L'Institut National de Santé Publique annonce le lancement d'une étude sur l'impact sanitaire des conflits armés à l'Est de la RDC

Le site des déplacés de Kanyaruchinya à Nyiragongo
Le site des déplacés de Kanyaruchinya à Nyiragongo

En mission d’évaluation stratégique au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, le Directeur Général de l’Institut National de Santé Publique (INSP), Dr. Dieudonné Mwamba, a annoncé le lancement d'une vaste étude scientifique visant à analyser l'impact sanitaire des conflits armés qui ravagent l'Est de la République Démocratique du Congo (RDC) depuis plusieurs décennies. Cette étude, une première à cette échelle, vise à mettre en lumière les conséquences à court, moyen et long terme de ces violences sur le système de santé, la santé des populations locales, et sur d'autres secteurs de la vie sociale, à travers l’approche intégrée « une santé ».

Depuis plus de deux décennies, l’Est de la RDC est ravagé par des conflits armés alimentés par des intérêts économiques. Selon les Nations Unies, ces violences ont provoqué la mort de plus de 10 millions de personnes et déplacé plus de 7 millions d’habitants dont plus de 2 millions seulement pour la ville de Goma. Si ces chiffres tragiques sont largement médiatisés, l'impact sanitaire reste peu étudié.

"Le monde connaît les morts et les déplacés, mais l'ampleur des conséquences sanitaires des agressions et conflits armés est largement sous-estimée. Notre étude vise à combler ce vide", a déclaré Dr. Mwamba. L’étude se concentrera sur les effets à long terme des conflits, notamment l’augmentation des maladies infectieuses, la malnutrition – qui touche plus de 41,8 millions de personnes dans les zones touchées –, les violences basées sur le genre et les troubles psychologiques causés par des décennies de violence. Citant la situation critique de la province du Nord-Kivu, où 19 des 34 zones de santé sont en insécurité totale, dont 13 sont sous contrôle des forces du M23, appuyées notamment par le Rwanda, Dr. Dieudonné Mwamba a souligné l’ampleur de la crise.

Depuis 2014, plus de 72 établissements de soins ont été pillés ou détruits, 39 ont été incendiés, et plus de 16 agents de santé ont été assassinés. Selon Dr. Mwamba, l’impact des conflits armés sur la santé ne peut être dissocié des autres dimensions de la vie en société. La destruction des infrastructures sanitaires aggrave l’insécurité alimentaire, freine l’économie locale et sape la confiance des populations envers les autorités. "Quand la santé publique s'effondre, c'est l'ensemble du tissu social qui s'écroule", a-t-il averti.

L'une des préoccupations majeures est l'apparition et la propagation de maladies infectieuses dans un environnement déjà vulnérable. Dr. Mwamba a cité l'exemple de l'épidémie de MPOX (Monkeypox), qui s'est propagée rapidement dans certaines zones de conflit en raison de la dégradation des infrastructures sanitaires. L'absence de soins appropriés, combinée à la mobilité forcée des populations, a aggravé cette crise sanitaire, illustrant à quel point les conflits armés favorisent la résurgence et la propagation des maladies infectieuses.

L'une des principales ambitions de cette étude est de fournir des données éprouvées, basées sur des preuves scientifiques, afin d'aider à formuler des politiques de santé publique adaptées et de guider la réponse internationale. Les résultats devraient non seulement servir de base aux interventions médicales et humanitaires, mais aussi contribuer à sensibiliser la communauté internationale sur les conséquences invisibles et souvent durables des conflits armés.