En RDC, la rentrée parlementaire relance le débat autour de l’état de siège qui s’éternise en Ituri et au Nord-Kivu

Photo d'illustration
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Ce jeudi, l’Assemblée nationale était en plénière uniquement pour examiner et adopter le projet de loi portant autorisation de la prorogation de l'état de siège instauré en mai 2021 dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Quelques députés nationaux du Nord-Kivu et de l’Ituri, soutenus par ceux du Sud-Kivu, ont quitté la plénière en signe de protestation contre la prorogation de cette mesure qui, désormais, est autorisée sans un quelconque débat. 

«On nous interdit de nous plaindre, nous qui subissons la guerre. Et c’est ici le moment de dire au président de la République, qu’il a intérêt de nous écouter pour que cette guerre prenne fin », a dit d’un ton ferme, Justin Bitakwira, élu d’Uvira, dans le Sud-Kivu.

Il plaide par ailleurs pour une implication des leaders des régions meurtries dans les négociations  de  paix. 

«Nous sommes indignés quand nous voyons que dans les négociations qui se tiennent que ce soit à Luanda, à Nairobi ou ailleurs, les leaders de l’Ituri, du Nord-Kivu ou du Sud-Kivu ne sont pas parmi les délégués de la RDC. Si cette situation persiste, nous choisirons un autre lieu où nous irons discuter de notre sort et celui de notre peuple. Nous sommes sérieux. Continuer à voter d’une manière automatique l’état de siège, sans évaluer son apport, c’est une haute trahison », a fustigé Bitakwira. 

Pour sa part, Gratien de Saint-Nicolas Iracan, élu de Bunia, dans la province de l’Ituri, dénonce l’inefficacité de l’état de siège, qu’ils qualifient de « business » pour certains généraux. 

«L’état de siège est devenu aujourd’hui un business pour les généraux déployés sur terrain. Ils exploitent illicitement les minerais au lieu d’aller protéger la population. Il y a trop de trafics entre les mouvements rebelles et certains officiers de l’armée. Pour aider le chef de l’Etat et la population, il faut être franc dans les discussions qui pourront permettre d’avoir des recommandations et des orientations qui pourront faire qu’il y ait le retour au calme », a-t-il indiqué.

Willy Prince Mishiki, élu de Walikale dans la province du Nord-Kivu déplore le fait que l’assemblée nationale soit devenue, selon lui, « une simple caisse de résonance ». 

« C’est malheureux quand, après la présentation d’une proposition de loi, on ne donne pas l’occasion aux députés que nous sommes de pouvoir en discuter. Nous disons non. Nous ne sommes pas des enfants de course de qui que ce soit. Nous voulons juste qu’on nous écoute. Et si cela n’est pas fait, nous ne laisserons pas que l’agresseur viennent nous prendre en sandwich ici à Kinshasa, nous irons là-bas nous  battre », a-t-il martelé.

L’état de siège a été proclamé depuis mai 2021 par le président Félix Tshisekedi dans le but de permettre à l’armée de lutter efficacement contre les forces négatives en Ituri et au Nord-Kivu. Mais cette mesure a montré ses limites plus de trois ans après son instauration. Les groupes armés se sont multipliés, et pire encore le M23, une rébellion défaite en 2013 a ressurgi dans le Rutshuru en novembre 2021; Actuellement, le M23 occupe de très vastes zones dans les territoires de Rutshuru, Nyiragongo, Masisi et Lubero. Plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer l’inefficacité de l’état de siège à résoudre la crise sécuritaire dans l’Est du pays. D’autres voix accusaient cette mesure de restreindre les libertés publiques dont celle de manifester pacifiquement. Dans un message à la nation le 12 octobre 2023, Félix Tshisekedi avait annoncé un « allègement progressif et graduel » de l'état de siège. Depuis, aucune autre avancée significative n’a été enregistrée.

Bruno Nsaka et Berith Yakitenge