Préjugés, stigmatisation, discrimination, … des termes dont sont souvent affublées les femmes qui évoluent dans le domaine cinématographique en RDC. Déborah Bassa, gérante de Bimpa Production et réalisatrice, s’est fixée l’objectif d'inverser la tendance à travers la promotion des œuvres féminines. Elle se livre sans fard à la rédaction femme de ACTUALITE.CD.
Déborah Bassa, vous évoluez dans le secteur du cinéma en RDC. Pouvez-vous nous parler brièvement de vos activités ?
Deborah Bassa : je suis réalisatrice et j’évolue en même temps dans Bimpa production entant que gérante et productrice associée. Je gère toutes les activités de Bimpa Production. En tant que productrice associée, je travaille avec ma structure Ligne Verte, qui sera bientôt lancée officiellement.
Depuis combien de temps travaillez-vous en tant que réalisatrice ?
Deborah Bassa : je suis dans le secteur du cinéma depuis 7 ans maintenant. J’ai découvert que le cinéma congolais existait effectivement en 2013. Je pense même que si j’avais découvert ce secteur un peu plus tôt, je ne serais pas allée faire des études de journalisme.
Quelle est votre particularité dans le cinéma ?
Déborah Bassa : à travers Ligne verte, je travaille pour l’intégration d’un grand nombre des femmes dans le secteur du cinéma en RDC. J’accompagne des films produits ou écrits par des femmes. J’ai choisi de mettre beaucoup plus d’accent sur les femmes pour combattre les préjugés qui les entourent. Je veux promouvoir nos capacités dans ce secteur. Sans être féministe, j’accompagne principalement les femmes avec ma boite de production.
Qu'est-ce qui vous a motivé à intégrer le monde du cinéma ?
Déborah Bassa : en 2012 alors que j’étais en premier graduat, un ami m'a parlé d’un atelier programmé à l’institut français, animé par Clarisse Muvuba. J’y ai participé et à l’issue de l’atelier, nous avons réalisé le film Construction féminine. C’était une très belle expérience. J’ai ainsi continué avec d’autres formations qui se déroulaient à l’institut français et ailleurs. Il n’y a pas plus grand plaisir que d’être sur terrain, dans la production. Au-delà d’être un loisir, le cinéma c’est monter un dossier, aboutir à un résultat, autant des pages écrites et refaites et j’aime le fait d’apprendre en s’amusant.
Parlez-nous de vos productions. Qu'avez-vous déjà mis à la disposition du public ?
Déborah Bassa : j'ai réalisé deux courts métrages, le premier Harmonica, un documentaire de 13 minutes et une fiction de 24 minutes Awa. Le deuxième a fait des nombreux festivals et remporté des prix dont le meilleur prix International des films courts métrages. Il a récemment été sélectionné pour un festival à Madagascar.
Jusque-là, quel a été votre plus grand exploit ?
Déborah Bassa : je dirais que Awa est mon plus grand exploit. J’étais très sceptique pour me lancer dans la fiction. Le premier court-métrage que j’ai réalisé était un documentaire. J’avais beaucoup de doutes avant de me lancer dans la fiction. Finalement, j’ai trouvé des bonnes actrices, comme Starlette et Miriam, le tournage, la réalisation, tout s’est bien passé.
Quelles sont vos ambitions ?
Déborah Bassa : c’est de voir un maximum de femmes intégrer ce secteur. Je suis convaincue qu’elles vont faire bouger les lignes. Aujourd’hui par exemple, nous avons tenu une première réunion pour la Charte de l’Association des cinéastes et il n’y avait que deux femmes sur environs 50 participants.
Avez-vous rencontré des difficultés dans ce secteur ? Quelles stratégies avez-vous utilisé pour vous en sortir ?
Déborah Bassa : je n’ai pas rencontré beaucoup de difficultés depuis que j’ai intégré ce secteur. La première difficulté et celle que je rencontre très souvent, c’est le fait de paraitre très jeune pour certaines personnes lors des tournages. Mais, dans ce cas, je remets tranquillement mon interlocuteur à sa place.
Que pensez-vous de l'image de la femme dans le domaine du cinéma en RDC ? Nécessite-t-elle d'être améliorée ?
Déborah Bassa : certaines personnes pensent que la femme qui évolue dans le secteur du cinéma est trop exposée et légère. Qu’elle soit scénariste, actrice, réalisatrice ou productrice. Il y a aussi de ceux qui estiment que le ménage ou la maternité peuvent constituer un obstacle pour l’aboutissement d’un projet, tout cela est faux. En 2015, j’ai participé à l’organisation du CINEF (Cinéma au féminin), j’étais enceinte d’environ 9 mois et même un mois après l’accouchement, j’étais sur terrain. L’autre difficulté, c’est de se retrouver face à une personne qui ne sait pas faire la différence entre le personnel et le professionnel. Il y a aussi l’égalité des chances en matière d’emploi qui fait défaut. Les postes de direction sont rarement confiés aux femmes. Comment améliorer cette image, je pense qu’il faut une sensibilisation au respect des compétences des femmes. Aussi, la femme qui évolue dans ce secteur devrait adopter une certaine attitude, avoir des ambitions et travailler pour les atteindre. Je pense qu’aucun obstacle ne peut tenir devant une femme ambitieuse et déterminée.
Dans l'ensemble, quels sont les plus grands défis du cinéma en RDC ?
Déborah Bassa : le Congo devrait intégrer dans le programme scolaire, l’éducation à l’image ainsi que des notions du cinéma. A l’école primaire ou aux humanités, je n’ai jamais appris l’importance du cinéma, je ne savais pas qu’un pays pouvait vendre son image à travers le cinéma. C’est aussi ce qui fait que des grands évènements comme le FICKIN ne reçoivent pas un grand public congolais, parce que les gens ne s’y intéressent pas. A travers le cinéma, on éduque la population, on envoie des messages, on forme ou déforme la jeunesse. Si le Congo tient compte de tout cela, il va s’investir dans ce secteur. Il y a des pays qui gèrent aujourd’hui leurs économies grâce au cinéma.
Vous participez à l’organisation du FICKIN2020. Que réserve-t-il de particulier au public ?
Déborah Bassa : nous avons une très belle programmation. Au-delà de certaines perturbations, le Covid-19 nous a permis de mieux préparer cet évènement. Nous avons reçu des très bons films tant au niveau national qu'international. Le public, jeune ou vieux ne sera pas déçu!
Un dernier mot ?
Déborah Bassa : j’invite les femmes, les jeunes filles à venir découvrir le cinéma. Peut-être que cela va réveiller la curiosité de quelqu’un et lui permettre de se lancer dans ce secteur.
Deborah Bassa a également fait des études de journalisme à l’Institut Facultaire des Sciences de l’Information et de la Communication (IFASIC). Elle est épouse du producteur Tshoper Kabambi et mère de deux enfants.
Propos recueillis par Prisca Lokale