Living Peace Institute (LPI), Men Engage et la League internationale des femmes pour la paix et la liberté ont présenté, le 23 juin à Kinshasa, les résultats d’une étude sur les masculinités militarisées menée en République Démocratique du Congo (RDC). L’objectif de ce sondage était notamment d’identifier la perception, l’expérience ainsi que les pratiques des hommes puissants, des militaires et des civils en société.
Cette étude a été mise en œuvre entre septembre et octobre 2021 dans l’est de la RDC et entre octobre et novembre de la même année à Kinshasa. Au nombre des participants, on compte des militaires hommes basés dans un camp militaire de Goma et des ex-combattants hommes basés à Saké, un village situé à 27 kilomètres de Goma ainsi qu’en Ituri.
A Kinshasa, les personnes interviewées étaient des hommes politiques, des chefs des confessions religieuses, des chefs traditionnels, des hommes chefs de famille, contactées dans leurs lieux de travail ou dans des endroits fixés par les interviewés eux-mêmes.
Tous les participants avaient été exposés à diverses formes de violence militarisée, à la guerre, aux attaques violentes des groupes armés mais aussi à la criminalité ainsi qu’à diverses formes de violence domestique. Etant donné la grande diversité des contextes de la masculinité militarisée dans le pays, des efforts notables ont été déployés dans trois zones afin de s'assurer que cette étude reflète, autant que possible, toute la variété des composantes ciblées.
Les résultats de l’étude ont démontré notamment que les masculinités militarisées sont construites en interaction avec des facteurs sociaux, culturels, psychologiques, économiques et politiques. Les hommes ne naissent pas violents, mais sont éduqués à manifester leur masculinité en utilisant la violence pour survivre aux divers traumatismes (pauvreté, impunité et exploitation multiforme) causés par la violence structurelle. Ainsi, des militaires le sont devenus en rejoignant l'armée pour recouvrir le respect dû à leur dignité généralement bafouée. Des combattants se retrouvent dans des groupes armés pour exprimer leur colère et leur révolte ; bref, ce sont des déçus qui s'engagent dans la violence en réaction aux injustices de la société.
Un terme qui choque
Au cours de la cérémonie de présentation des résultats, des participants, pour la plupart des militaires et policiers, ont interrogé les trois organisations sur de l’origine du terme « militarisé ». Ils fustigent le fait que cela envoie une image négative des éléments de la Police Nationale Congolaise (PNC) ou des Forces Armées (FARDC).
« C’est une nouvelle approche en RDC. Le terme militarisé choque mais il n’a aucun lien avec les armes. Les masculinités militarisées renvoient à l’usage du pouvoir pour imposer le contrôle et la domination sur ceux qui sont vulnérables ou des subalternes. Elle s’ajoute à la masculinité toxique ou négative qui est basée sur un préjugé qui estime que l'homme serait supérieur à la femme du fait que, selon les Ecritures Saintes, l'homme a été créé avant la femme. Elle s’oppose à la masculinité positive qui aide à réduire les inégalités entre les sexes », a expliqué Annie Matundu, présidente de WILPF
Emmanuella Kavugho Vasikya, secrétaire exécutif de Men engage (Les hommes s’engagent en français ) a souligné que le travail de sensibilisation va se poursuivre. « Dans men engage nous travaillons sur les hommes et les femmes dans la transformation des normes sociales. Nous voulons amener des hommes à devenir les agents du changement. Après cette collaboration avec wilfp RDC et living Peace, nous allons continuer à travailler afin de changer les hommes en arrivant à comprendre qu’ils doivent jouer un rôle très capital dans l'égalité de sexe. Nous continuons aussi à mener des campagnes de sensibilisations sur terrain surtout dans des familles parce que c'est là que commence le problème. Nous devons apprendre ce changement des normes dès le bas âge », a-t-elle dit.
En termes des recommandations, les trois organisations proposent au gouvernement de la RDC, de notamment rendre les hommes et les masculinités militarisées visibles pour faire progresser la paix féministe, de deconstruire les masculinités militarisées, de lutter contre la transmission intergenerationnelle des traumatismes et des conflits ethniques ainsi que d'œuvrer pour la création d'un environnement sûr et propice avec des limites sûres. Tous ces points sont inscrits dans une note de plaidoyer commun.
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Grâce Guka