Des massacres en plein état de siège : pour le gouverneur militaire de l’Ituri, les miliciens profitent des enjeux pour chercher à faire entendre leurs voix à travers des attaques contre des civils

Lieutenant-général Johnny Luboya, gouverneur militaire de l'Ituri
Lieutenant-général Johnny Luboya, gouverneur militaire de l'Ituri

En réaction à la question de savoir si pourquoi les massacres se poursuivent encore alors que ça fait une année déjà depuis que l'état de siège a été instauré dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, le gouverneur militaire de l'Ituri, le lieutenant général Johnny Luboya Nkashama, estime que chaque fois qu’il y a des grands enjeux ou des grands rendez-vous, ce sont souvent à ces périodes là que les miliciens préfèrent opérer.

L'objectif poursuivi par les miliciens, d'après son constat, est de faire entendre leurs voix et dire aux autorités compétentes que vous ne pouvez rien faire sans eux.

« Ça fait une année depuis que nous sommes là. Et nous avons observé une chose, c'était chaque fois qu'il y a des enjeux, vous voyez qu’il y a encore montée un peu des massacres. Aujourd'hui, on parle de la table ronde, on parle des rencontres de Nairobi. Vous savez, en tant que militaire dans la stratégie, on n’attaque pas n'importe comment. Le moment, c'est quelque chose d'essentiel. Pourquoi ces gens-là choisissent-ils ce moment pour attaquer ? C'est pour ça que moi, je dis c'est face aux enjeux, qu’ils ont un message à faire passer. Ils veulent peut-être dire vous n'irez nulle part sans nous et qu'il faut nous intégrer dans vos discussions et que si vous nous laissez à côté nous, pouvons faire davantage faire du mal. C’est ce que moi, j'ai observé », s'est-il justifié devant la presse mercredi 17 mai à côté de Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement.

Pour lui, pendant l'état de siège, il n'y a pas que de négatif. Il y a également des avancées qui ont été enregistrées, soutient-il.

Il a également expliqué la situation réelle de l'attaque  d'une mine qui avait occasionné la mort de près de 60 personnes dans sa province dans la nuit du 8 au 9 mai 2022.

« (…) Il y a eu aussi ce problème où ils sont en train de se disputer la gestion des mines (deux groupes armés, ndlr). Ce qui s’est passé la dernière fois à Puto, c’est que nous avons suivi ce qu’il y a un temps cette mine appartenait à un Monsieur de la communauté Lendu et qu'après, elle a changé de propriétaire et que donc c'était le groupe ZAÏRE qui s'y était installé toujours parce que ce groupe ZAÏRE ne s'est pas installé il y a deux ou trois jours, vous vous rappellerez il y a un ou deux mois, il y a eu un commandant je ne sais pas s'il faut parler qu'il a été un peu distrait, il y a eu ce groupe-là qui s'était même approché de Mungalu et la réaction a suivi, ces hommes-là sont rentrés et ont continué à contrôler cette mine-là. Et voilà que les Codeco sont venus pour les chasser. Ils sont arrivés la nuit, ils ont commencé à opérer à 3 heures du matin jusqu'à au moins 5 ou 6 heures. La question que la plupart des gens se posent, c’est que comment ces gens-là pouvaient opérer, comment est-ce que nos hommes n'ont pas pu intervenir … C'est tout simplement parce que la nuit vous intervenez, si vous n'avez pas la vision de nuit, vous allez intervenir, vous allez causer encore davantage des morts, je vous ai dit que ces gens-là (Codeco) se connaissaient, ce sont les enfants du quartier, ils connaissent qui est qui mais nos hommes, c'est très difficile d'arriver la nuit et de commencer à traiter l'ennemi et donc voilà pourquoi est-ce que nous avons eu autant des morts ».

L'est de la République Démocratique du Congo fait face à l'insécurité causée par les groupes armés locaux et étrangers depuis maintenant près de 20 ans. Pour y remédier, le Chef de l'État Félix Tshisekedi et son gouvernement avaient décidé de proclamer l'état de siège en Ituri et au Nord-Kivu. À la suite de cette proclamation, il y a eu la mise en place de la mutualisation des forces armées de la République Démocratique du Congo et de l'armée Ougandaise.

À l'heure actuelle, ces mesures d'après certains élus du coin et populations concernées, ces mesures n'ont pas donné des résultats escomptés. Après avoir reçu un rapport du gouvernement sur l'état de siège, le Chef de l'État Félix Tshisekedi a annoncé la tenue bientôt d'une table ronde sur l'avenir de cette mesure d'exception.

Clément MUAMBA