Plus de 2 500 familles, incluant des enfants, des femmes enceintes et des personnes âgées, ont été rendues sans abri à la suite des démolitions de maisons dans les quartiers de Mege et Bandayi, à Durba, dans la province du Haut-Uélé en République démocratique du Congo. Ces événements, survenus entre le 17 et le 21 octobre 2021, sont documentés dans le rapport intitulé « Expulsions forcées et graves exactions à la mine d’or de Kibali, en République démocratique du Congo. Expulsions géantes, profits de géant », publié en décembre 2024 par PAX Netherlands Peace Foundation (PAX), une organisation engagée dans la promotion de la paix à l'échelle mondiale.
Selon PAX, qui dit avoir mené une enquête pendant trois ans dans la région notamment auprès des victimes, des responsables de Kibali Gold et des autorités locales, des engins lourds, escortés par des membres de l’armée et de la police, ont détruit en quelques minutes les maisons des habitants. Beaucoup d’entre eux n’ont même pas eu le temps de récupérer leurs biens.
« Ils ont détruit les églises, les écoles, les hôpitaux, tout. C’était violent. Si on te trouve avec un téléphone, une caméra, on va te taper pour récupérer ce téléphone. Et puis tu pars en prison ».
Une autre victime a déclaré à PAX : « J’ai supplié [un policier, expliquant] que j’avais un bébé de trois mois pour qu’il me laisse ne fût-ce qu’une paillote où je pouvais placer ce bébé, mais il a refusé. Après avoir démoli toutes les maisons, ils nous ont laissé•es sous la pluie », a témoigné une victime dans les propos rapportés par PAX dans le rapport.
A en croire PAX, cette situation a entraîné des conséquences humaines incalculables dont les abus, les destructions et les violences, qui ont brisé la vie de milliers de personnes, dont beaucoup sont tombées dans la misère et le désespoir.
« Nombre d’entre elles se sont retrouvées sans abri et ont plongé dans un dénuement encore plus profond que celui qu’elles connaissaient auparavant. Cette situation a eu un impact négatif sur leurs droits à la santé et à une éducation, entre autres», peut-on lire dans le rapport.
Selon PAX, toutes ces exactions ont été menées avec la bénédiction et la complicité du gouvernement provincial du Haut-Uélé, qui profite des activités de Kibali Gold dans la région. Dans son rapport, PAX souligne que « Kibali exerce une forte influence sur le gouvernement provincial, car elle contribue à ses revenus, lui versant des redevances représentant environ 60 % de ceux-ci. »
Par contre, Barrick Gold Corporation, une multinationale basée à Toronto, au Canada, et opératrice de la mine, fait partie de la joint-venture Kibali Goldmines SA. Elle s'est vantée d'avoir réalisé une « performance exceptionnelle » en 2021, tout en versant un dividende de 200 millions de dollars américains à ses actionnaires pour la même année, le tout au détriment de milliers de personnes.
Barrick a également affirmé que tous les occupants initiaux de ces terrains avaient été relogés. Selon PAX qui dit avoir mené plusieurs entretiens et analysé les images satellitaires, toutes ces affirmations sont fausses. Par ailleurs, personne des personnes délogées n’a été informé avant qu’il vivait dans une région appartenant à Kibali Goldmines SA.
« [Ils ont] attend[u] que les gens construisent des maisons, que les nombres gonflent, pour venir dire maintenant que : ‘Vous devez sortir, ici c’est chez nous!’», a déclaré une victime à PAX. « Pourquoi attendre tout ce temps-là ? Il fallait prévenir, informer les gens ! », témoigne une victime interrogée par PAX.
Par ailleurs, Barrick a déclaré aux enquêteurs de PAX que les habitants de Mege et Bandayi étaient considérés comme des « occupants illégaux » dans sa « Zone d’exclusion B » et, par conséquent, n'étaient pas éligibles pour être relogés par Kibali. »
Pour réparer ces préjudices et rétablir les droits des victimes, PAX formule des recommandations à tous les niveaux. Elle appelle les autorités congolaises à mener une enquête indépendante sur les allégations d’abus commis par les forces de sécurité et les représentants de l’État, afin qu’ils rendent des comptes pour leurs actes. Le gouvernement est également invité à engager un dialogue avec les victimes, en collaboration avec Kibali, et à mettre fin aux menaces pesant sur celles de Mege et Bandayi qui réclament leurs droits.
PAX recommande à Barrick Gold Corporation/Kibali Goldmines SA de mener une enquête crédible, indépendante et transparente sur leur éventuelle implication dans les violations des droits humains et des normes internationales lors des expulsions d’octobre 2021, et de rendre les résultats publics. Ils doivent également améliorer la transparence et la communication avec les communautés affectées, notamment en fournissant davantage d’informations conformément aux normes internationales.
Bruno Nsaka