La célébration des 62 ans d'indépendance de la RDC coïncide cette année avec le retour de la relique de Patrice Emery Lumumba, premier Premier ministre du pays et héros national. Ce 30 juin, dans les rues de Kinshasa, des femmes et des jeunes kinoises s'expriment à propos de cette double célébration.
« Je trouve cette journée très symbolique. Nous avons appris à l’école que Lumumba, l’un des pères de notre indépendance a été tué et son corps dissous dans de l'acide. Aujourd’hui, sa dent est restituée à sa famille et à tous les congolais. Je trouve cet acte très particulier. On n’a certes pas vu son corps, mais cette dent représente beaucoup pour nous », souligne Gertrude Mpiana, caissière dans un supermarché près des huileries.
Joséphine Mawete, vice-présidente de la Coordination des étudiants de l’IFASIC et Percide Liandja, membre d’une ONG des jeunes, évoquent à la fois la culture bantoue et une nouvelle page dans l’histoire de la RDC.
« Le peuple congolais est avant tout un peuple bantou. Notre tradition demande à ce que des funérailles soient organisées pour les morts. Encore plus un homme d'Etat de la carrure de Lumumba le nationaliste. Le retour des reliques de Lumumba rappelle plusieurs souvenirs. Les vraies raisons même de notre indépendance. Je pense que c'est une bonne chose et que nous devons renouer avec notre passé pour mieux bâtir l'avenir », estime Joséphine Mawete.
A Percide Liandja de renchérir, « cet évènement permet à la RDC d'écrire une histoire particulière. Nous avons célébré plusieurs fois notre indépendance, mais aujourd'hui nous avons la chance d’honorer Patrice Emery Lumumba. Je pense que c'est un événement historique ».
Des excuses publiques toujours attendues du gouvernement Belge
Par contre, pour Bertine Kisolokele et Sandrine Omoyi, la relique n’a pas beaucoup d’importance. « Ce n’est pas concevable. Comment et pourquoi Lumumba a été tué, on ne le sait pas. Mais ils veulent nous faire croire que la dent envoyée est celle de notre héros. Peu importe si les membres de sa famille confirment, je considère personnellement que c’est une arnaque », s'exclame Bertine Kisolokele, devant ses braises à Lingwala.
A Sandra Omoyi, agent de la fonction publique d’ajouter. « Cela aurait eu plus d’impact pour la nation congolaise si lors de sa récente visite en RDC, le Roi belge avait exprimer des sincères excuses au peuple congolais. Le passé colonial est lourd. Les mains coupées, la traite des humains, nous n’allons pas oublier tout cela et nous réjouir aussi vite parce que la Belgique nous renvoie plus de 60 ans après, ladite relique », a-t-elle affirmé, sourcils froncés.
Le Congo est-il réellement indépendant?
Comme chaque année, le 30 juin est un jour férié. La rue est calme au centre-ville. Des magasins, des entreprises publiques et privées sont fermés. Pour Jadelle Ntangu, 62 ans plus tard, le Congo n’est pas totalement indépendant.
« Cela va faire 62 ans que ce pays est censé être indépendant. Le terme « Indépendance » suppose une autonomie dans la politique, dans l’économie et dans plusieurs autres secteurs. Mais le Congo ne l’est pas du tout. Nous voyons chaque année comment les ambassadeurs, les hommes d’affaires étrangers et même les politiques étrangers s’insurgent dans les questions qui concernent notre pays»,explique celle qui profite de cette journée pour faire un repas spécial en famille.
«Sans dignité il n'y a pas de liberté, sans justice il n'y a pas de dignité et sans indépendance il n'y a pas d'hommes libres» disait Patrice Emery Lumumba, une citation mentionnée par Joséphine Mawete. Et de poursuivre, « mais plus d'un jeune se demandent si la RDC est réellement indépendante. Que devient la RDC malgré ses ressources minières et humaines ? Plusieurs secteurs sont des chantiers. L'une des questions importantes qui demeure reste de savoir ce que nous fait pour pérenniser le combat du père de l'indépendance Patrice Emery Lumumba. Cette question pousse à réfléchir. Un Congo émergent est possible à condition que le congolais s'engage à abolir les mauvaises pratiques et soit l'acteur principal du changement. Nous devons sortir de la dépendance économique et alimentaire. Construire des industries de transformation au pays. Finir avec la guerre à l'Est, investir dans la jeunesse qui est le présent et l'avenir du pays. Mais cet avenir se prépare maintenant. Et surtout, il faut déraciner le mauvais système installé en RDC ».
Prisca Lokale