La question de la sorcellerie trouble l’ordre public. Que doit faire le droit face à ce problème ?
La Professeur Bayona ba Meya écrivait à ce sujet que « la sorcellerie est une préoccupation vraiment sociale, car il ne se passe un mois sans qu’on ne signale soit la chute d’un sorcier dont l’avion aurait connu une panne sèche, soit le contrat tragique dans les écoles de l’initiation des petits enfants à la sorcellerie par la consommation d’un morceau de pain ou d’arachides qui, dans la bouche se transforme en morceau de viande humaine ».
La croyance à la sorcellerie et au moyen de s’en protéger est évidemment improuvable par la science, c’est une question de croyance et d’opinion libre. Il est évidemment impossible de prouver que la foudre qui a tué monsieur X ou le chien enragé qui l’a mordu ou encore le cancer qui le mine ont bien été envoyés par son oncle maternel, même si cet oncle maternel le reconnait par un aveu libre ou judiciaire.
La sorcellerie peut être définie comme la détention consciente par une personne d’un pouvoir surnaturel ayant recours à des maléfices et à des pratiques susceptibles de nuire aux personnes, à leur vie, à leur santé physique ou mentale, à leurs biens ou à leur fortune.
La sous-commission de la législation et des réformes administratives de la Conférence Nationale Souveraine avait reconnu qu’on peut tuer ou causer le mal par envoûtement. Cependant, la sous-commission avait estimé que la preuve demeure difficile à rapporter et a conclu qu’il était prudent de ne pas légiférer, mais plutôt préférable de recourir aux textes existants sur le meurtre, l’assassinat, les pratiques barbares, les épreuves superstitieuses, etc, pour sanctionner l’auteur des atteintes par le moyen de la sorcellerie.
Il y a, en effet, trois raisons pour lesquelles les magistrats congolais restent attentistes face au problème de la sorcellerie : le droit congolais est un droit fondé sur des principes positivistes qui sont :
- La légalité des délits et des peines ;
- La matérialité des faits ;
- La matérialité de preuve.
Si un fait ne répond pas à ces conditions, il va être classé sans suite par le magistrat instructeur du parquet, ou bien le juge recherchera des textes voisins existants.
Le droit congolais a la particularité d’être un droit dualiste : droit écrit et coutumier. L’ordonnance de l’Administrateur général au Congo du 14 mai 1886 dispose que quand la matière n'est pas prévue par un décret, un arrêté ou une ordonnance déjà promulgués, les contestations qui sont de la compétence des tribunaux du Congo seront jugées d'après les coutumes locales, les principes généraux du droit et l'équité. Lorsque la décision du litige entraîne l'application d'une coutume locale, le juge pourra prendre l'avis d'un ou plusieurs indigènes ou non-indigènes, choisis parmi les notables les plus capables. Le principe de la légalité paraît donc la limite à la poursuite des faits de sorcellerie en droit positif congolais. S’il existe des faits auxquels la coutume attache les peines et qui ne sont pas repris par les textes, le code pénal en l’occurrence, on va recourir aux administrations coutumières.
Cependant, s’il est vrai que le droit pénal congolais ne réprime pas les faits de sorcellerie faute de preuve matérielle, toute personne qui en accuse une autre ou qui la traite de sorcier peut être poursuivie et condamnée pour imputations dommageables.
Grâce Muwawa L.
Desk Justice