Kinshasa : combattre l’insalubrité par l’engagement citoyen

Kinshasa : combattre l’insalubrité par l’engagement citoyen

L’insalubrité a un impact considérable sur la santé humaine. Pour en savoir plus sur ses causes  ainsi que les remèdes à mettre en place pour combattre ce fléau, rencontre avec le docteur Jean-Pierre Lubanda, médecin depuis 32 ans à l'hôpital Saint Joseph, dans la commune de Limete.  

Docteur, peut-on parler d’insalubrité dans un environnement ? Quelles en sont les causes ?

Docteur Lubanda : on peut évoquer le terme “insalubrité”, lorsqu’il y a absence d’hygiène dans un environnement. Une mauvaise gestion des déchets entraîne immanquablement une présence accrue de moustiques, cafards et insectes à chaque fois qu’il pleut. Sans oublier le fait que certaines personnes profitent des pluies pour vider leurs fosses septiques. Tous ces déchets, combinés à ceux des décharges publiques mal entretenues, pourrissent et empestent l’environnement. 

Selon un rapport de l’OMS, l’insalubrité de l’environnement provoque environ 12 millions de décès par an. Comment cela se fait-il ?

Docteur Lubanda : un environnement insalubre est à la base de nombreuses maladies infectieuses et parasitaires dont souffrent les populations dans le monde. La malaria, l’amibiase ou les diarrhées, ainsi que la fièvre typhoïde (bactérienne) sont les différents cas de maladies que nous enregistrons tous les jours dans nos hôpitaux. La malaria, à elle seule, tue plus que le sida, alors que son origine, c’est l’insalubrité.          

Depuis le 29 octobre, l’opération Kin-Bopeto est en cours à Kinshasa. Elle se propose de lutter contre l’insalubrité et rendre la ville propre. Que pensez-vous de  cette opération ?

Docteur Lubanda : cette lutte est plutôt timide. C’est un combat qui, à mon avis, n’a pas été très bien préparé. Il n’y a pas encore une politique d’évacuation des déchets. Par exemple, pour le curage des caniveaux, les déchets restent  près de la route. Il suffit d’une seule pluie pour que tous ces déchets retournent dans les caniveaux. C’est une peine perdue.

Au niveau de l'hôpital, comment faites-vous pour contribuer à cette opération Kin-Bopeto ?

Docteur Lubanda : au sein de l'hôpital Saint Joseph, nous avons un comité d’hygiène qui existe depuis environ 10 ans. Il a pour charge de gérer nos déchets et sensibiliser tous les producteurs des déchets sur la gestion de ces derniers. Nous venons de redynamiser ce service d’hygiène. Nous avons placé des sachets plastiques de différentes couleurs. Pour chaque catégorie de déchets (ménagers ou médicaux, tranchants ou non tranchants), il y a une couleur bien déterminée. Nous avons en plus un incinérateur que nous utilisons. Il se pose encore un problème des matériaux mais nous utilisons les moyens de bord.

Que proposez-vous pour vaincre l’insalubrité à Kinshasa ?

Docteur Lubanda : en 1967, lors d’une visite à Kinshasa, Houphouët Boigny, président de la Côte d'Ivoire, avait promis de faire d’Abidjan une ville aussi belle que Kinshasa. Si Kinshasa était belle à cette époque là, c’est parce qu’il y avait des stratégies mises en place. Il faut s’y référer. La riposte doit aussi être organisée par la société. Tenir des séances de formation, inviter des hygiénistes, du personnel de santé, passer par les médias pour éduquer la population. Si on arrive à combattre l’ignorance au sein de la population, cette lutte sera une réussite.

Vous faites référence aux stratégies de gestion des déchets qui existaient en 1967 pour réussir l’opération Kin-Bopeto. Quelles sont ces stratégies ?

Docteur Lubanda : il y avait un service d’hygiène qui était fonctionnel. Tous les jeudis du mois, ce service inspectait les sanitaires, les maisons, les poubelles dans chaque parcelle. Alors, la veille ou l’avant-veille de jeudi, les Kinois vidaient leurs bacs à déchets dans de grandes décharges installées par les services d’hygiène aux coins des rues. Pour évacuer ces décharges, le service utilisait deux moyens soit par l'incinération, soit enfouir dans le sol. Tous ceux qui ne respectaient pas les normes imposées étaient obligés de payer une amende.

Docteur, le mot de la fin ?

Docteur Lubanda : la propreté, l’hygiène, c’est l’affaire de tous. Ce n’est pas uniquement l’apanage des autorités. Commençons et l’Etat viendra en appui.

Propos recueillis par Prisca Lokale