A l’heure où Samih Jammal souffre toujours en détention, dans un état de santé qui ne cesse de s’aggraver, le silence et l’inaction des autorités remettent dangereusement en cause l’efficacité et l’impartialité de la justice congolaise. Plus grave encore, au vu des informations fournies par son médecin et ses avocats, le traitement dégradant qui lui est infligé à la prison de Makala s’inscrit en de nombreux points dans les critères établis par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme pour définir un acte de torture.
Parmi les méthodes de torture recensées par Amnesty International, on note par exemple les conditions de détente inhumaine, la privation de soins médicaux et la prévention du sommeil… Ces différentes méthodes semblent correspondre au traitement infligé à l’entrepreneur libanais de 82 ans, à en croire les témoignages de ses avocats. Selon leurs récents communiqués, dont les informations concordent avec le diagnostic effectué par le Dr. Makaba, Samih Jammal qui souffrait déjà de difficultés à respirer et des douleurs musculaires aurait à présent contracté la tuberculose. S’ajoutent à cela des difficultés à s’alimenter et à se déplacer qui interrogent légitimement sur le traitement dégradant qui lui est réservé à Makala. En refusant à plusieurs reprises de le libérer pour qu’il bénéficie de soins hospitaliers appropriés, l’Etat congolais se rend en effet coupable de pratiques inhumaines pouvant relever de crimes contre l’humanité. La torture, ou tout autre acte inhumain portant atteinte à l’intégrité physique et à la santé physique ou mentale, sont reconnus comme tels dans l’article 7 du Statut de Rome qui définit les crimes contre l’humanité.
En plus de mettre en danger la vie d’un homme, toujours présumé innocent puisque la procédure en appel n’a pas encore abouti, de telles pratiques constituent un affront à l’histoire de notre pays. Le fait que Samih Jammal présente des traces de tortures morales (privation de sommeil, de soins, de repas) nuit gravement à l’image de la RDC sur la scène internationale. Il est donc urgent d’intervenir pour garantir à cet octogénaire un traitement juste et humain, d’autant qu’il n’est reconnu coupable d’aucun délit tant que l’instance d’appel n’aura pas statuer. Il en va de la crédibilité de la justice et des institutions de notre pays.
Si le nom de François Beya, le conseiller spécial du président en matière de sécurité, a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux comme un potentiel responsable de ce traitement particulièrement rude infligé à Samih Jammal, l’avenir permettra probablement de faire la lumière sur cette affaire. Qu’il s’agisse effectivement de M. Beya, ou de tout autre responsable potentiel, ces actes inhumains ne resteront pas impunis : la torture relevant du droit international, les avocats pourront agir dans 1 ans, dans 5 ans ou même dans 10 ans si l’Etat congolais se montrait incapable d’agir. Aucun crime ne doit rester impuni !
Par Élise Olombe, Avocate au barreau de Kinshasa