libéré et d’autres ont suivi », a-t-il affirmé.
Concernant la composition de l’équipe des assaillants, « parmi eux ils y avaient des femmes et des enfants », comme il en a toujours été le cas chez les ADF, affirme un évadé.
En ce qui est de la trajectoire empruntée par les assaillants, l’axe Mutsanga-Vuhira-Mavono situé à l’est de Butembo, permet de rejoindre le Graben d’Isale où opèrent les ADF, notamment dans le parc national des Virunga, alors que les groupes Mai-Mai les plus actifs aux alentours de Butembo sont basés dans la région de Butuhe ou sur l’axe Butembo-Manguredjipa, respectivement au Nord-ouest et à l’ouest de Butembo.
Au sujet du mode opératoire, ils ont pillé et enlevé à leur passage, comme le font les ADF, là où des miliciens Mai-Mai du Grand-Nord-Kivu qui vivent généralement avec les habitants dans des villages, se serait limitée à l’attaque de la prison, n’ayant pas des bases où garder les otages.
Claude Sengenya