RDC : « plusieurs journalistes travaillent sans avoir de salaire », Elda Along

Photo/ Droits tiers
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Rappeler aux gouvernements la nécessité de respecter ses engagements et offrir aux professionnels des médias une occasion de réfléchir aux questions relatives à la liberté de la presse et à l’éthique professionnelle, telle est selon l'UNESCO, l’essence de la journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée chaque 03 mai. Elda Along dresse un bilan de la situation en RDC. 


Bonjour Madame Elda Along et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours et du poste que vous occupez actuellement au sein de votre média ?


Elda Along : J'ai commencé mon parcours professionnel au sein de Mirador Télévision six mois après sa création. A l'époque j'étais étudiante en première année de licence en journalisme. Les femmes n'avaient pas le droit d'aller en reportage. Combiner études et travail n'a pas été facile pour moi. Peu de temps après, mon contrat et ceux de quelques collègues ont été rompus. J'ai ensuite évolué dans le quotidien Uhuru. J'ai géré le desk économique avant que la promotrice décide de mettre la clé sous le paillasson. J'ai travaillé pendant 6 ans à Digital Congo. Là encore, nous avons lancé un mouvement de grève suite à plusieurs mois de salaires impayés. Actuellement, je suis rédactrice en cheffe au sein du média en ligne CongoProfond.net 


 Quelle définition accordez-vous à la liberté de la presse ?


Elda Along : cela consiste pour le journaliste en la liberté d'accès aux sources d'information, à exercer son métier en toute indépendance d'esprit, à agir selon l'éthique et la déontologie du métier. Il ne doit pas être inquiété pour ses opinions dans le cadre de l'exercice de son métier.  Cela implique aussi la responsabilité du journaliste. Il doit savoir qu'il a un rôle à jouer au sein de la société. "Une presse libre est le signe que l'on est dans une république véritablement démocratique", dit-on.


Au cours des dix dernières années, quel bilan faites- vous faites de cette liberté en RDC ?


Elda Along : je pense que le bilan n’est pas très reluisant. On se souviendra de la manière dont les journalistes ont été malmenés par les services de sécurité sous le régime agonisant de Joseph Kabila. Plusieurs journalistes ont été menacés de mort, certains ont fait de la prison et d’autres ont perdu la vie. Le cadre juridique n’a pas évolué, notamment en ce qui concerne la dépénalisation des délits de presse, la mise à jour de la loi n°22 du 12 Juin 1989 relative à l’exercice de la presse, de l’accès aux sources. Du point de vue des conditions de travail des journalistes, la situation s’est dégradée. On a vu des licenciements, des grèves (notamment chez Digital Congo, Télé 50), il y a une baisse de la qualité des contenus. Les responsables des médias recrutent des jeunes, qui n’ont pas de bases solides  et ce pour tenter de les manipuler. Le journaliste (pour ceux qui ont de l’expérience) est obligé de mendier pour survivre. Il court après le coupage, ce qui le rend dépendant des sources d’information, perdant ainsi sa liberté dans le traitement des informations. 


Y a-t-il de l'évolution depuis l'avènement de la troisième République ?


Elda Along : le journaliste est souvent harcelé par les services de sécurité, ils accèdent difficilement aux sources d’informations, la situation n’a pas changé bien qu’elle ne soit pas comparable à celle que nous avons vécu sous le régime de Joseph Kabila. L’environnement de pauvreté se poursuit. Plusieurs journalistes travaillent sans salaire mensuel. Ils restent dans la profession par passion. 


Que faut-il pour avoir une presse libre en RDC ?


Elda Along : il faut que le cadre juridique soit actualisé, que l’état réorganise le secteur en dotant les médias des moyens conséquents, mais aussi en se réunissant avec toutes les organisations qui œuvrent en faveur d’une presse libre et indépendante pour réfléchir sur comment ordonner la corporation journalistique. Il y a des hommes et des femmes qui ne devraient plus exercer ce métier car ils ternissent l’image de la corporation. Les journalistes doivent également être formés de manière permanente et cela fait partie des tâches des organisations telles que l’UNPC, l’OMEC, le CSAC.

Propos recueillis par Prisca Lokale