3 ans de l’activisme des Mobondo : près de 3 000 morts et 550 000 déplacés enregistrés, d’après un réseau des ONG humanitaires

Les miliciens Mobondo lors du procès au stade du 30 juin à Kikwit
Les miliciens Mobondo lors du procès au stade du 30 juin à Kikwit

Le Réseau de défense des droits des déplacés internes en RDC vient de rendre public son rapport adopté il y a une semaine, après la réunion des données fournies par les ONG humanitaires du Grand Bandundu sur la crise sécuritaire des Mobondo. D’après ce réseau, au moins 3 000 morts ont été enregistrés depuis juin 2022, des violences qui ont occasionné le déplacement de 550 000 personnes à la recherche d’abris. Ces déplacés internes sont comptés à Bandundu et Bagata (Kwilu), au territoire de Popokabaka (Kwango) et à Kinshasa.

Le Réseau révèle également un nombre important de maisons incendiées et de blessés du fait des miliciens, qui ont aussi saboté des infrastructures (églises, écoles, etc.). Le président du Réseau, Symphorien Kwengo, qui a partagé ce rapport à Actualité.cd, a déploré les conditions inhumaines de vie de l’ensemble des déplacés.

“Les déplacés vivent dans des conditions très précaires, sans accès adéquat à la nourriture, aux soins de santé, à l’eau potable, à l’éducation et à un abri. Ces mauvaises conditions de vie favorisent la malnutrition, les maladies hydriques et la détérioration de leur état de santé”, a déclaré Symphorien Kwengo.

Au camp de déplacés de Kwamouth, logés à Bandundu, l’inhumation est devenue la routine. D’après le témoignage du capita adjoint, la 133ᵉ personne a été inhumée le 13 juin, décédée suite au manque d’accès aux soins de santé.

“Les dépôts où nous dormons ne sont pas équipés. Il n’y a ni lit, ni natte. On ne vit pas mais on vivote. Depuis qu’on est ici, 133 personnes sont mortes. La dernière personne a été inhumée le 13 juin”, a déclaré Kiwangula Dira, capita d’un des pavillons.

La date de leur retour dans leurs villages reste toujours inconnue. Entre insécurité persistante à Kwamouth et défis de réhabilitation des infrastructures détruites, les déplacés n’ont pas de choix.

“Pour retourner dans nos villages, ça va demander des moyens financiers. Que le gouvernement nous aide. Là-bas aussi, il y a l’insécurité. Les miliciens sont toujours là. Que le gouvernement fasse tout pour les déloger”, a ajouté ce chef de pavillon.

Du côté des acteurs politiques, c’est la désolation totale face à l’aggravation de la situation humanitaire des déplacés dans le Grand Bandundu. Le député national Garry Sakata se dit au bout de ses plaidoyers auprès du gouvernement, qui n’ont produit aucun résultat.

“En tant qu’élu du peuple, après avoir fait plusieurs plaidoyers auprès du gouvernement, un sentiment d’impuissance. Car ce n’est qu’au début du conflit que le gouvernement a pu apporter une aide, depuis 2022. Depuis lors, silence radio, tous nos plaidoyers n’ont donné aucun résultat. Je pense que nous assistons à une crise oubliée”, a déclaré Garry Sakata.

Autre situation, relève-t-il : le nombre important d’orphelins et de veuves sans droit ni aide.

“Pitié pour ces nombreux orphelins et orphelines, veufs et veuves, des enfants qui ne peuvent plus étudier par manque de support parental, les parents étant tués”, a-t-il ajouté.

Le 12 juin 2022 marquait le début d’une crise qualifiée à l’époque de “conflit intercommunautaire” entre les Teke et les Yaka. Le point de départ : le village de Masiakwa, dans le Maï-Ndombe, où une dispute autour de la redevance coutumière imposée par les chefs Teke aux populations allochtones, en majorité Yaka, a dégénéré. Ces dernières s’étaient opposées à une majoration du tribut, passé d’un à cinq sacs par récolte. Devant leur refus, des habitants Teke auraient décidé de les expulser de Kwamouth.

Ce conflit a rapidement viré à une violence extrême : maisons incendiées, massacres de civils, déplacements massifs. Les villages de Masiakwa, Ngambomi, Béthanie, Etumba na Ngwaka, Bisiala et Kinsele ont été parmi les plus touchés par les atrocités. Ce qui était considéré comme des tensions entre communautés s’est vite transformé en une milice bien organisée, s’opposant aux forces de défense et de sécurité dépêchées en mission de paix.

Jonathan Mesa