L'espoir prend son envol pour une région reculée de la RD Congo

Un avion UNHAS se prépare à décoller à l’aéroport de Tshikapa. Ph. Elisabeth Bryant/PAM
Un avion UNHAS se prépare à décoller à l’aéroport de Tshikapa. Ph. Elisabeth Bryant/PAM

Une piste d'atterrissage réhabilitée par UNHAS du Programme alimentaire mondial permet de dynamiser l'économie de la région du Kasaï, alors que les vols humanitaires sont menacés par des réductions de financement

Par Elizabeth Bryant

Perchés sur une butte herbeuse, des écoliers aperçoivent les phares de l'avion, dans la chaleur chatoyante de l'après-midi. Quelques secondes plus tard, le Cessna 208 Caravan atterrit sur la piste récemment réhabilitée de Tshikapa, projetant un nuage de poussière rouge dans l’air.

Il n'y a pas si longtemps, l'atterrissage dans ce coin fertile du centre de la République démocratique du Congo était un voyage cahoteux et, pendant les orages, parfois périlleux, les vents violents envoyant des vagues d'eau sur une piste boueuse.

Mais aujourd'hui, la piste d'atterrissage a bénéficié d'une rénovation qui a coûté 326 000 USD, financée par le Service aérien humanitaire des Nations unies, ou UNHAS, géré par le Programme alimentaire mondial. En conséquence, les vols de UNHAS à destination de Tshikapa - capitale de la province du Kasaï de la RDC, pauvre mais riche en diamants, qui jouxte l'Angola – étaient passés d'un vol par semaine à trois.

 

La piste d'atterrissage sur la terre rouge (latérite) assure non seulement l'assistance humanitaire vitale aux personnes les plus vulnérables de la région, mais elle ouvre également des opportunités économiques plus larges - même si le service de UNHAS dans la région du Kasaï est menacé par des réductions de financement.   

"Elle va vraiment améliorer le transport humanitaire et commercial dans notre province", déclare Dieudonné Pieme, gouverneur du Kasaï, qui souhaite que la prochaine étape soit l’asphaltage de la piste d'atterrissage. "Elle peut contribuer de manière très significative à améliorer la vie des populations au Kasaï".

François Kasungila, qui dirige le petit aéroport de Tshikapa, prédit que les compagnies aériennes qui ont abandonné la province y reviendront bientôt, transportant simples passagers et hommes d’affaires.

"Je voudrais remercier le PAM pour ce soutien", ajoute Kasungila, "Il a été si important pour cet aéroport. Avant, la piste était dans un état désastreux."

Les diamants et la faim

La piste de Tshikapa compte parmi les pistes d'atterrissage et les pistes plus courtes en ruine que UNHAS espère réhabiliter dans le deuxième plus grand pays d'Afrique, et l'un des plus inaccessibles. Le survol de la RDC offre une vue imprenable sur la vaste forêt tropicale, les prairies et les rivières. Pourtant, le manque de routes, de voies ferrées et d'autres infrastructures de transport constitue un handicap majeur au développement, contribuant à alimenter la pauvreté et la faim généralisées - 27 millions de personnes souffrent d'insécurité alimentaire aigue.

La province du Kasaï, qui se remet encore du conflit de 2016-17 est desservie par une mosaïque de routes cratérisées et de ponts délabrés, en est un exemple. Elle présente l'un des taux de faim et de malnutrition les plus élevés de la RDC. Dans certains endroits, à peine 4 % des enfants de moins de 2 ans ont un régime alimentaire minimalement acceptable.

Pourtant, le vaste potentiel économique du Kasaï est visible dans le centre-ville animé de Tshikapa, où les femmes qui vendent du maïs, des arachides et du manioc rivalisent avec une cacophonie de motos. Une myriade de négociants en diamants, aux noms colorés comme American Ninja, sont également à la recherche d'affaires.

La plupart des petits exploitants artisanaux de diamants du Kasaï n'ont cependant pas fait fortune. Dans un centre de santé de la ville soutenu par le PAM, François Tshimanga, 37 ans, berce sa fillette de deux ans, Kapinga, se remet de la malnutrition. 

"Les affaires ne sont pas bonnes", déclare Tshimanga, père de six enfants, qui creuse pour trouver des diamants sur les rives de la rivière Kasai. Le dernier qu'il a découvert remonte à 2005. Il l'a vendu à 100 USD.

"Je dois trouver un autre travail", dit-il. 

Chez elle, à quelques kilomètres de là, l'agricultrice Mushia Mokange, 51 ans, connaît également des temps difficiles. Elle ne peut se permettre de nourrir sa famille qu'une fois par jour. Le repas d'aujourd'hui était à base de feuilles de manioc.

"L’agriculture est difficile", dit-elle en regardant son petit carré de maïs. "Et nous devons manger pour pouvoir travailler".

"Il y a un sérieux problème de malnutrition dans la région", explique Wivine Mananga, chargée de nutrition du PAM à Tshikapa. "La population travaille dans les mines et l'agriculture. Mais cela peut prendre 10, 15 ans pour trouver un diamant. Et de nombreux agriculteurs n'ont pas de terres, d'engrais ou de formation", ajoute-elle.

L'accès essentiel, les fonds rares

Le PAM tient à agir - la stabilité revient lentement dans la région du Kasaï. En collaboration avec des partenaires tels que l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, le PAM passe de la fourniture d'une aide alimentaire d'urgence à la mise en place d'activités agricoles et d'autres activités de renforcement de la résilience - des interventions qui visent à autonomiser les populations sur le long terme.

La facilité d'accès est essentielle à ces efforts et, en fait, à l'ensemble de la réponse humanitaire du PAM.

"Nous touchons jusqu'à 300 000 personnes par mois avec une assistance alimentaire dans la province du Kasaï", explique Tiopini Konate, chef du bureau du PAM à Tshikapa. "La piste d'atterrissage aide." 

D'autres agences humanitaires en bénéficient également. Il faut deux jours de route pour aller de Kinshasa, la capitale de la RDC, à Tshikapa. Même atteindre la ville depuis la capitale provinciale voisine de Kananga, à environ 260 km, est un défi.

"C'est un trajet de 10 heures depuis Kananga, dans des conditions très difficiles", explique Philippe Onanaa, responsable de la protection pour l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Tshikapa. "Les vols de UNHAS nous aident à atteindre rapidement les personnes sur le terrain". 

Mais le manque de financement a contraint UNHAS à mettre fin à ses vols vers le Kasaï ce mois-ci (février), tandis que dans d'autres parties du pays, les opérations seront réduites.

"Si par ses vols UNHAS cesse de desservir Tshikapa, cela va à coup sûr affecter l'accès humanitaire aux personnes qui ont besoin de notre assistance en temps voulu", déclare Hamza Abdalla, chef de service adjoint en RDC.

À bord du Cessna, le pilote Innocent Shuwu salue ses passagers et leur demande de boucler leur ceinture.

Les surveillants de l'aéroport chassent les enfants de la piste au moment où l'avion fait le taxi. Un petit garçon court dans le champ adjacent, essayant de suivre le rythme. 

Il abandonne bientôt, car l'avion prend de la vitesse. Puis l'avion prend de l’altitude, survolant la savane verte de la province du Kasaï.