De l’annonce d'un cessez-le-feu dans le conflit entre la RDC et le Rwanda à l'augmentation du prix du carburant dans toutes les zones d'approvisionnement, en passant par la fin de la quatorzième épidémie d'Ebola ou des maisons de 9 femmes incendiées à Kalehe suite aux accusations de sorcellerie, la semaine qui s'achève a été très riche au niveau de l'actualité. Ce 9 juillet, Belinda Luntadila est de nouveau invitée à commenter chacun de ces faits.
Bonjour Madame Belinda Luntadila et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités ?
Belinda Luntadila : Bonjour Desk Femme et merci. Je suis avocate et rapporteure sortante de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH). J’ai été membre de cette importante institution des droits humains de 2015 à 2022. Je suis en attente de mon remplacement officiel par une autre représentante de la composante des organisations des droits spécifiques.
Je suis également Présidente d’une ONG, le Réseau 2 Congo Genre et Développement (R2Congo) qui existe depuis 2008. Entrepreneure, j’exerce plusieurs activités dans des secteurs variés.
Au cours de cette semaine, un cessez-le-feu a été conclu , d’après le président angolais entre Paul Kagame et Félix Tshisekedi, sur fond de tensions croissantes entre Kigali et Kinshasa. Que pensez-vous de cette décision ?
Je loue effectivement cette décision qu’a obtenue notre pays, à travers les efforts consentis par le Président de la République, S.E.Félix Tshisekedi. La médiation angolaise est d'un apport considérable pour la paix, la stabilité et la sécurité dans la Région dés Grands Lacs.
Je tiens néanmoins à rappeler que beaucoup de familles n’ont certainement pas trouver de paix car déplacés et confrontés à plusieurs obstacles dûs aux actions néfastes des mouvements armés dont le M23 soutenu par le Rwanda (le Chef de l’Etat a participé à la Tripartite de Luanda).
La question demeure : Combien de temps ce calme apparent prendra-t-il et pourra-t-il conduire à un calme réellement définitif ?
Le peuple congolais en a besoin et ceux de toute la région ainsi que du monde si tout un chacun prend conscience et accepte de mettre fin à ces troubles inutiles.
Du côté congolais, la présidence annonce un « processus de désescalade ». Une "feuille de route prévoit la cessation immédiate des hostilités", ainsi que "le retrait immédiat et sans condition du M23 de ses positions en RDC". Que pensez-vous de cette communication ?
Comme vous pouvez le constater dans ma précédente réponse, j’adhère totalement et applaudis les conditions de la Feuille de route de la RDC.
La désescalade, définie comme un « retour au calme après une escalade, dans le domaine militaire, diplomatique, social, etc. » est effectivement le résultat tant attendu de la République Démocratique du Congo.
Le Rwanda qui confirme « l'adoption d'une feuille de route pour la désescalade des hostilités", souligne cependant qu’il a été convenu que la question du M23 "serait traitée au niveau national (RDC) dans le cadre du processus de Nairobi », Quel est votre point de vue sur cette affirmation ?
Le Rwanda ne doit pas à ce jour poser « un cependant » dans l’adoption d’une désescalade qui sous-entend qu’il n’y adhère pas tant la question du M23 est considérée comme une question nationale entre les Congolais et que ce mouvement soit intégré dans les FARDC.
Doit-on alors revenir au fait que, déjà à ce jour, notre Chef de l’Etat, le Président Félix Tshisekedi a dû « extirper » de nos Forces armées des infiltrés non Congolais venus de plusieurs mouvements rebelles pour détruire les FARDC. Devons-nous revenir à cet exercice déjà périlleux qui fait perdre du temps et de l’argent ?
Et la population, victime de tous ces massacres, devra-t-elle accepter de vivre avec ces criminels continuellement parce que réintégrés et impunis suite à ce que l’on considère comme « accord » ?
La présidence souligne aussi que la "feuille de route" sera axée sur “la relance de la commission mixte RDC-Rwanda qui ne s'était plus réunie depuis plusieurs années”. Ladite commission va tenir sa première rencontre le 12 juillet prochain à Luanda. Quelles sont vos attentes par rapport à cette réunion ? Quels sont les points incontournables qui devraient être traités selon vous ?
Le 12 juillet, est une date qui va marquer le début d’un chemin qui mènera soit à la paix réelle. Cessez-le-feu, oui, rencontres diverses, oui. Mais nous attendons d’en vivre les résultats pour ces familles privées de toute subsistance et de toute la Nation Congolaise. J’ajouterai même de certains citoyens de ces pays voisins qui n’acceptent pas de vivre dans ces éternels conflits et qui en deviennent également, de près ou de loin, des victimes pendant que les décideurs gèrent sans se retourner.
Les points incontournables sont nombreux. Nous nous permettrons de nous limiter à ceci en adoptant le point principal de la Feuille de route de la RDC qui résume tout, la désescalade.
Entre-temps, le M23 s’est dit non concerné par le Cessez-le-feu conclu entre le Rwanda et la RDC, soulignant qu’ils sont Congolais et pas Rwandais. Quelle est votre lecture de cette déclaration ?
Justement, relisons votre quatrième question et ma réponse y relative pour discerner les issus préparés par le Rwanda sachant que la RDC n’y adhère pas. Donc l’accord tant attendu ne pourra peut-être pas être obtenu. Je demeure néanmoins positive et confiante en notre diplomatie et en nos FARDC.
Par ailleurs, Adolphe Muzito, un ancien Premier ministre congolais appelle à préparer la guerre, car “des négociations diplomatiques, c’est pour distraire”. Quel est votre point de vue à ce propos ?
Vous savez, chaque Congolais a le droit de s’exprimer devant la colère. Pour ma part, chaque étape de ce que nous essayons de franchir est un pas sur une vérité.
En économie, le prix du carburant a été majoré dans toutes les zones d'approvisionnement du pays. Pour la zone Ouest par exemple, le litre d'essence est désormais à 2495 Fc et le gasoil à 2485 Fc. Le ministère justifie cela notamment par la nécessité de maintenir l’équilibre du système d’approvisionnement du pays en produits pétroliers. Que pensez-vous de cette situation ?
L’équilibre d’approvisionnement pour quelle catégorie de consommateurs, pour quels prix du transport en commun et pour quels prix de consommation des produits de première nécessité. Tout ceci donc au détriment de la grande majorité de la population. Nous devrons plutôt trouver des solutions plus « équilibrées » et pérennes.
Le ministre de la santé a annoncé la fin de la quatorzième épidémie Ebola. Au total, cinq cas ont été enregistrés. Tous les contaminés dont deux enfants de 9 ans et 12 ans sont décédés. Que dites-vous à ce sujet ?
Juste une question : « quelles sont les causes non découvertes et mystérieuses qui nous ont fait parvenir à une « quatorzième épidémie », avec perte de nos enfants ? Tout en saluant les efforts déjà fournis par le ministère de la santé et ses partenaires, la population a besoin d’une plus forte sensibilisation et vulgarisation dans toutes nos langues et à des termes plus accessibles pour que chacun puisse se prémunir et se prendre en charge.
Aussi, un prisonnier est décédé du choléra dans la prison centrale de Kalehe dans la province du Sud-Kivu. Quelles sont vos recommandations sur cette question ?
Je commencerai par rappeler ce que j’ai érigé en adage : « Nous sommes tous des humains ». Prisonnier ou personne libre, nous avons tous droit à des conditions humaines quelle que soit notre condition. Nous avons souvent tendance à l’oublier surtout pour un prisonnier, qui est parfois même un innocent. Le prisonnier demeure un être humain. Les conditions d’emprisonnement sont extrêmement déplorables en RDC. Le ministère de la justice procède aux efforts pour suppléer à ces conditions inhumaines mais des moyens plus importants devraient être mis à sa disposition pour plus d’actions adéquates pour les prisons.
Les groupes armés ont été responsables de la majorité des cas de violences sexuelles en avril et mai 2022, selon le BCNUDH. Que pensez-vous de cela ?
Arme de guerre, nous l’avons toujours dénoncée et déplorée. Les groupes armés veulent nous affaiblir et utilisent cette arme parce qu’ils se disent qu’ils réussiront à affaiblir la RDC. Ce qui rappelle à tous que la solution définitive est l’éradication de tous les groupes armés tant au niveau national qu’international.
A Kalehe, au Sud-Kivu, 13 maisons de 9 femmes accusées de sorcellerie ont été incendiées par des habitants. Ces faits durent depuis plusieurs années dans cette partie du pays. Quelles recommandations faites-vous à ce sujet ?
Continuez à l'époque actuelle, à croire aux histoires des vieilles sorcières devraient être comptées parmi les abus cités comme violences basées sur le genre (VBG). La justice doit agir en sanctionnant les auteurs comme leçon tant pour ceux qui tenteraient la récidive et ceux qui prévoyaient de poser le même acte. Et l’éducation à la base dans les familles, les églises, les écoles, divers lieux de rencontre est également une forte recommandation. Ne dit-on pas : « Mieux vaut prévenir que guérir ».
Un dernier mot ?
Notre pays a besoin de tous ses citoyens pour lutter contre ces maux qui dégradent chaque jour son développement. Plus d’actions communes que des paroles de division. Je vous remercie de m’avoir invitée pour cet échange.
Propos recueillis par Prisca Lokale