De la situation sécuritaire alarmante dans l’Est de la RDC à la signature du décret suspendant l’aide au développement étrangère des États-Unis en passant par le retrait des pays africains de la CEDEAO. La semaine qui vient de s’achever a été riche en actualités. Retour sur chacun de ces faits marquants avec Gisèle Nzundu Kukwela.
Madame Kuwela, merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Gisèle Nzundu Kukwela : Je suis assistante et chercheure en sciences de l’information et de la communication de l’Université de Bandundu. En tant que professionnelle en communication, je suis spécialisée dans la gestion de projets liés à l’éducation civique et électorale, la santé mentale et les droits humains. J’ai également une expertise en genre, élaboration de stratégies de communication, mobilisation des ressources et formation des équipes afin de renforcer la visibilité et l'impact des organisations.
Lors de son dernier discours à la nation, le président Tshisekedi a dénoncé l’inaction de la communauté internationale face à la guerre à l'Est et aux violations rwandaises en RDC. Partagez-vous son analyse de la situation ?
Gisèle Nzundu Kukwela : Je partage pleinement l’avis du président de la République. La communauté internationale semble, en partie, entretenir la situation dans l’Est. Malgré les dénonciations constantes de la RDC et les rapports accablants de l’ONU, le Rwanda continue de commettre des exactions et des crimes contre l’humanité en RDC sans faire face à des conséquences notables. Les résolutions diplomatiques et les sanctions internationales ne sont pas appliquées avec rigueur, et la pression réelle sur le Rwanda reste inexistante malgré des preuves évidentes de ses actions. La RDC, quant à elle, n’a pas reçu le soutien diplomatique nécessaire pour imposer un cessez-le-feu durable ni pour obtenir des sanctions contre les responsables des violences.
Cette situation soulève une question plus large : celle de la souveraineté nationale. L’incapacité de la communauté internationale à soutenir la RDC dans sa défense de son intégrité territoriale est une forme de mépris pour le pays et ses populations. Le soutien aux intérêts étrangers semble avoir primé sur les droits humains et la justice, reléguant la lutte pour la paix et la sécurité des Congolais au second plan.
Félix Tshisekedi a également dénoncé le soutien rwandais au M23 et la présence de soldats rwandais sur le sol congolais. Comment interprétez-vous ces accusations et la posture de chef de guerre du président congolais ?
Gisèle Nzundu Kukwela : Les accusations de Félix Tshisekedi reposent sur des évidences documentées dans des rapports de l’ONU et d’autres organisations internationales. Cependant, ces rapports sont souvent ignorés ou minimisés en faveur du Rwanda, qui bénéficie d’un soutien international malgré ses actions violentes. Il est frappant de constater que, malgré cette réalité, le Rwanda continue d’être considéré comme un enfant modèle en Afrique, une façade construite sur des millions de morts congolais. Il est grand temps que la RDC passe à l’offensive. La politique de l'inaction et de la plainte a suffisamment duré. Il est nécessaire de répondre fermement à ces agressions et d’instaurer la paix dans la région des Grands Lacs, en garantissant la sécurité des Congolais. Cette lutte difficile ne doit pas être abandonnée, car les Congolais méritent la paix, la justice et la reconnaissance de leur souffrance sur la scène internationale.
Les combats autour de Goma se sont intensifiés, et la ville est désormais sous contrôle des rebelles du M23, soutenus par le Rwanda. Comment évaluez-vous la réponse des autorités congolaises face à la présence des rebelles du M23 dans la région et leur soutien par le Rwanda ?
Gisèle Nzundu Kukwela : Cette situation est complexe et embarrassante. La réponse des autorités congolaises montre à quel point la RDC demeure un état vulnérable, qui dépend de l’appui de la communauté internationale pour défendre son intégrité territoriale. Bien que le Rwanda et les groupes rebelles bénéficient du soutien militaire de puissances occidentales, cela ne devrait en aucun cas dissuader la RDC d’agir pour sa défense.
Après l’intensification des combats et la chute de Goma, Kinshasa a rompu ses relations diplomatiques avec Kigali. Selon vous, cette rupture peut-elle apporter une solution à la crise sécuritaire dans l’Est de la RDC ?
Gisèle Nzundu Kukwela : Cette rupture diplomatique est une déclaration implicite de guerre et montre que la RDC ne tolère plus les actions du Rwanda. Bien que la communauté internationale semble encore soutenir Kigali, cette rupture est un premier pas vers une forme de pression internationale. En effet, des sanctions ciblées contre le Rwanda commencent à se dessiner, et les initiatives européennes visant à annuler des événements internationaux au Rwanda pourraient créer une pression supplémentaire. Bien que les résultats ne soient pas encore concrets, ces actions peuvent avoir un impact sur le terrain.
La société civile semble de plus en plus mobilisée pour protester contre l’agression à l’Est du pays. À votre avis, ces protestations auront-elles un impact sur la politique nationale et internationale ?
Gisèle Nzundu Kukwela : Je suis convaincue que ces protestations auront un impact, tant au niveau national qu’international. Au niveau national, elles ont déjà conduit à la rupture des relations diplomatiques avec le Rwanda. Au niveau international, elles ont renforcé les appels à des sanctions contre Kigali. Ces mobilisations peuvent changer la dynamique, en mettant la pression sur les grandes puissances et en faisant entendre la voix du peuple congolais.
Les chefs de la diplomatie du Burkina Faso, du Mali et du Niger se sont retrouvés le 26 janvier à Ouagadougou pour définir les modalités de leur retrait de la Cédéao. Comment interprétez-vous cette décision et quel impact cette séparation pourrait-elle avoir sur la stabilité régionale ?
Gisèle Nzundu Kukwela : Cette décision marque une affirmation de l’indépendance et de l’autonomie de ces pays vis-à-vis de l’ingérence de la France et de ses anciennes colonies. La création de l’Alliance des États du Sahel témoigne d’une volonté de prioriser la souveraineté nationale. Ce mouvement pourrait inspirer d'autres pays africains, tout en mettant en lumière les faiblesses des structures régionales comme la CEDEAO. Toutefois, ce processus peut également entraîner des tensions internes et des défis diplomatiques dans la région.
Donald Trump a signé un décret suspendant l’aide au développement étrangère des États-Unis pour une durée de 90 jours afin d’évaluer l’efficacité des programmes. Quel impact cette mesure pourrait-elle avoir sur les pays en développement, notamment en Afrique ?
Gisèle Nzundu Kukwela : Cette suspension est brutale et unilatérale. Elle montre la dépendance des pays en développement à l’égard des puissances étrangères, ce qui n'est pas sans conséquences. Cependant, cette décision pourrait inciter les pays africains à reconsidérer leurs dépendances et à chercher des solutions alternatives pour répondre à leurs besoins de développement. Cela pourrait également encourager l’autonomie et la résilience, réduisant ainsi la dépendance vis-à-vis de l’aide étrangère.
Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka