La CPI célèbre ses 20 ans avec l'Ukraine en point de mire

Bâtiment de la CPI/Ph. Droits tiers

La Cour pénale internationale (CPI) célèbre vendredi son vingtième anniversaire, marqué par la guerre en Ukraine qui lui donne un nouvel élan après deux décennies de critiques et de controverses.

Un maigre bilan de cinq condamnations a terni l'image de la CPI, dont le traité fondateur --le Statut de Rome-- est entré en vigueur le 1er juillet 2002.

Mais en tant que seule juridiction permanente au monde pour des accusations graves telles que génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, elle reste la juridiction de dernier recours pour des pays qui ne veulent ou ne peuvent pas juger eux-mêmes les suspects.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie fin février a fait prendre conscience à la communauté internationale de l'importance de l'Etat de droit, estime Karim Khan, le procureur de la CPI, qui siège à La Haye, aux Pays-Bas.

"Si nous ne nous en tenons pas à la loi aujourd'hui, je pense qu'il y a très peu d'espoir pour qui que ce soit demain", affirmait M. Khan à l'AFP en mai.

"Cette prise de conscience croissante est encore plus prégnante en raison des événements du 24 février et des événements en Ukraine – et je pense qu'il était grand temps", a-t-il ajouté.

La cour organise une conférence vendredi pour célébrer son vingtième anniversaire, avec des prises de paroles notamment du président de la juridiction Piotr Hofmanski et du procureur. La cour promet des "réflexions sur la manière dont la CPI a répondu aux attentes".

Et ces attentes ont toujours été élevées.

- "Objectifs nobles" - La juridiction est le successeur du procès de Nuremberg qui a jugé les crimes nazis après la Seconde Guerre mondiale, lorsque le nouvel ordre international d'après-guerre était en quête d'un idéal de justice mondiale.

Les tribunaux sur les guerres en ex-Yougoslavie dans les années 1990, le génocide rwandais en 1994 et le conflit en Sierra Leone ont également jeté les bases d'une cour permanente à La Haye. 

Le Statut de Rome a été signé en 1998, avec une entrée en vigueur quatre ans plus tard. Mais la CPI n'a depuis obtenu que cinq condamnations, tous des rebelles africains, et aucun chef de gouvernement.

"En considérant l'héritage de la CPI à la lumière de ses nobles objectifs, les résultats sont négligeables", a déclaré à l'AFP Thijs Bouwknegt de l'Institut NIOD pour les études sur la guerre, l'Holocauste et le génocide.

L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo a été innocenté, l'ancien vice-président de la République démocratique du Congo Jean-Pierre Bemba acquitté en appel et les poursuites à l'encontre du président kenyan Uhuru Kenyatta ont été abandonnées.

Tout aussi préjudiciable est l'absence de certaines grandes puissances. Les États-Unis, qui ont signé le Statut de Rome en 2000 mais ne l'ont jamais ratifié, ont parfois été activement hostiles, sanctionnant même la cour pour son enquête en Afghanistan.

La Chine, Israël, la Birmanie et la Syrie se sont également tenus à l'écart, de même que la Russie, qui aurait même envoyé un espion se faisant passer pour un stagiaire pour influencer l'enquête de la CPI sur l'Ukraine.

- "Armageddon" - Les critiques sont "justes" mais la CPI a également apporté une "contribution significative", souligne Victoria Kerr de l'Institut Asser de droit international et européen.

"La CPI n'est pas une panacée et son efficacité ne doit pas être mesurée uniquement sur ses condamnations", a-t-elle déclaré à l'AFP.

De nouvelles enquêtes ont ces dernières années été ouvertes sur certains des conflits les plus contestés au monde, notamment Israël-Palestine, l'Afghanistan, la Birmanie et les Philippines.

Son enquête en Ukraine donne une chance à la CPI de prouver ses pouvoirs. Et le soutien imminent de 43 Etats à cette enquête nétait "pas simplement dû à ce qui se passe en Ukraine", estime Karim Khan.

"Voir le droit international comme un menu à la carte parmi lequel les Etats peuvent choisir", cela mènerait tout droit à "l'Armageddon", a-t-il déclaré à l'AFP.

AFP avec ACTUALITE.CD