C'est comme un jeu de ping-pong entre l’armée et les députés provinciaux du Nord-Kivu au sujet des résultats de l’état de siège, plus de 100 jours après. Au cours d'une émission spéciale animée lundi 16 août 2021, sur la radio des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) à Beni, sous le thème : « Que cache la guerre médiatique déclenchée par un groupe des députés provinciaux du Nord-Kivu ? », le porte-parole du gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général de brigade Sylvain Ekenge, a déploré le comportement de certains élus provinciaux qui continuent de critiquer « l’inefficacité » de l’état de siège au regard de ses résultats peu probants sur le terrain.
« Les députés sont autorisés à se prononcer. La libre expression est autorisée mais quand vous marchez à l'encontre de la recherche de la paix, vous marchez à l'encontre de l’état de siège qui recherche la paix, c'est que vous êtes contre la paix et que vous êtes pour ceux qui tuent, ceux qui égorgent, ceux qui amènent l’insécurité dans cette partie de notre pays », a fait savoir le général Sylvain Ekenge.
Ce responsable de l’armée a formellement menacé de « neutraliser » les députés qui continueront de critiquer l’état de siège.
« Pour les députés, la meilleure façon de les neutraliser, c'est de les appréhender et les mettre devant les juridictions militaires pour qu'ils subissent la rigueur de la loi et on va le faire. J'ai déjà annoncé qu’à partir de maintenant, ils seront interpellés, entendus, jugés et condamnés. Je vous informe, ils ont des intérêts cachés », a-t-il ajouté, tout en accusant : « Ce sont ces députés-là qui entretiennent les groupes armés. Ce sont ces députés-là qui sont de connivences avec les ADF ici ».
Dans une déclaration rendue publique ce mardi 17 août 2021, une vingtaine de députés provinciaux du Nord-Kivu se sont dits « profondément préoccupés par la faiblesse des résultats des opérations militaires 100 jours après la proclamation de l’état de siège au Nord Kivu, faiblesse marquée par la poursuite des massacres des populations civiles (…) avec un bilan de 440 civiles tuées, plus de 25 véhicules incendiées, plus de 10 motos calcinées, plusieurs villages vidés de leurs habitants ».
Ils ont à ce sujet soutenu la délimitation de l’état de siège dans les zones gravement affectées dont Beni au Nord-Kivu et Irumu en Ituri.
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Les députés provinciaux du Nord-Kivu recommandent aux FARDC de se concentrer sur les opérations contre les groupes armés étrangers tels ADF et FDLR et les milices locales, et de s’abstenir de s'attaquer aux représentants du peuple.
« Aucun des députés, nationaux ou provinciaux soient-ils, n’ayant été, jusqu’à ce jour, ni jugé ni condamné pour soutien avéré aux groupes armés, invitons quiconque de cesser de ternir l’image des Honorables députés par des propos diffamatoires. Il doit en être ainsi des collaborateurs du gouverneur militaire qui doivent cesser de tenter de justifier les faiblesses des résultats des opérations militaires sur des députés qui jouissent de la présomption d’innocence. Sous réserve des actions en justice, faisons, de ce fait, une sévère mise en garde à quiconque tenterait, par quelques voies que ce soit, d’accuser sans preuve les Honorables députés d’association aux groupes armés », ont déclaré les députés provinciaux du Nord-Kivu.
Et d’ajouter : « Exigeons du gouverneur militaire du Nord-Kivu d’ordonner à ses collaborateurs de cesser, dès ce jour, les intimidations déraisonnables et des menaces à l’endroit des élus légitimes qui, en tant que représentant du peuple, avons droit à un minimum de respect par les services de sécurité, l’état de siège ne nous ayant pas détaché de notre qualité d’élus légitimes du peuple ».
Les députés provinciaux du Nord-Kivu ont enfin invité le Président de la République à reconsidérer l’ordonnance décrétant l’état de siège en vue de sa requalification sous un format capable de produire des résultats rapides sur le terrain et de favoriser la consultation populaire avant toute prolongation.
Instauré depuis le 6 mai 2021, l’état de siège a pour but de restaurer la paix et la sécurité dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Et pour y parvenir, les autorités civiles ont été remplacées par les autorités militaires et policières.
Jonathan Kombi, à Goma