Les médecins, membres du Conseil national de l'ordre des médecins, cellule de Butembo, menacent de déclencher une grève sèche et se retirer des activités de riposte contre la maladie à virus Ebola, si la justice n'accorde pas, dans 48 heures, une liberté provisoire à quatre de leurs collègues aux arrêts, l'un depuis juin, et les trois autres depuis près d'une semaine maintenant à Butembo (Nord-Kivu). Ces hauts cadres de la division provinciale de la santé au Nord-Kivu seraient cités dans les enquêtes sur le meurtre de l'épidémiologiste camerounais de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le docteur Richard Mouzoko, assassiné en avril dernier à Butembo, alors qu'il était impliqué dans la riposte contre l'épidémie d'Ebola.
Dans une lettre d'indignation adressée au maire de Butembo ce mardi 6 Août, ils précisent qu'il s'agit de leurs collègues Docteurs Mundama Witende, chargé de la prévention et contrôle des infections à l'antenne Grand-Nord de la division provinciale de la santé, Gilbert Kasereka, chargé de la transfusion sanguine, Sangala Hyppolyte, chargé de la supervision des activités médicales et de Paluku Luendo. Leurs collègues déplorent qu'ils demeurent sous état d'arrestation, alors qu’aucun procès n’est organisé pour que la vérité soit connue.
« La justice ne veut pas organiser de procès, mais continue à maintenir nos collègues sous état d'arrestation. A part le collègue Gilbert qui est en résidence surveillée, les autres passent leurs nuits dans des mauvaises conditions, notamment dans les bureaux des services qui les surveillent. Imaginez des hauts cadres, c'est humiliant. Nous exigeons qu'ils soient remis en liberté provisoire, en attendant tout procès, dès lors que l'instruction de leur dossier prend cour », a déclaré à ACTUALITE.CD, le docteur Kalima Nzanzu, l'un des signataires de la lettre d'indignation adressée au maire de Butembo.
M. Kalima, président de la cellule locale de l'ordre des médecins signale que depuis l'arrestation de leurs collègues, plusieurs services, notamment ceux de la transfusion sanguine et de prévention et contrôle des infections, sont au point mort dans l'antenne Grand-Nord de la division provinciale de la santé.
« Ils ont été arrêtés, et on ne leur a pas permis d'organiser la suppléance. Aujourd'hui, ne soyez pas surpris de manquer du sang au sein des hôpitaux de la région. Il en est de même pour la prévention et contrôle des infections. Il n'y a pas que le paludisme à contrôler, il y a d'autres maladies, comme la tuberculose, la rougeole, qui va superviser ce travail ? Aussi, nous avons une campagne de distribution des moustiquaires imprégnées d'insecticides, qui va superviser cela, dès lors que le responsable est aux arrêts ? », s'inquiète le docteur Kalima Nzanzu.
Les disciples d'Hippocrate exigent que leurs collègues soient remis à liberté provisoire endéans 48, faute de quoi, ils menacent de déclencher une grève sèche dans toutes les structures sanitaires et centres de traitement d’Ebola et de se retirer des activités de riposte contre cette épidémie qui a déjà fait plus de 1800 morts depuis une année au Nord-Kivu et en Ituri.
Cette déclaration des médecins tombe alors que ce mardi, le député national Tembos Yotama, a dénoncé sur ACTUALITE.CD l’arrestation des plusieurs personnes « innocentes » dont quatre médecins dans l’affaire de meurtre du médecin camerounais. L’élu de Butembo dénonce un « fonds de commerce » institué par les magistrats de la cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu qui enquêtent sur cette affaire. Il les accuse de « vouloir s’enrichir derrière le dossier, en arrêtant des innocents et en conditionnant leur libération par le paiement des exorbitantes sommes d’argent [Ndlr : jusqu’à 5 000 USD] ».
Claude Sengenya