Acquittement de Vital Kamerhe : des Kinois divisés entre "dossier politique" et "Etat de droit"

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Les habitants de Kinshasa se sont exprimés sur l'acquittement, ce jeudi 23 juin, de Vital Kamerhe, ancien directeur de cabinet de Félix Tshisekedi et  Samih Jammal, entrepreneur libanais, tous deux  condamnés en 2020 à 20 ans de prison pour détournement de près de 50 millions de dollars. Cet argent était destiné à la construction des maisons préfabriquées dans le cadre du programme  dit "100 jours".

Au lendemain de cette décision de la justice, les avis divergent à l'intérieur tout comme à l'extérieur du pays. À Kinshasa, les uns se désintéressent alors que les autres saluent cette décision, celle d'acquitter Vital Kamerhe "faute des preuves".

Comme la plupart des personnes interrogées, un homme adulte, âgé d’une soixantaine d'années, refuse catégoriquement de commenter le sujet. Pour lui, c'est une affaire purement politique : « Ils connaissent ce qu'ils font. Ils l'ont arrêté et maintenant ils l'ont relâché.  De quoi nous nous mêlons ? J'ai suivi le procès. Et maintenant, ils disent qu'il n'avait pas détourné de l'argent. Pourquoi ils l'ont acquitté ? C'est à eux de nous répondre ».

Une cinquantaine révolue, Paulin Kakwala, estime que l'arrestation du leader de l'Union pour la nation congolaise (UNC) était le fruit d'un complot de la part de l'entourage de Félix Tshisekedi et de ses alliés, transfuges du FCC de Joseph Kabila.

« Son arrestation relevait d'une mauvaise foi de ses ennemis. Ils ont tout fait pour le salir. Je ne vois aucun mal en Kamerhe. Ce sont les gens de Félix et de Kabila qui ont conspiré contre Kamerhe pour le jeter en prison et l'éloigner de la scène politique congolaise. Kamerhe n'avait pas volé », a-t-il dit, d'un ton ferme.

Se réclamant juriste, le jeune Élie Wazuma partage le point de vue de la Cour d'appel de Kinshasa/Gombe, qui déclare n'avoir pas des preuves de détournement de plus de 50 millions de dollars américains par Kamerhe et ses coaccusés.

« Le parquet n'a pas su démontrer du début à la fin du procès comment Vital Kamerhe avait détourné l'argent. C'est pourquoi, la nouvelle chambre qui a examiné l'affaire  a trouvé le dossier vide, d'où la nécessité d'acquitter purement et simplement Kamerhe, l'innocent », a dit Elie.

Ce verdict en appel est aussi commenté  en fonction de "l'Etat de droit " prôné par le régime en place.

Pour Marcel Sukisa, la décision de la Cour d'appel ne relève pas de la pression politique, mais plutôt du "bon droit".

« Pour moi, il n'y a pas une main noire. Le juge d'appel, dans cette nouvelle composition, a dit le bon droit. C'est ça aussi l'Etat de droit. Quand il y a condamnation, on applaudit. On fait de même quand il y a acquittement », a-t-il commenté.

Et d'ajouter :

« Nous avons marqué un pas. Dans les anciens régimes, un directeur de cabinet du chef de l'État, un ministre ou d'autres personnes en cravate n'ont jamais été inquiétés pour quelque motif que ce soit. Depuis la prise du pouvoir par Félix Tshisekedi, tout le monde peut passer quelques jours en prison. Mais il y a encore beaucoup à faire parce que nous voyons que ces gens-là sont arrêtés, graciés puis libérés par après », a-t-il déploré.

Une jeune dame, sous l'anonymat, revient sur le rôle politique que peut jouer Kamerhe dans un contexte de résurgence des hostilités entre le M23 et les FARDC dans l'Est de la RDC : « Kamerhe est originaire de l'Est. Il connaît très bien la situation dès sa genèse. Si Félix le réintègre dans son équipe, il sera d'une grande efficacité. Il va apporter un plus », a-t-elle  déclaré.

Ancien directeur de cabinet de Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe a été condamné à 20 ans de prison le 20 juin 2020 pour détournement des deniers publics. Cette peine a été réduite  à 13 ans  en appel, le 16 juin 2021. Le 11 avril 2022, la Cour de cassation avait annulé l'arrêt de la Cour d'appel condamnant Kamerhe à 13 ans de prison pour "violation du droit de défense".

Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe avaient formé une coalition appelée "Cap pour le Changement" (Cach) avant les élections de  2018. Le patron de l'UNC avait désisté aux élections présidentielles en faveur de son partenaire.

Bruno NSAKA