Cette semaine, un tribunal de Kinshasa, en République démocratique du Congo, a déclaré coupable l’éminent journaliste Stanis Bujakera et l’a condamné à six mois de prison pour avoir partagé sur les réseaux sociaux un article alléguant que les services de renseignement militaires congolais avaient tué un responsable de haut rang de l’opposition.
Du fait qu’il avait déjà passé six mois en détention préventive, Stanis Bujakera a été remis en liberté le 19 mars.
Stanis Bujakera, 34 ans, journaliste congolais le plus suivi sur les réseaux sociaux, était incarcéré depuis le 8 septembre. Les autorités l’avaient arrêté et accusé d’avoir fabriqué et distribué une fausse note confidentielle affirmant que les services de renseignement militaires congolais avaient tué Chérubin Okende, député et porte-parole du parti d’opposition Ensemble pour la République. Or Stanis Bujakera n’était pas l’auteur de cette note, qui a été publiée par Jeune Afrique.
Chérubin Okende a disparu à Kinshasa le 12 juillet 2023 et a été retrouvé mort dans sa voiture avec des blessures par balles le lendemain. Le gouvernement a dénoncé publiquement le meurtre de Chérubin Okende et mis sur pied une commission d’enquête. Mais le procureur général chargé de l’affaire a conclu que Chérubin Okende s’était suicidé et, dans une note du 2 mars, a donné instruction à ses subordonnés d’arrêter toute personne qui « critiquerait » les conclusions de l’enquête.
Des enquêtes effectuées par Reporters sans frontières et le consortium de presse Congo Hold Up ont permis de déterminer que la note était authentique et de mettre en lumière les graves lacunes dans les affirmations de l’accusation selon lesquelles Stanis Bujakera aurait reçu cette note via un compte sur Telegram et aurait été la première personne à la diffuser.
Stanis Bujakera a été placé en détention préventive avant son procès et incarcéré le 14 septembre après avoir été inculpé de « propagation de faux bruits », « falsification et usage de faux » et « distribution de faux documents ». Cette affaire a suscité un tollé général.
Le tribunal a à plusieurs reprises refusé une libération provisoire à Stanis Bujakera, ignorant les normes internationales en la matière. Il a été déclaré coupable de tous les chefs d’inculpation.
Les six mois passés derrière les barreaux par Stanis Bujakera, assortis d’une amende d’un million de francs congolais (400 dollars US), s’inscrivent dans la continuité de la répression croissante exercée par le gouvernement – y compris en ligne – à l’égard des journalistes, des activistes des droits humains et pro-démocratie, des détracteurs du gouvernement et des membres et responsables des partis d’opposition, depuis le précédent mandat du président congolais Félix Tshisekedi.
Les autorités congolaises devraient agir immédiatement pour annuler la condamnation de Stanis Bujakera.