RDC/Affaire Wifi et syllabus dans les universités : du show sans réelle solution ?

ACTUALITE.CD

Premier couac du Gouvernement de l’union sacrée de la nation ? Pas évident qu’il s’agisse d’un succès. En moins d’une semaine, une série de communications stratégiques manifestement en déficit de cohérence.

Le 04 mai 2021, le nouveau Ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire a, au cours d’une visite (de travail ?) à l’ISC, instruit, en plein speech devant les étudiants tout fougueux, « les autorités académiques d’en finir avec la vente des syllabus », peut-on lire sur son compte tweeter. Le lendemain, sa décision est publiquement récusée par le Chef de l’Etat qui, au cours d’une adresse en lingala à l’UPN, promet d’installer gratuitement la connexion internet dans les établissements universitaires et, ensuite, de mettre fin à la vente de syllabus. Pire. Les professeurs sont reprochés de traiter les étudiants comme des vaches à lait.

Il faut attendre le Conseil des ministres du 07 mai pour en savoir davantage. Dans son compte rendu, il est annoncé qu’« Après la visite qu’il a effectuée le mercredi 5 mai 2021 dans quelques universités et instituts supérieurs, et pour répondre aux doléances des étudiants, le Président de la République a demandé au Ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire de mobiliser des moyens à mettre à disposition des professeurs pour faciliter la production des syllabus. » Il en ressort de ce show aucune réelle solution aux problèmes du secteur.

De l’imbroglio. Quelle est la marge de manœuvres dont dispose le très modique budget de l’ESU pour « mobiliser des moyens à mettre à disposition des professeurs (…) » ? Pourquoi le Conseil des ministres n’a-t-il pas instruit les ministres en charge du budget et des finances de s’y pencher ? A quand cette mobilisation des fonds ? On n’en saura pas assez. Pour l’heure. De quoi ne pas rassurer. De la politique spectacle ? Peut-être un geste d’apaisement sollicité après avoir offusqué les professeurs devant leurs étudiants.  

Pour ma part, je tâche de proposer cette réflexion dans le seul but patriotique de contribuer à la résolution durable et efficace de la problématique mal posée de la vente de syllabus. En dehors des considérations juridiques. Problème mal abordé, solution inadéquate.

1.   Les universités congolaises dépourvues de bibliothèques

La qualité d’un établissement universitaire est fonction, entre autres, de celle de ses bibliothèques et laboratoires. La bibliothèque est d’autant plus importante qu’elle garantit l’accès au savoir scientifique, permet d'accompagner et de soutenir les activités d'enseignement et de recherche. Elle doit être ainsi renouvelée et enrichie à la vitesse de publications générales et spécifiques aux filières de chaque établissement.

Cependant, les établissements publics congolais n’ont de bibliothèque que de nom. Inutile de s’y attarder. Un secret de polichinelle. Le « wifi gratuit » promis aux étudiants est une bonne nouvelle. Mais il ne suffira pas pour résoudre le problème de fond. Il faille donc penser une politique de renforcement des capacités, d’enrichissement des bibliothèques et, surtout, de leur numérisation. Ainsi, l’enseignant pourrait sans coup férir élaborer le contenu de son enseignement, et orienter les étudiants à en approfondir les connaissances par des références bibliographiques facilement exploitables par ces derniers. Ce, sans perdre de vue l’obligation de respect du droit de propriété intellectuelle.

A cela s’ajoute la problématique de fonctionnement des établissements universitaires en butte à la « démission » du Gouvernement de la République, tenu pourtant de doter les universités et instituts supérieurs de moyens de leur fonctionnement pour la promotion de l’excellence. Il va sans dire que le Gouvernement a l’obligation de créer les conditions optimales d’enseignement, d’apprentissage et de recherche de haute qualité au sein des établissements de l’ESU. Hélas ! C’est donc au Gouvernement qu’incombe avant tout la responsabilité des abus, à dénoncer, sur la vente obligatoire des syllabus observée ci et là. Sans généraliser.  

  1. Le niveau moyen des étudiants congolais

Suite à l’incapacité du Gouvernement de s’acquitter pleinement de ses obligations à leurs égards, les universités et instituts supérieurs congolais sont devenus tous de masse. Rappelons-le : le fonctionnement et le paiement des primes de transport du personnel (académique, scientifique, administratif, technique et ouvrier) dépendent des frais académiques. Plus nombreux sont les étudiants, plus importante sera l’enveloppe destinée à supporter ces charges. Dès lors, les autorités académiques sont astreintes, malgré elles, à privilégier les considérations « économiques » liées à la survie du personnel. Ce qui nuit à la rigueur sur le rendement des étudiants.

Dans ce contexte, il s’observe de plus en plus une crise généralisée de la lecture dans les milieux estudiantins. Est-il ainsi garanti que le « wifi gratuit » servira (encore qu’il ne faille pas perdre de vue le droit de propriété intellectuelle) à l’accès avant tout aux documents du savoir scientifique ? Il y a à craindre que, si aucune mesure d’encadrement n’est prise, que ce wifi serve plus à la détente « inconséquente » des étudiants qu’à la recherche scientifique. De quoi empirer la situation.  

En outre, le niveau moyen des étudiants ne rassure pas quant aux aptitudes intellectuelles d’une bonne frange de consommer correctement et de comprendre aisément les ouvrages et autres documents placés sur les rayons des bibliothèques. Le syllabus pourrait ainsi toujours constituer un condensé de la littérature élaboré dans un style facilement consommable par les étudiants. Il est possible que les professeurs mettent en ligne leurs syllabus et en conditionnent l’accès par le paiement des frais. Le problème n’aura pas été résolu.

Il s’impose ainsi des réformes de divers ordres pour espérer sortir du marasme les établissements congolais, en vertu desquelles il y aurait lieu de programmer, s’il s’y dégage un consensus à ce propos, l’impertinence de la production des syllabus.    

  1. La précipitation, une mauvaise conseillère     

Le Programme du Gouvernement de l’Union sacrée de la nation prévoit, dans son Axe 51, l’« Organisation des états généraux de l’éducation, de la formation et de la recherche en vue de réformer le système de l’enseignement primaire, secondaire, supérieur et universitaire en impliquant les centres et instituts de recherche ». A cet effet, dans son « trop » ambitieux programme, à recentrer au mieux, le Gouvernement envisage notamment de « réhabiliter et/ou construire des infrastructures universitaires (auditoires, homes, laboratoires, bibliothèques, bureaux administratifs) ; poursuivre l’amélioration progressive des conditions sociales et salariales du personnel académique, administratif, scientifique, technique et ouvrier de l’ESU ; instituer le corps des inspecteurs de l’ESU pour un contrôle permanent de la qualité des enseignements dans les établissements de l’ESU ; moderniser et informatiser le système de gestion des établissements de l’enseignement supérieur et universitaire. »

Plutôt que de dresser l’état des lieux et de créer les meilleures conditions d’organisation des états généraux ainsi annoncés par le Premier Ministre, pour y poser les problèmes de fond du secteur et en discuter avec les sociétaires pour les solutionner, les autorités politiques ont opté pour de l’unilatéralité. Du reste, sans réelle solution. « L’erreur est humaine ; mais persévérer dans l’erreur (est) diabolique », dit-on. Il est important à cet effet de préconiser de la rigueur dans le processus décisionnel.

JJ MWENU