Conseil d'Etat : toujours pas de solution pour aboutir à la sanction des magistrats condamnés en prise à partie

Félix Vunduawe te Pemako, Premier Président du Conseil

Le professeur Noël Botakile, directeur de cabinet du premier président et porte-parole du Conseil d'Etat, s'est exprimé sur la situation actuelle des six magistrats de cette instance judiciaire condamnés dans la procédure de prise à partie. Au cours d'une conférence de presse tenue samedi 30 octobre dernier, M. Botakile a relaté le déroulement de la procédure depuis la décision de condamnation jusqu'à la difficulté rencontrée dans la démarche en vue d'aboutir à la sanction effective de ces magistrats.

« À l'issue des contentieux électoraux des élections provinciales de 2018, six de nos collègues magistrats du Conseil d'Etat ont été condamnés en prise à partie. Et lorsque vous êtes condamné en prise à partie, il y a deux effets majeurs. Les actes encourus posés par ces magistrats sont annulés et on revient aux dernières décisions qui étaient réformées ; mais ensuite la prise à partie a un autre effet et c'est ça qui nous occupe à ce jour : c'est d'envoyer ces magistrats en procédure de révocation d'office. Et la procédure de révocation d'office s'opère par la notification de l'arrêt de condamnation au Conseil Supérieur de la magistrature qui conformément à la loi, par simple constatation, vérification, envoie l'arrêt intervenu au Président de la République pour son ordonnance de révocation des magistrats condamnés », a-t-il raconté.

Et de poursuivre : « Alors, il s'est fait que dans l'entre-temps, la Cour constitutionnelle, revenant sur  son arrêt de conformité à la constitution de la loi-organique sur le statut des magistrats, a dit oui la prise à partie, oui la révocation d'office mais pas par simple constatation parce que la simple constatation ne permet pas aux magistrats condamnés de bien se défendre, de bien exercer leurs droits de la défense et que de ce point de vue, cette procédure de révocation d'office n'est pas conforme à la constitution. Alors est-ce que cet arrêt de la Cour constitutionnelle a été notifié au Parlement, Président de l'Assemblée nationale, Président du Sénat, au Président de la République pour que le législateur organique puisse réécrire cette disposition de manière à permettre à définir ce que doit être les effets de la prise à partie s'agissant de la révocation d'office ? C'est une des questions que le Conseil d’Etat a posées au Président du Conseil supérieur de la magistrature. On attend la réponse. Si tel n'est pas le cas, quelle est la suite à donner ? Évidemment au niveau du Conseil supérieur de la magistrature on a pensé que la procédure de révocation d'office après la condamnation de prise à partie pouvait être transformée en procédure disciplinaire. Le Conseil d'État ne partageait pas cet avis. Le Président du Conseil supérieur de la magistrature s'en est remis aux chambres nationales de discipline qui malheureusement, dans le cadre de gestion de ce dossier, ont dit irrecevable telle action disciplinaire venant d'un tel organe, le Président du Conseil Supérieur, surtout qu'au niveau de la juridiction il n'a pas été ouvert une procédure disciplinaire en bonne et due forme avec des procès-verbaux. Donc cette action est irrecevable. L'irrecevabilité d'une action disciplinaire dans ces conditions, ramène donc la procédure à l'état de départ »

Le professeur Botakile a déclaré que les magistrats condamnés sont sous les effets des mesures conservatoires en attendant la fin de ce dossier. Il a aussi exprimé son souhait de voir cette affaire vidée et que ses collègues soient fixés sur leurs sorts.

« J'espère qu'au niveau du bureau du Conseil supérieur de la magistrature, ils vont soumettre le dossier pour trouver une suite idoine parce que nos collègues doivent être fixés sur la suite de la condamnation qui leur est arrivée à la suite de la procédure de la prise à partie. Parce que si ça doit être transformé en action disciplinaire, il faut que cette action commence au niveau de la juridiction et c'est la juridiction qui pourrait en ce moment-là, envoyer les procès-verbaux y afférents pour la saisine des chambres nationales de discipline, ce qui n'a pas été fait. Et le faire par le Conseil supérieur, le juge disciplinaire a dit que ça ne se passe pas comme ça, c'est irrecevable. Donc on attend que le bureau du Conseil supérieur de la magistrature, soit lève une option, probablement en s'appuyant sur les avis consultatifs du Conseil d'Etat pour la suite à donner, soit envoie le dossier au Président de la République qui est le garant du fonctionnement des institutions. Il verra quelle attitude prendre en tenant compte de l'arrêt de la Cour constitutionnelle intervenu. Et pendant ce temps, les collègues sont sous des mesures conservatoires pour l'intérêt de la juridiction. J’espère pour eux que les solutions interviendront trop vite parce que je ne voudrai pas être à leur place ».

La prise à partie est une procédure qui permet à une partie lésée par une décision judiciaire de s'attaquer aux magistrats qui l'ont rendue pour cause de dol, de concussion ou de déni de justice, en vue de favoriser l'adversaire. Le dol dont il est question consiste à une erreur grossière de droit que peut commettre un magistrat pour favoriser une partie, alors que la concussion est le fait de recevoir, d'exiger de recevoir des avantages indus. Il y a par contre déni de justice lorsqu'un magistrat refuse de procéder aux devoirs de sa charge ou refuse de juger une affaire en état. Outre les sanctions dans le chef du magistrat qui fera l'objet d'une condamnation en prise à partie, les effets sont l'annulation de la décision contestée et la condamnation de l'Etat aux dommages-intérêts en tant que civilement responsable.

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