RDC : Ce qu’il faut retenir de la campagne « arme contre 20 tôles» menée par le député Crispin Mbindule au Nord-Kivu

Un milicien dans l'Est de la RDC

Depuis le 20 Juin dernier, le député national Crispin Mbindule mène la campagne « arme contre 20 tôles », visant à désarmer les détenteurs illégaux d’armes et munitions de guerre. Jusqu'à ce lundi 8 juillet, son état-major annonçait que six armes et des munitions étaient reçues et remises aux autorités policières. Mbindule affirme que l’objectif de sa campagne est de lutter contre l’insécurité et la criminalité au Nord-Kivu, dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Les enjeux de cette campagne dans cette interview à ACTUALITE.CD.

Pourquoi la campagne de sensibilisation au désarmement ?

Dans la région du Grand Lac, précisément la province du Nord-Kivu, il y a prolifération des armes, il y a des armes qui circulent entre les mains des civils, des bandits armés, des groupes armés, les gens qui ne sont pas habilités à porter les armes. Le chef de l’Etat a demandé à ceux qui détiennent les armes de se rendre, et à ceux qui ne vont pas obtempérer, ils seront considérés comme la cible de l’armée. Nous sommes venus relayer son message. En arrivant sur terrain, nous avons constaté que ceux qui détiennent les armes expriment la volonté de les déposer, mais ils éprouvent un certain nombre de problème : certains disaient que même si je remets les armes, je n’ai pas de toit. Après réflexion, nous nous sommes fixés qu’une maison de tôles ondulées est suffisante pour héberger une famille. Ainsi, celui qui remet l’arme, nous lui donnons l’équivalent de 20 tôles (120 dollars sur le marché local, Ndlr). Réduire l’arme dans le rang de la population, c’est aussi réduire le taux de criminalité urbaine. Vous savez qu’à Butembo, Beni et Goma, chaque jour il y a des incursions des hommes porteurs d’armes, si vous allez en territoire, il y a des groupes armés. Hier (dimanche 7 juillet, Ndlr), j’ai été à Lubero où j’ai lancé un appel aux groupes armés qu’il est temps de faire la paix et de reconstruire notre pays. Si vous détenez les armes, rendez-vous, on va vous accueillir, et il y a tout un programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) qui va vous encadrer.

Depuis le lancement de la campagne, quel est le résultat atteint ?

Depuis le début de la campagne, il y a des gens qui s’annoncent à Butembo et Lubero. Petit à petit, ils sont en train de déposer les armes. Lorsqu’ils déposent, les armes et munitions sont amenées à l’état-major de la police où sont opérationnels les services habilités à traiter ce dossier. Ça se fait en complicité avec les autorités attitrées. C’est à elles de donner le nombre d’armes jusque-là déposés. Notre travail, c’est quand un détenteur d’armes nous appelle, nous lui orientons vers les autorités avec armes et munitions nous remises. L’important est que les autorités nous rassurent qu’ils ne vont pas être arrêtés, malgré la détention illégale d’armes de guerre.

Arme contre 20 tôles, d’où viennent les fonds de cette campagne ?

Nous nous sommes organisés. Des bubolais (habitants de Butembo, Ndlr). Des gens qui ne veulent plus entendre ni insécurité, ni criminalité. Nous nous sommes réunis pour cotiser, parce que nous tous nous devons contribuer à la pacification de notre province. Bientôt le gouvernement va appuyer cette opération quand il y aura engouement. L’information circule, dans un ou deux mois, les gens vont déposer les armes. Il faut que le programme de DDR soit réorienté pour que quand quelqu’un remette l’arme, qu’on lui fasse en contrepartie un emploi stable.

Quel conseil au gouvernement pour une réussite de la politique de DDR ?

Il faut revoir la politique de DDR, surtout en ce qui concerne la contrepartie à remettre aux combattants qui décident de déposer les armes. Par exemple le combattant qui a remis aujourd’hui (lundi 8 juillet, Ndlr) 37 cartouches, il dit qu’il était démobilisé par la mission onusienne, mais il avait remis seulement l’arme et garder les cartouches. Pour sa réinsertion, il dit avoir été formé en mécanique, mais une fois la formation finie, aucun boulot qui lui garantit une bonne vie. Formé en mécanique, certes, mais il dit que personne ne l’a déjà appelé pour entretenir son véhicule. Il nous a dit qu’il a besoin d’un travail qui va lui garantir une stabilité, il a parlé d’un travail de salaire grâce auquel il sera rémunéré régulièrement. Car, nous a-t-il dit, s’il va en brousse, c’est pour chercher le paradis perdu. Ce que je conseille au programme de DDR, c’est de créer des emplois temporaires qui peut durer longtemps. Quand vous avez un combattant qui dépose les armes, et que vous l’envoyez travailler dans un chantier de construction d’une bâtisse, et quand c’est fini, vous l’abandonnez dans une vie misérable, il retourne en brousse. Il faut surtout réfléchir sur le genre de métier à leur apprendre, parce que parfois, pour certains métiers comme la mécanique, ça prend du temps pour avoir un gain, alors qu’avec l’arme, ils gagnent facilement.

Votre message aux groupes armés et aux jeunes ?

J’appelle les groupes armés, les jeunes armés à se rendre, à déposer les armes pour leur démobilisation et réinsertion. Nous devons tous participer à la reconstruction et la pacification de notre pays, avec le nouveau président Félix Tshisekedi. Cette fois, le pouvoir est entre les mains du peuple. Tout est en train de changer. Celui qui va résister à l’appel, il va subir la puissance de l’armée.

Après Butembo et Lubero, quelle est la prochaine étape ?

Le territoire de Beni, là aussi il y a circulation des armes. Nous sommes en train de recevoir les appels des notables et habitants qui veulent voir l’opération être lancée dans leur entité, en vue de désarmer les gens. Nous sommes en train de recevoir également des appels de Masisi et Walikale disant que l’opération est salutaire pour stopper l’insécurité et criminalité et la circulation des armées. Nous avons lancé l’opération, il faut que le gouvernement puisse se l'approprier.

Interview par Claude Sengenya