En dépit du décret signé le 30 décembre 2017 par l’ancien Premier-ministre Bruno Tshibala, interdisant la production, l’importation, la commercialisation et l’utilisation des sacs, sachets et autres emballages en plastique sur toute l’étendue de la RDC, la réalité sur le terrain est bien autre chose. Les usines de fabrication et les importateurs des sachets en plastique continuent d’exercer leur business tranquillement, sans moindre inquiétude. Par ailleurs, « VNE GENERAL MARCHANDISES RDC », la seule usine de fabrication des emballages biodégradables dans la ville de Kinshasa se retrouve dans l’impossibilité de continuer la production et compte fermer ses portes suite au manque des marchés car la demande est très faible, vu que le sachet en plastique est encore en vigueur. Ce, malgré des mesures d’interdiction de l’autorité publique.
Afin de connaitre les préoccupations de cette industrie, ACTUALITE.CD a rencontré son responsable, Vyron Nicolaides Eliades.
Il regrette d’avoir investi dans ce secteur et condamne le laxisme du gouvernement congolais qui laisse les fabricants et vendeurs des sachets en plastique aller à l’encontre de ses mesures d’interdiction.
« Le gouvernement laisse les fabricants et les vendeurs des sachets en plastique fonctionner librement malgré le décret qui existe. Ce qui fait que sur terrain, la demande est tournée beaucoup plus sur les sachets en plastique que sur les biodégradables parce que les premiers coûtent moins cher et s’offrent gratuitement dans des boutiques. C’est inconcevable de voir certains commerçants continuer à importer les sachets en plastique et prennent le soin d’user de quelques pots de vin pour faire accéder leurs produits. Quand je leur rappelle qu’il existe un décret interdisant les sachets en plastique, triste est de les entendre me dire : "nous sommes dans un pays malade". Tous les inspecteurs que le gouvernement envoie sur terrain pour inspecter les usines qui continuent à fabriquer les sachets en plastiques rentrent avec des poches pleines sans rien faire. Nous regrettons notre investissement dans ce secteur. On avait cru que le pays allait respecter son décret, hélas ! On ne sait même plus importer un conteneur de rouleau, on va l’importer pour quelle raison ! Nous avons perdu presque tous nos clients. On a plus assez de demandes. Nous avons jeté plus de 300 000 USD d’investissement », dit-il.
Et de poursuivre : « Je commence à donner raison à mes amis qui, au départ m’avaient interdit de ne pas investir dans le domaine de l’Industrie en RDC. Ils ne cessaient de me dire que les indiens sont très puissants, ils vont corrompre tout le monde pour que les sachets en plastique demeurent ».
Montée depuis novembre 2019, cette usine de fabrication des emballages biodégradables comptait créer de l’emploi et participer à la bonne écologie de la ville de Kinshasa mais dit malheureusement avoir fait face au lobby Indo-pakistanais et à la triste réalité du marché local des emballages.
« Au départ lorsque le gouvernement traque les supermarchés, dont la plupart appartiennent aux Indo-Pakistanais, qui utilisaient les emballages en plastique, j’étais le seul à leur proposer les emballages biodégradables à Kinshasa. Au moment où je vous parle, la communauté indienne a décidé de s’associer, pour acheter des emballages biodégradables importés auprès de leurs propres frères. Ils ont refusé de travailler avec notre usine parce que nous sommes des Congolais. Par conséquent, on a perdu presque tous nos clients indiens. On est resté qu’avec quelques supermarchés qui n’appartiennent pas aux indiens », relate Vyron Nicolaides Elaides.
Sur le marché local des emballages, la réalité est très complexe à en croire la version du responsable de « VNE GENERAL MARCHANDISES RDC », les emballages biodégradables sont mal perçus et délaissés en faveur des emballages en plastiques.
« Après avoir perdu mes clients indiens, on a décidé de tourner vers le marché local qui concerne la consommation directe notamment le grand marché et les boutiques de la cité. C’est ici qu’on a vécu une autre réalité. C’est-à-dire, pour les vendeurs et importateurs des sachets en plastique, notre usine qui propose des emballages biodégradables représente une concurrence déloyale. Pour eux, c’est mieux d’importer les sachets en plastique que de venir acheter les sachets biodégradables chez nous. Le manque de civisme environnemental fait que les vendeurs et consommateurs préfèrent les sachets en plastique que les biodégradables. Par exemple, un Kinois ne discute pas lorsqu’on lui facture l’emballage à 200 ou 150 FC dans un supermarché indien. Mais quand il est dans une boutique lambda à la cité, il n’accepte pas qu’on lui facture l’emballage. Ce qui fait que les boutiques lambda préfèrent s’approvisionner en sachets en plastique qu’elles achètent à un prix très bas pour les livrer gratuitement à leurs clients lors des transactions. Ils considèrent que les biodégradables sont chers par rapport aux sachets en plastique qui polluent la nature. Donc aussi longtemps que les mesures d gouvernement sur l’interdiction des sachets en plastiques ne seront pas d’application, ça sera difficile que les biodégradables gagnent du terrain », poursuit-il.
Un gouvernement insouciant ?
Faisant face à l’impossibilité de continuer sa production, le responsable de l’usine dit avoir pris le soin d’écrire au gouverneur de la ville de Kinshasa, aux ministres de l’Economie, de l’Industrie, des PME ainsi qu’à l’ANAPI et au FPI, mais toutes ses missives n’ont apporté aucun écho favorable.
« Nous avons écrit au gouverneur de la ville de Kinshasa, Gentiny Ngobila pour l’expliquer notre intention de vouloir fermer, jusque-là nos courriers ont demeuré lettre morte. On ne peut pas imaginer que la seule usine de fabrication des emballages biodégradables appartenant à un fils du pays, dans une ville où les sachets en plastique constituent l’élément majeur des immondices qu’on retrouve çà et là, compte fermer ses portes sans inquiéter le gouverneur. L’opération Kin Bopeto ne peut jamais marcher sans nous. Au Rwanda, il n’y a pas des sachets en plastique. C’est ce qui fait que leur pays soit propre. A cause des sachets en plastique nos caniveaux seront toujours bouchés, le taux du paludisme sera toujours élevé », alerte-t-il.
Il s’étonne que les institutions habilitées du pays ne l’apportent aucune assistance malgré son investissement dans un secteur aussi crucial pour l’écologie de la ville.
« Nous avons écrit à l’ANAPI, au FPI, aux ministres de l’Industrie, des PME, de l’Economie nationale, ils ne nous ont jamais assisté. Ils refusent même de nous recevoir. Le FPI venait d’apporter son assistance aux PME, mais les conditions fixées ne donnent pas d’avantage aux PME congolaises. Et pourtant, on a juste besoin qu’ils nous aident à vendre. Au Congo, les congolais sont moins avantageux que les étrangers. Il est difficile pour nous d’obtenir un crédit au FPI par rapport aux étrangers qui l’obtiennent facilement. Comment comprendre que le Fonds de Promotion de l’Industrie, refuse de recevoir le propriétaire d’une industrie du pays, de surcroît fils du pays, qui compte fermer. Il refuse même de nous écouter simplement. C’est quoi son rôle ? », s’étonne Vyron, la mort dans l’âme.
Les avantages des sachets biodégradables
Les sachets biodégradables présentent plusieurs avantages. Ils ne polluent pas l’environnement comme les sacs en plastiques. Une fois enterrés, ces sachets se décomposent après quelques mois. Des scientifiques expliquent que ces sacs biodégradables enrichissent le sol, protège l’environnement et permettent de lutter contre l’émission de gaz à effet de serre, car les matières utilisées sont d’origines végétales ou animales. Celles-ci se décomposent lorsqu’elles sont en contact avec l’air ou l’eau.
Les sachets biodégradables sont recyclables, d’après les scientifiques. Les premiers sondages montrent que 68% de personnes utilisent de façon systématique un sac biodégradable entre 16 et 24 fois. Seuls 21 % des sacs sont jetés à la poubelle.
Jordan Mayenikini